"Un homme affamé n'est pas un homme libre", telle est la conclusion de Silvio Berlusconi, président de la deuxième Conférence mondiale de l'alimentation, organisée par la FAO à Rome. Lors de la première Conférence, en 1996, l'objectif fixé était de diminuer de moitié d'ici 2015 la malnutrition qui frappe 600 à 700 millions de personnes sur la Terre.
La simple lecture quotidienne des dépêches d'agence montre qu'on est loin du compte : la Corée du Nord survit difficilement, l'Éthiopie est de nouveau en ligne, l'Afrique australe appelle au secours...
Au même moment paraît un ouvrage d'une "spécialiste" des famines. Sylvie Brunel, agrégée de géographie, docteur en économie, travaille depuis plus de 20 ans au sein de l'ONG Action contre la Faim. Son livre Famines et Politique fait une analyse des grandes famines du XXe siècle et en dresse une typologie.
Qu'en ressort-il ? Que les conditions naturelles peuvent réduire de façon dramatique les approvisionnements mais que les famines, elles, sont dues à l'incapacité des politiques à faire face aux évènements. Soit, ils n'ont pas mis en place les politiques favorables à la production, soit, ils n'ont pas anticipé les évènements, soit, ils "utilisent" les évènements pour attirer la manne humanitaire qu'ils confisquent à leur profit personnel, ou encore ils ont provoqué la famine pour faire disparaître leurs opposants réels ou supposés — le pire exemple dans ce genre étant la famine provoquée en Ukraine par le régime soviétique dans les années 30.
Aujourd'hui c'est le Zimbabwe qui subit une telle famine. Pour se maintenir au pouvoir, le vieux dictateur Mugabe a lancé il y a deux ans une "réforme agraire" qui expulse par la violence les fermiers blancs de leurs terres. Les victimes en sont d'abord les dizaines de milliers d'ouvriers agricoles, chassés eux aussi par des bandes armées, et, finalement, toute la population et celle des pays voisins qui comptaient sur le Zimbabwe et son agriculture productive en cas de crise alimentaire. En Afrique australe, entre 15 et 20 millions de personnes sont touchées par la famine.
À Rome, Jacques Diouf, directeur général de la FAO, a regretté l'absence des chefs d'État des pays riches : "Les chefs d'état des pays pauvres sont venus, pas ceux des pays riches, c'est un mauvais signal politique."
Un signal politique nous vient pourtant de la France. À la veille de son départ pour le sommet des pays du G7 au Canada, Francis Mer, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, apporte une réponse à l'appel de la FAO, dans un article que publie Le Figaro du 14 juin dernier :
" La mondialisation est un défi... Le message de la France tient en deux mots : la croissance et la solidarité. Assurer une croissance forte, c'est un objectif pour nous, pays développés. C'est aussi notre responsabilité à l'égard du reste du monde, pour offrir une chance de développement aux pays les plus pauvres... La croissance des échanges contribue au développement. Ils ne doivent cependant pas nous dispenser d'agir spécifiquement en faveur des plus pauvres...
L'enjeu est simple : répondre aux gigantesques besoins du monde en développement, notamment dans les domaines de la santé, de l'eau, de l'énergie ; dans les pays les plus pauvres, financer par des dons ces dépenses, car elles profitent réellement aux populations, rompre ainsi la spirale infernale de l'endettement... Je proposerai que cette nouvelle aide soit largement dirigée vers l'Afrique, qu'elle s'accompagne d'une transparence accrue des circuits financiers et d'une attention plus grande apportée aux institutions des pays aidés...
L'ouverture économique est un objectif mais elle doit être maîtrisée, privilégier les investissements productifs et s'accompagner de politiques sociales destinées à préserver la cohésion sociale du pays. "
C'est un discours nouveau sous la plume d'un ministre des Finances. C'est un programme digne de la France, " fille aînée de l'Eglise et éducatrice des peuples " (Jean-Paul II, au Bourget en 1980). Investir dans le développement, c'est apporter l'alternative à " l'horreur économique ". C'est donner un sens à la croissance nécessaire des pays riches et aux efforts qu'elle suppose de la part de leurs populations. C'est donner du sens à la vie.
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