[Source : France Catholique]
Ces derniers temps, j’ai beaucoup pensé à Blaise Pascal (1623-62) grand mathématicien et grand scientifique, en même temps que grand apologiste et homme de controverse chrétien. Imaginez par exemple un croisement de Stephen Hawking et d’Hilaire Belloc, et vous commencerez à prendre la mesure de cet homme – un type d’homme très utile en un âge où la controverse semble sans fin.
Au milieu du dix-septième siècle, les gens ont commencé à ressentir l’effondrement de l’ancienne science géocentrique, « elle est toute en morceaux, toute cohérence s’en est retirée » a écrit à l’époque John Donne.
L’ancien système ptolémaïque qui mettait la terre en bas (et non pas « au centre » comme le montre C.S. Lewis dans son remarquable petit livre l’Image rejetée) était un modèle païen et non pas chrétien. Dante l’a merveilleusement utilisé pour faire le tri entre les vices et les péchés, les vertus et la sainteté. Mais ce n’était pas essentiel pour le christianisme.
Pascal était un brillant mathématicien, qui a développé notre compréhension des sections coniques et des cycloïdes en géométrie et étudié les probabilités (dans la période de sa vie où il n’était pas très « mondain »selon le monde, il a essayé de combiner des nombres dans des établissements de jeu.) Au début de son adolescence, il a inventé une espèce d’ordinateur, compris correctement ce qu’était le vide, (contrairement à Descartes) et encore beaucoup de choses.
Mais Pascal a aussi repensé la cosmologie de façon novatrice, ce qui n’a pas toujours été vraiment apprécié par le monde. Le vieil ordre hiérarchique était satisfaisant d’un point de vue psychologique, mais le nouvel univers – essentiellement le monde horizontal et en expansion qui est encore le nôtre – manquait d’une bonne vision de notre place dans la création en tant qu’êtres humains.
Le « Pari de Pascal » - qui est de dire qu’il est préférable, même en mathématiques pures, de parier en faveur de l’existence d’un Dieu infini plutôt que contre – est bien connu. Cet argument a été vraiment frappant pour tous, et peut-être n’avait-il pas l’intention de faire plus que d’établir un fait. Mais, en cosmologie, Pascal a fait une avancée remarquable. L’univers moderne est beaucoup plus grand que l’ancien, et Dieu plus grand encore. En effet Pascal a réalisé que l’univers révélé par la science actuelle était toujours fini. C’est une définition classique de dire que Dieu est infini, ce qui veut dire qu’il n’est pas fini. Il n’est pas un objet dans le monde, pas même la totalité du monde, mais incommensurablement au-delà du monde.
Sur un plan spirituel, cela veut dire que nous ne pouvons pas aller à Dieu par nos propres moyens. En mathématiques, si vous vous rapprochez de 1 mille, de 1000 milles ou de 1 000 000 de milles, d’un point à une distance infinie, il est toujours infiniment loin. Nous pouvons tourner nos esprits et nos cœurs vers Dieu, et le trouver, bien sûr. Mais c’est parce que c’est Lui qui traverse la distance infinie qui Le sépare de nous. Lui seul en a le pouvoir infini nécessaire.
Vous me direz que c’est une vision abstraite. Jusqu’à ce que vous réalisiez que cela pourrait être un moyen mathématique de suggérer pourquoi Jésus a eu besoin de venir jusqu’à nous. Nous ne pouvions pas aller jusqu’ Lui ; C’est Lui qui a fait le premier et crucial mouvement.
En même temps, Pascal regardait l’infiniment petit, jusqu’au néant absolu : plus de matière, d’énergie, de temps ni d’espace. En un sens, nous – en tant qu’êtres créés – sommes infiniment plus grands que le néant car il a fallu la puissance infinie de Dieu pour faire de nous des êtres en nous tirant du néant. Aucun être dans notre cosmos, ne peut faire qu’un autre être existe ex nihilo.
C’est un pouvoir qui transcende tous les êtres et les forces de l’univers. C’est au milieu de cet étrange entre-deux de la vie humaine que Pascal a ancré sa vision de nous en tant qu’ëtres à la fois misérables et exaltés : misérables dans notre pauvreté, notre faiblesse et notre péché ; exaltés non seulement dans notre état de créatures, mais d’êtres d’une sorte spéciale qui peut comprendre quelle est sa place dans la création. Son œuvre la plus connue, « les Pensées », est un effort qu’il n’a pas terminé, pour montrer comment la Bible offre des réponses précises aux grandes questions.
