Lors de son intervention sur RCF le 10 avril dernier, l’archevêque d’Avignon a commenté l’actualité politique. Deux événements ont retenu son attention : la suppression du délai de réflexion demandé aux mères avant l’IVG, et le retour de Jean-Marie Le Pen sur le « détail » des chambres à gaz des camps d’extermination nazis. Voici des extraits de la retranscription de ses propos (le style oral a été respecté).
« J’AI ÉTÉ TOUCHÉ d’entendre que l’Assemblée venait de voter la suppression des sept jours de réserve durant lesquels il était demandé à une femme qui voulait avorter de pouvoir prendre le temps de réfléchir, de consulter éventuellement. Je suis vraiment atterré de voir que si vous achetez une machine à laver ou une voiture sur l’Internet, vous avez le devoir d’attendre huit jours pour avoir confirmation de votre achat, et vous pouvez vous rétracter. Une femme maintenant peut mettre à mort l’enfant qu’elle porte — il s’agit bien de cela —, elle n’aura plus aucun recours possible.
Scandales pour l’humanité
Qu’on ait le droit d’attendre huit jours pour acheter un matériel, et qu’on ait le droit de tuer l’enfant que l’on porte ! — ce qui est, pour redire ce que Mère Teresa disait, le crime le plus odieux qui soit, car une mère en vient à vouloir tuer l’enfant qu’elle porte en son sein, porter atteinte à la vie que l’on porte.
Je crois vraiment que les députés qui siègent la nuit feraient mieux de se reposer davantage pour pouvoir mieux travailler, avec de meilleures conséquences, dans la journée, car ces votes de nuit qui passent inaperçus sont des scandales pour l’humanité. Lorsque j’entends des députés de gauche, de droite, du centre, me dire « Monseigneur, ce n’est pas si grave que cela, c’est le sens de la société d’aujourd’hui... », [je leur dis] : excusez-moi, un enfant n’est pas une voiture ou une machine à laver.
« En tant que citoyen »
Je ne donne pas seulement mon avis en tant qu’évêque, je le donne d’abord en tant qu’homme. En tant que citoyen, j’ai aussi le droit de m’exprimer. Je ne vois pas pourquoi on aurait le droit, parce qu’on est ministre de la Santé, de proposer des choses qui sont contre toute anthropologie. Demandez aux philosophes, aux médecins, aux scientifiques : ils vous diront tous qu’un foetus est déjà un enfant en devenir, une personne humaine en devenir ; ce n’est pas une chose. Lorsque j’étais aumônier dans une école catholique, la directrice voulait que les filles aillent faire un stage en maternité pour assister à un avortement par aspiration, voir passer des petits morceaux de mains, de pieds...
Je vous promets que j’attends [les explications] du ministre de la Santé pour voir si je donne vraiment mon avis en tant qu’évêque ou si c’est simplement en tant que personne humaine qui réfléchit avec son intelligence sur ce scandale de ce texte.
Je ne juge pas les personnes — je le dis toujours lorsque je prends position —, mais je juge les comportements. Là, je juge les personnes que sont les députés qui ont voté cela cette nuit ; je porte atteinte aux personnes car j’ai le droit de dire à ceux qui ont été élus par la nation qu’ils sont en train de perdre la tête. Je crois vraiment que le grand problème de notre société est que nos élus s’occupent de beaucoup de choses, mais s’occupent-ils vraiment du bien de l’homme ?
Qu’est-ce que l’homme ?
Il faudrait d’abord réfléchir sur ce qu’est l’homme réellement, car ce sont les lobbies qui nous conduisent, dans tous les domaines ; ce sont des lobbies qu’on voit apparaître à un moment ou à un autre, comme le mariage pour tous. Beaucoup de députés socialistes me l’avaient dit à l’époque : on n’a pas besoin d’une nouvelle loi, il aurait suffit de changer le nom du PaCS, de trouver un nom spécifique pour ces amitiés homosexuelles, qui sont de véritables amitiés que je suis prêt à respecter, mais n’appelons pas cela un mariage.
Le mariage, dans le vocabulaire, c’est l’amour qui ouvre à la vie. Deux homosexuels peuvent s’aimer d’amitié, mais cela ne s’ouvrira pas à la vie : ce n’est pas un évêque qui parle, c’est simplement le bon sens de l’homme.
Les chambres à gaz
Les prises de position sur les radios de M. Le Pen me scandalisent ; je ne suis pas sûr que la fille de M. Le Pen, et peut-être même sa petite-fille, qui aime beaucoup son grand-père — je m’en réjouis — aient vraiment changé d’avis sur des positions essentielles.
Je vais tous les deux ans en Pologne et je vais toujours à Auschwitz ; les chambres à gaz ne sont pas un détail de l’histoire. Quand je passe une journée à prier sur tous ces génocides qui traversent l’humanité, les chambres à gaz ne sont pas un détail de l’histoire. Je trouve scandaleux qu’on puisse encore être président honoraire d’un parti, quel qu’il soit, quand on ose prononcer des phrases de cet ordre. Je trouve dommage que trop de chrétiens aient peut-être voté sans réfléchir — ou alors en demandant un changement radical à la tête de ce parti.
La mort n’est jamais un détail
Au-delà de l’évêque que je suis, je suis scandalisé au regard de l’histoire, au regard de la Vérité. Il est vrai que tous les peuples sont capables de génocide, que ce soit la Russie, le Congo, le Rwanda, de nombreux pays du monde, et nous-mêmes — la Révolution a montré qu’on ne faisait pas mieux que les autres, ou alors qu’on était capables de faire aussi bien que les autres en ce domaine. Je pense qu’on doit dénoncer tous ces comportements.
D’avoir remué ce passé de M. Le Pen me semble montrer qu’on ne perçoit pas la profondeur de l’atteinte à la Vérité. Je vois les images qu’on a encore des photos de l’époque : je vois cet officier allemand qui sourit un cigare aux lèvres ; il porte deux hommes qui ont été déshabillés pour que l’on n’ait pas l’obligation de leur retirer leurs vêtements après leur mort, et deux autres soldats allemands sont en train de les fusiller : ce sont vraiment des images qui vous marquent profondément. La mort d’un homme n’est jamais un détail de l’histoire ; et les chambres à gaz sont un scandale de l’histoire.
[…]
+ Jean-Pierre Cattenoz,
archevêque d'Avignon
Lire le texte complet de la retranscription du Mot de l’évêque diffusé sur RCF le 10 avril 2015)
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