Dans Le Monde du 4 février, Nicolas Hulot appelle les Églises à un sursaut de conscience face à la crise climatique. Mais comment coopérer avec les écologistes si les bases communes sont fausses ? Comment dialoguer avec des interlocuteurs qui manient la pirouette sur les questions de démographie ou simplement scientifiques ? Non sans
APPELER les religions à la raison ? Faut-il encore savoir de quelle raison Nicolas Hulot parle dans son appel. Le journaliste estime que, en matière de réchauffement climatique, « il est important que l’Église précise clairement les choses ». Il formule le rêve que, dans la prochaine encyclique annoncée, « la crise climatique [soit] nommée en tant que telle ». Il oublie que le concile Vatican II a été très prophétique en recommandant aux laïcs de ne pas attendre de leurs pasteurs qu’ils « aient une compétence telle qu’ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission [1] ».
Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église aime à dire que « l’Église ne prend pas en charge la vie en société sous tous ses aspects, mais selon sa compétence spécifique qui est l’annonce du Christ Rédempteur […]. Ceci veut dire que l’Église, avec sa doctrine sociale, n’entre pas dans des questions techniques ».
Certains laïcs chrétiens engagés dans le dialogue avec Nicolas Hulot feraient donc bien de ne pas enfermer l’Église dans leurs propres jugements scientifiques. Leur responsabilité est de savoir cantonner la science dans les limites de ses hypothèses. Et, plus ils sont proches des commissions épiscopales, par exemple, plus ils devraient être prudents sur des questions qui ne sont pas de la compétence des autorités de l’Église.
En matière de compétence et de « raison scientifique », il est étonnant que certains chrétiens soient capables de discernement quand il s’agit du mensonge mondial sur les vertus thérapeutiques de la recherche embryonnaire, répété à l’envi depuis vingt ans (des prix Nobels récents ont déjoué ce piège). Mais quand il s’agit de climat, pourquoi ne peuvent-ils pas imaginer qu’il puisse y avoir un pseudo-consensus du même genre, c’est-à-dire idéologique ? Ne soyons pas amnésiques !
L'alliance entre l’écologie scientifique et la théologie
Nicolas Hulot se fait menaçant : « Si le monde échoue à s’entendre sur le climat en 2015, la grande Histoire retiendra le nom de ceux qui n’ont pas joué leur rôle. »
La grande Histoire nous montre le contraire. Lors de la grande peste médiévale, ceux qui la vivaient devaient se dire la même chose : la grande Histoire se rappellerait cette catastrophe qui a vu un tiers de la population disparaître dans certaines régions. Or qui en fait mémoire ? Pas grand monde ! Ce que la grande Histoire retient, ce sont les changements de vision du monde. Elle fait bien davantage référence à Copernic ou à Christophe Colomb parce qu’ils ont changé nos paradigmes.
Nicolas Hulot a donc peut-être raison d’estimer « que la réflexion métaphysique n’est pas inutile pour appréhender en profondeur la crise de civilisation que nous vivons ». Il est « fondamental, dit-il, que les Églises, et l’Église catholique en particulier, clarifient la responsabilité de l’homme vis-à-vis de la “Création” (sic), pour reprendre le langage des croyants ». Certes !
Mais, pour qu’il y ait un véritable dialogue, les chrétiens devraient justement commencer par approfondir cette théologie de la création. Or le syncrétisme est toujours une tentation humaine. Il pourrait s’infiltrer chez les chrétiens oubliant les fondements de la foi de l’Église. En effet la seconde création, celle de Pâques, est plus importante encore que la première pour nous mettre dans la perspective de la Terre Nouvelle.
Oui, l’« écologie de l’homme » trouve sa source dans la Genèse : « La nature est faite pour l’homme. » Nicolas Hulot peut bien poser cette question : « L’homme est-il là pour dominer la nature, comme l’affirment certains textes ? » Mais est-ce la question fondamentale ? Prenons garde à ne pas « rêver d’un paradis perdu » (Jean-Paul II) auquel l’écologisme veut trop souvent nous ramener.
