L’immigration est un thème majeur du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Et ce dernier continue à le porter pendant la campagne présidentielle de 2012. Après cinq ans de pouvoir, quel bilan tirer de sa politique d’immigration ?
« Une immigration choisie, une immigration réussie »
Voilà comment le programme de campagne de l’UMP titrait sa politique d’immigration en 2007. Une trentaine de mesures étaient annoncées. Parmi elles :
- l’adaptation des flux annuels d’immigration aux besoins et aux capacités d’accueil de la France, en fixant des plafonds en fonction des différentes voies d’entrée (immigration économique, asile, regroupement familial…) ;
- un meilleur équilibre entre l’immigration économique et l’immigration familiale ;
- la mise en place d’un système de points pour attirer les personnes étrangères qualifiées ou répondant à un besoin du marché du travail, sans porter atteinte aux intérêts des pays d’origine ;
- le renforcement des conditions de revenu et de logement pour le regroupement familial, afin que vivre en France soit un projet fondé sur le travail, pas sur le bénéfice de prestations sociales ;
- attirer les meilleurs étudiants en fonction des besoins de notre économie et de ceux des pays d’origine ;
- signer des traités de co-développement et d’immigration concertée avec les pays sources d’immigration ;
- en échange d’un engagement de revenir dans leur pays d’origine pour se consacrer à son développement, accorder un titre durable de circulation aux étrangers venus se former en France ;
- réformer l’aide médicale d’Etat en la reversant aux personnes vraiment nécessiteuses ;
- créer un grand ministère de l’immigration et de l’intégration regroupant l’asile, l’immigration, la politique des visas et l’intégration ;
- renforcer la police européenne aux frontières ;
- créer un réseau consulaire unique entre les pays de l’Union européenne pour la délivrance des visas ;
- développer l’utilisation des technologies biométriques dans les documents officiels ;
- mettre en place un pacte européen de l’immigration entre les grandes nations européennes, qui comporterait des obligations en matière de régularisation et d’éloignement des clandestins ;
- créer une procédure unique d’asile en Europe et un office européen de l’asile chargé d’examiner les demandes ;
- proposer un traité multilatéral en matière de migrations, prévoyant des droits et des devoirs pour les pays sources et les pays de destination, et créer une organisation mondiale chargée de le faire appliquer ;
- faire de la lutte contre les passeurs, les esclavagistes modernes, les filières criminelles d’immigration, une priorité de la coopération policière internationale ;
- renforcer les obligations de connaissance du français et de respect des valeurs républicaines pour le regroupement familial et l’accès à la nationalité française ;
- appliquer la loi matrimoniale française à tous les couples vivant en France ;
- soutenir en priorité les associations d’accueil des migrants qui expriment nos valeurs fondamentales : laïcité, égalité hommes femmes, rôle de la famille, promotion par le travail et l’éducation…
- pour les étrangers installés depuis longtemps chez nous et qui respectent nos lois et nos principes, créer une carte permanente de séjour.
Les mesures prises
La création d’un grand ministère de l’immigration et de l’intégration regroupant l’asile, l’immigration, la politique des visas et l’intégration est la première mesure prise. Le 20 novembre 2007, une loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile est publiée. Le vote du 23 octobre de cette même loi avait suscité de vives réactions. Dans un article, Thierry Boutet rapporte que « des évêques français s'étaient élevés avec vigueur contre l'amendement d'Yves Mariani sur les tests ADN. C’est ainsi que le ministre de l'Identité nationale, Brice Hortefeux, a écrit à tous les évêques de France une lettre sur la question de l'immigration pour reprendre le dialogue. »
En février 2008, la commission Mazeaud est chargée d’un rapport sur le thème « Immigration et constitution » qui sera réalisé avec Gérard-François Dumont, professeur à l’Université de la Sorbonne, et Hervé Le Bras, auteurs de Doit-on contrôler l’immigration ? (Ed. Prométhée, 2009) [1]. Le 11 août 2008 est rendu un arrêté relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse.
De juillet à décembre 2008, lors de la présidence française de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy conclut comme promis un Pacte européen destiné à encadrer et réguler les flux migratoires en fonction des besoins en main d’œuvre des pays membres de l’UE, interdisant les régularisations massives de sans-papiers. Des premières pistes proposées pour s’attaquer à l’harmonisation de la politique d’asile seront poursuivies sous d’autres présidences.
Le 7 avril 2009, dans une lettre de mission, Nicolas Sarkozy fixe cinq priorités à son ministre Eric Besson :
- Renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière ;
- Conforter notre politique de l’asile ;
- Mettre en place une nouvelle politique de l’intégration : partage de la langue française et des valeurs de la République, le travail et le logement ;
- Promouvoir notre identité nationale ;
- Renforcer notre politique de développement solidaire pour aboutir à une approche globale de l’immigration, associant les pays d’origine.
