Épuisement professionnel : la justice française en état de mort cérébrale ?

Source [Atlantico] : Au tribunal judiciaire d’Angers, une audience du 9 décembre a tourné court : 6 des 8 dossiers qui devaient y être jugés ont été renvoyés à… 2024 en raison du déficit de magistrats et de la surcharge de travail et de l’épuisement qu’il suscite

Atlantico : Au tribunal judiciaire d’Angers, une audience du 9 décembre a tourné court : 6 des 8 dossiers qui devaient y être jugés ont été renvoyés à 2024 en raison du déficit de magistrats et de la surcharge de travail et de l’épuisement qu’il suscite. Comment en sommes-nous arrivés là ?

Olivia Dufour : Le manque de moyen dans la justice est un phénomène ancien. J’en entends parler depuis 25 ans en tant que journaliste. Ce qui est nouveau, c’est l’aggravation de la situation alors même qu’il y a eu en 2021, 2022 et 2023, une augmentation de 8 % chaque année, ce qui est historique. La majorité semble avoir une vraie attention sur le sujet, donc la vraie question, c’est : pourquoi cela ne marche pas. Le diagnostic était connu, mais pas accepté. Quand Jean-Jacques Urvoas, en 2016, estime que la justice est « en voie de clochardisation » cela témoigne d’un problème dont on n’imaginait pas la gravité, mais les avocats et magistrats lui reprochent sa déclaration car ils craignent qu’elle sape leur autorité. Donc on cherchait à donner le change. Le changement, cela a été la tribune des 3000 parue dans Le Monde le 23 novembre 2021, à la suite du suicide d’une jeune magistrate, submergée par sa charge de travail. Et cela a créé un choc psychique, les magistrats ont réalisé qu’ils étaient tous en burn out et ils ont osé le dire. Et les syndicats ont été débordés par cette libération de la parole. Et ce qui se passe à Angers c’est la continuation directe de la prise de conscience issue de la tribune. On observe quelques mouvements ici et là : le tribunal de Nanterre a saisi le tribunal administratif pour contester le nombre de juges qui lui est officiellement alloué ; d’autres ont décidé d’arrêter leurs audiences à 10h le soir quoi qu’il arrive. Tout cela est l’expression d’un système au bout du rouleau et qui ose le dire. Jusqu’à présent, les magistrats prenaient sur eux pour juger les dossiers même au-delà du raisonnable. Le syndicat de la magistrature a fait un sondage révélant que près de 40 % des magistrats sont en souffrance au travail. La justice c’est un drap usé sur lequel on tire.

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