L’« écologie intégrale » voit plus loin : « L’homme est fait pour Dieu. » Cette Terre Nouvelle que nous attendons, nous y sommes plongés depuis Pâques.
Un Credo écologiste
Ne faudrait-il pas rappeler le Credo aux chrétiens soucieux de dialogue avec l’écologisme :
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- Je crois en un seul Dieu — Entre les cultes à Gaïa et à Yahvé, il y a des risques de syncrétismes ! Vouloir introduire dans le pain et le vin, des espèces garanties par le « label biologique » en est un exemple effarant.
- Je crois en dieu créateur — La première création dépasse le simple big-bang ou l’évolution selon Darwin. Il faut aller encore en amont et comprendre l’amour créateur de l’Esprit.
- Je crois en Dieu tout puissant — Or nous rêvons plutôt d’une gouvernance humaine toute puissante [2] ? Il est des thématiques comme celle du climat qui peuvent être un alibi pour justifier la fin des états présentés comme incapables de résoudre les problèmes.
- Je crois en Jésus-Christ ressuscité — Pâques est au centre d’une seconde création. Nos visions écologiques ne peuvent faire l’économie d’un regard vers cet « ordonnancement plus que parfait » qu’est le dessein divin ultime pour nous. L’écosystème auquel nous sommes appelés, c’est la cité céleste, celle où nous deviendrons dieu au sens où l’écrit saint Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que nous devenions dieu. »
- Je crois en Jésus-Christ qui reviendra nous juger — Nos visées écologistes contribuent-elles au royaume de justice et de vérité dans lequel Pâques nous a plongés dès aujourd’hui ? Notre acharnement à dépenser des milliards pour chercher la cause du réchauffement climatique et à peser de manière illusoire sur ces causes est-elle une contribution à la justice ? Ne faut-il pas peser plutôt sur les conséquences du réchauffement ? Ne faut-il pas plutôt privilégier le développement économique des plus pauvres ? En cela, Nicolas Hulot n’a pas tort de rappeler que « les premières victimes, y compris sous nos latitudes, sont les plus démunis ».
- Je crois en l’Église universelle... — Faut-il encore écouter la doctrine écologique de son magistère ! En la matière, l’Église parle d’écologie humaine, c’est-à-dire de défense de la famille, premier écosystème où le petit humain naît, croit et se développe. L’Église parle également d’écologie sociale dans lequel le travail est central. Le travail et le développement économique constituent un droit pour chacun et un devoir pour tous.Sans travail, pas d’écologique possible.
- Je crois en l’Église Une — Comment faire l’unité malgré nos sensibilités écologiques différentes ? A-t-on le droit d’être chrétien et climato-sceptique ?
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N’ayons pas peur !
Nicolas Hulot pense-t-il obtenir l’adhésion des chrétiens en utilisant une sémantique de peur ? Il prétend que « la Création est en train de se déliter sous leurs yeux », que « l’avenir de l’humanité est en train de se décider aujourd’hui » ! Excusez du peu !
La peur, bien connue des totalitarismes, est un outil d’asservissement des citoyens. Ces mécanismes cherchent à convaincre les opinions que la situation actuelle est si radicalement différente des situations passées que toutes les philosophies passées, toute la tradition rationaliste, ne valent plus rien et qu’il est même peut-être impossible de penser notre devoir moral sans recours à l’écologisme.
La vieille idée que la peur serait le commencement de la sagesse est érigée en principe fondateur. Il n’est pas certain, pourtant, que cela traduise une grande élévation de la pensée ! Et il faudrait donc admettre « la priorité du mauvais diagnostic sur le bon » ou encore « davantage prêter l’oreille à la prophétie de malheur ». On effraie avec des apocalypses annoncées.