C’est ainsi que le 16 juin 2011, la Loi Besson relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité est publiée. Encore en projet de loi en septembre 2010, le texte qui reprend notamment les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy dans son discours de Grenoble fait l’objet d’un communiqué de la part des sept évêques de la Commission pour la mission universelle de l'Église. Ceux-ci ont fermement rappelé la nécessité d'aborder la difficile question du traitement politique de l'immigration dans toutes ses composantes, à la fois sous l'angle du respect de la dignité des personnes mais aussi du bien commun, et notamment de celui du pays d'origine des migrants [2].
De novembre 2009 à février 2010, un débat sur l'identité nationale a été organisé pour soulever les tabous… Il s’est cristallisé sur l’Islam…[3] En mai 2011, comme en 2008 et 2009, Nicolas Sarkozy s’est opposé aux propositions de la Commission de renforcer le régime d’asile commun. Ce régime aurait pourtant permis une assistance juridique gratuite pour les demandeurs d’asile en première instance, un délai de moins d’un an pour leur accès au marché du travail et des dispositions sur les prestations sociales. Pour Sarkozy, ces mesures étaient susceptibles de peser « sur les États membres les plus généreux ».
Enfin, une quinzaine d’accords de gestion concertée des flux migratoires ont été signés avec des pays tels que le Sénégal, le Bénin ou la République Démocratique du Congo pour lutter contre l’immigration illégale. Un contrat d’accueil et d’intégration spécifique est également décidé pour que les bénéficiaires du regroupement familial suivent une formation spécifique les sensibilisant à un certain nombre de devoirs et de valeurs républicaines comme l’obligation scolaire pour les enfants de 6 à 16 ans, la promotion de l’égalité entre hommes et femmes ou l’interdiction de la polygamie…
La réalité du terrain
En 2009, il est intéressant de voir que sur le total des motifs d’entrée en France, 43,3% sont liés au regroupement familial, 28,5% aux études et seulement 5,2% à des demandes d’asile. Où sont alors les effets de la politique proposée en 2007 du « meilleur équilibre entre l’immigration économique et l’immigration familiale ?
En 2010, l’immigration légale en France a augmenté d’environ 10,6% en 2010 selon France Terre d’Asile et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Le solde migratoire, quant à lui, se mesure difficilement car « certains migrants repartent chez eux avec des titres de séjour de longue durée qu’ils conservent malgré leur départ de France ou font des allers-retours (notamment les retraités immigrés)[4]. Cette même année, sur 28087 personnes reconduites à la frontière, un tiers constitue des retours volontaires récompensés d’une prime de 2000 euros par adulte et 500 par mineur l’accompagnant. Parmi eux, 8000 Roms susceptibles de revenir trois mois après leur départ, dans le cadre d’une « immigration pendulaire » (Gourévitch)… Selon l’hebdomadaire Valeurs Actuelles du 25 mars 2010, les ¾ des dépenses liées à l’immigration porteraient sur la protection sociale.
Concluons avec Jacques Bichot, auteur de Les enjeux 2012 de A à Z – Abécédaire de l’anti-crise, qui explique qu’au contraire de l’immigration choisie, il faut faciliter le devoir de travailler[5]. En effet, lorsqu’un étranger fait une demande de séjour en préfecture, il perçoit de l’Etat français un revenu mensuel d’environ 300 euros/mois le temps du traitement de la demande. Pendant ce temps, l’étranger n’a pas le droit de travailler, et pour arrondir ses fins de mois, il va travailler au noir et ainsi alimenter les filières clandestines. L’Etat y perd fiscalement et apprend dans le même temps aux étrangers à être assistés socialement…. Le débat sur l’immigration que nous devons avoir aujourd’hui est un débat en profondeur afin que l’Etat Français et les étrangers eux-mêmes ne se retrouvent pas dans des situations aussi inextricables.
Retrouvez tous les articles de la présidentielle sur l'immigration dans notre dossier :
[1] http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Controler-l-immigration-Dialogue-a-main-armee-entre-G.-Fr.-Dumont-et-H.-Le-Bras
[2] http://www.libertepolitique.com/L-information/Le-fil-d-actualite/Projet-de-loi-Besson-les-eveques-rappellent-les-exigences-du-bien-commun
[3] http://www.leparisien.fr/politique/identite-nationale-le-debat-trouble-les-francais-21-12-2009-751874.php
http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/L-identite-nationale-ou-la-confiance-en-soi
http://www.libertepolitique.com/L-information/Le-fil-d-actualite/Notre-appartenance.-L-identite-nationale-par-Dominique-Souchet; http://www.libertepolitique.com/L-information/Le-fil-d-actualite/Pour-une-journee-nationale-du-drapeau
[4] Direction de la population et des migrations, Immigration et présence étrangère en France en 2006, La Documentation française, 2007
[5] http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Les-rates-de-l-immigration-choisie et http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Sans-papiers-qui-regulariser-qui-expulser
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La «réalité du terrain» : en 2010, le nombre de cartes de séjour a augmenté de 80 % par rapport à 2000 - Jean-Pierre Chevènement, à Paris Match, le 27/4/2011.