Pascal a élaboré tout ceci, alors qu’il était impliqué dans des controverses religieuses. La première avec les Jésuites qui en son temps, croyait-il, utilisaient une fausse casuistique pour exonérer de riches pénitents et mettre la confusion dans les jugements moraux.
Pour avoir une idée de la manière dont Pascal les a embrochés, essayez de lire « les Lettres provinciales » surtout la 4° qui commence ainsi : « Rien ne peut approcher les Jésuites. J’ai vu des jacobins, des docteurs, et toutes sortes de gens dans ma vie, mais un entretien comme celui que je viens d’avoir manquait à ma complète connaissance de l’humanité. »
Toutefois, la controverse n’était précieuse pour lui que comme un moyen d’atteindre un but. Il existe un vieux proverbe bouddhiste Zen : « Mieux vaut voir le visage qu’entendre le nom ». Après toutes les polémiques et analyses, Pascal reçut une grâce spéciale. Après sa mort, on trouva, cousu dans ses vêtements, un mémorial qui disait ceci :
L’an de grâce 1654
Lundi 23 novembre, fête de Saint Clément, pape et martyr, et d’autres au martyrologue. Vigile de Saint Chrysogone, martyrs, et autres.
Entre dix heures et demie du soir et environ minuit et demi
FEU.
DIEU d’Abraham, DIEU d’Isaac, DIEU de Jacob
Non pas le Dieu des philosophes et des savants.
Certitude. Certitude. Joie. Paix.
DIEU de Jésus Christ
Mon Dieu et votre Dieu.
Votre Dieu sera mon Dieu.
Oubli du monde et de tout, hormis DIEU
On ne le trouve que par les voies enseignées par l’Evangile.
Grandeur de l’âme humaine.
Dieu juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi, je t’ai connu.
Joie, joie, pleurs de joie.
Je me suis écarté de lui :
Ils me sépareront de la fontaine d’eau vive.
Mon Dieu, vas-tu me quitter ?
Que je ne sois pas séparé de lui pour toujours.
La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et ton envoyé
Jésus Christ.
Jésus Christ.
Jésus Christ.
Je l’ai quitté, je l’ai fui, renié, crucifié.
Que je ne sois jamais séparé de Lui.
On ne peut le garder que par les voies enseignées par l’Evangile : Renoncement total et doux.
Soumission complète à Jésus Christ et à mon directeur.
Eternellement en joie pour un jour d’exercice sur terre.
Que je n’oublie pas tes paroles. Amen.
Deux heures d’illumination. Il n’y a sans doute rien de comparable à ce texte – ou à Pascal – dans toute l’histoire chrétienne. Nous pourrions nous accommoder d’un autre chrétien comme lui aujourd’hui.
Blaise Pascal est en effet un personnage qui vaut la peine de connaître. Nous, chrétiens protestants évangéliques saluent en lui un frère en Christ dont les Pensées renforcent notre conviction que la Bible fournit les réponses aux grandes questions que l'homme se pose quant à son existence et sa relation avec Dieu. J'apprécie spécialement la section de ses Pensées sur les prophéties qui ont eu leur accomplissement en Christ. En tant que mathématicien il en était bien impressionné; c'est un argument moins apprécié pour l'inspiration et la véracité des Ecritures.
Une simple remarque alors que je pourrai en faire bien d'autres,notamment sur le jeansénisme puritain de Pascal qui fut pour l'Eglise une catastrophe puisque toutes les régions où il domina furent parmi les premières à se décatholiciser soit pour le protestantisme soit plus tard pour l'anticléricalisme bête et méchant mais passons et inclinons nous devant le génie:le vrai titre de cet ouvrage est:"Lettres d'un provincial";si Pascal avait alors été déjà à Paris,il aurait rencontré des jésuites de bonne taille!
Sur sa position à la fin de sa vie,deux phrases contradictoires circulent: 1 Les jésuites tiennent les deux bouts de la chaîne,les jeansénistes qu'un"- 2 si je devais réécrire les lettres d'un provincial,je les referai telles quelles.????