Jean-Paul II, définitivement, nous l’a enseigné : « N’ayez pas peur ! » C’est la première chose à appliquer pour conserver sa liberté intellectuelle.
La croissance démographique joue-t-elle un rôle dans la crise écologique ?
C’est sur cette question que Nicolas Hulot excelle dans l’art de la pirouette.
Il sait très bien que l’Église n’est pas ébranlée par cette peur démographique. Alors, il ne répond pas à la question, qui lui est pourtant posée. Il ne veut froisser ni l’Église, ni les écologistes. Or il ne faut pas éluder cette question qui est au cœur des grandes peurs de ce siècle.
Prenons le risque de paraphraser la parabole des talents :
"Le Maître donna cinq talents aux hommes de Mésopotamie et de toute la terre. Tous, à la fin de leur époque, se présentèrent devant le Maître et lui rendirent dix talents en disant : nous avons maîtrisé le cuivre, maitrisé la culture du blé et nos éleveurs ont réussi à tirer à la fois de la laine et de la viande de leurs moutons. Notre population est passée de 5 à 20 millions d’habitants. « Venez, fidèles serviteurs », leur répondrait le Maître.
Le Maître donna deux talents aux hommes du Moyen Âge. Tous, quatre siècles après, se présentèrent devant le Maître et lui en rendirent quatre en disant : « Nous avons développé l’imprimerie, permettant à la philosophie d’Aristote de se développer dans un Occident chrétien. Les Chinois ont inventé la boussole et le concept du billet de banque, nos moines ont défriché les forêts pour nourrir une population qui est passée de 200 à 500 millions d’habitants. » Le Maître leur répondrait : « Vous avez été bons et fidèles serviteurs ! »
Le Maître donna un talent aux hommes du XXIe siècle. Ceux-ci se présenteront-ils en disant : « Nous te rendons ton talent comme tu nous l’avais donné. Nous l’avons astiqué : il est bien propre. Pour éviter de le polluer, nous avons réduit la population de 9 milliards d’habitants à seulement 6 milliards. Nous avons utilisé toutes nos capacités techniques en faisant la promotion de l’avortement et de la stérilisation à cette fin. » Le Maître ne répondra-t-il pas : « Je vous avais donné des capacités intellectuelles. Au lieu de faire fructifier la vie que je vous avais donnée en abondance, vous avez développé une culture de mort ! Allez-vous en dans les ténèbres, serviteurs inutiles ! »
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Lutter contre les véritables gaspillages
Nicolas Hulot ne cache pas sa crainte que la conférence de Paris de 2015 sur le réchauffement puisse être un échec. Il a rencontré, en 2013, plusieurs responsables politiques internationaux mettant en avant des arguments très « pertinents » pour ne pas agir. Mais il ne cite pas les arguments en question. Y a-t-il des arguments scientifiques expliquant la « panne » actuelle du réchauffement climatique ? La cause humaine du réchauffement climatique ne serait-elle pas en passe d’être démontée ?
De plus en plus de responsables politiques doivent commencer à se rendre compte de l’absence de véritable consensus. En matière de développement durable, une des premières responsabilités est de lutter contre le gaspillage, à commencer par la gabegie financière constituant à jeter des budgets considérables dans le puits sans fonds de causes que la grande Histoire pourrait bien considérer comme non fondées.
Stanislas de Larminat est ingénieur agronome, diplômé de IIIe cycle de bioéthique, auteur des Contrevérités de l’écologisme (Editions Salvator, 2011).
Sur ce sujet :
L’amnésie écologique, Libertepolitique.com 14/01/2014
© Photo : Wikimedia Commons
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[1] Concile Vatican II, Gaudium et Spes, l’Église dans le monde de ce temps, op. cit., n°§ 43-2.
[2] Relire sur le sujet notre article "Gouvernance démocratique et écologie humaine" , in Liberté politique n° 61, automne 2013.
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