Homme et femme, de la nature humaine à la personne

Ce bref itinéraire philosophique vous est proposé pour étudier la relation chez l’homme, toujours pris au sens générique du mot, donc pour l’homme et la femme, entre sa nature humaine et sa personne. Nature et personne, considérées l’une après l’autre selon leurs particularités, elles réclament d’être étudiées et affinées entre elles, en vue de porter un regard approfondi sur l’homme et d’écarter certains égarements aux conséquences néfastes.

Cette brève étude part de la relation entre la pensée et l’être. Elle saisit la signification de la nature et de la personne, pour en recevoir les fondements et les finalités. Elle entre pour une part dans quelques différences caractéristiques génériques entre l’homme et la femme, en cherchant à découvrir quelques-unes de leurs complémentarités naturelles. Enfin, elle tente de mettre en évidence des enjeux cruciaux aux niveaux éthiques et politiques entre nature humaine et personne humaine.

Cinq parties se succèdent. La 1ère à l’issue de cette brève introduction, son titre : la relation entre penser et exister, être. La 2de : la signification des mots « nature » et « personne ». La 3e : l’homme, sa nature et sa personne. La 4e : la complémentarité de l’homme et de la femme. Et la 5e : vers un sommet de l’union de l’homme et de la femme.

Ce parcours ressemble à une marche pédestre en montagne, entre vallées et crêtes, montées et descentes, au cours de laquelle le randonneur prendra le pas qui s’impose pour avancer selon les mouvements du terrain, au rythme tantôt normal, tantôt ralenti dans l’ascension, voire l’escalade de quelques parois, dont la dernière atteint un sommet de cet itinéraire philosophique, par nature profondément humain.

 

1. La relation entre penser et être                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     

Une ébauche historique de la pensée occidentale, née avec les Présocratiques en Grèce vers le VIIIe siècle avant J-C, permet d’entrer dans la relation entre la pensée de l’homme et le monde existant, toute réalité existante appartenant à l’univers physique, d’où le fondement, puis l’ordre entre une philosophie réaliste et une philosophie idéaliste.

Depuis la Renaissance et son extension dans l’Europe du XVIe siècle, la pensée s’est en quelque sorte émancipée pour renaître d’une naissance aux apports riches en découvertes, mais appauvris par une rupture avec la tradition reçue tant de la Grèce antique que du Moyen Âge. La pensée s’est approprié le réel par l’esprit des sciences exactes, dont les mathématiques, la physique et la technique, en particulier avec la naissance des automates conçus par Léonard de Vinci, précurseurs de la machine, puis de la robotique. La pensée s’abstrait de la réalité qu’elle conditionne pour son propre développement, pour permettre à l’homme, voire à l’humanité de s’émanciper de tout ce qu’elle considère comme une dépendance, une aliénation ou bien tout simplement un manque de liberté.

Le célèbre mythe de Prométhée peut-il éclairer notre compréhension sur l’évolution de la pensée, en particulier depuis la Renaissance ? Le progrès scientifique et technique cache-t-il une forme de domination de l’homme sur la création, et par conséquent sur sa propre nature ? En volant le feu aux dieux, l’homme veut devenir dieu, en s’attribuant des pouvoirs divins. N’est-ce pas ce que l’on observe, pour une part, aux plans éthique et politique dans nos sociétés occidentales modernes ?

Les idéologies contemporaines ont envahi la pensée occidentale entraînant une course effrénée vers la science et avec elle de nouvelles formes de pensées qu’elles considèrent comme un progrès pour l’homme : le positivisme, le matérialisme avec pour conséquence, en particulier, le relativisme et l’athéisme. D’où se pose la question : la pensée mesure-t-elle la réalité ou bien la réalité est-elle mesure de la pensée ?

Nous sommes face à deux écoles. L’une à la suite d’Héraclite, le philosophe du mouvement, du devenir, pour qui le feu est principe de l’univers et « la guerre est le père de toutes choses ». Il précède Platon dont la philosophie s’élève du sensible corruptible, de toute matière, par la réminiscence, les « Formes idéales ». Les formes seront reprises plus tard par Descartes avec les « Idées innées », où triomphe l’esprit mathématique, puis par Hegel avec la pensée absolue, la pensée de la pensée en l’homme divinisé. Car, en Dieu seul, être et vie ne font qu'un. L’autre école succède à Parménide qui s’exclame : « Pour comprendre la pensée, il faut regarder l’être », avec Aristote qui transmet sa fameuse réplique à Platon, en contestant la « théorie des Formes ». C’est ainsi que la voie inductive conduit à la recherche d’un principe, un premier au-delà du multiple, de la complexité, de toute division provenant de la matière. La voie aristotélicienne met en évidence deux questions existentielles dans toute recherche : pourquoi les réalités saisies par leurs formes existent-elles ? en vue de quoi existent-elles ?

Quelle école prévaut sur l’autre ? Une pensée objective réclame nécessairement de se référer à quelque chose de réel reçu dans l’intelligence. Elle implique donc une antériorité venant de la réalité. Le réalisme reçoit la réalité telle qu’elle est, puis il en approfondit la connaissance dans l’intelligence en tant que relative à la réalité observée. Par contre, l'idéalisme soumet la réalité à la pensée, entraînant un repli de l’esprit sur son propre mouvement immanent.

La vie réelle nous impose d’avoir sans cesse conscience de l’antériorité de l’exister sur l’activité de l’esprit. D’où, l’antériorité existentielle donne sens à la vie spirituelle, de quelle ordre qu’elle soit. Cette antériorité de l’être sur la pensée réclame le principe de non-contradiction qu’Aristote indique dans sa Métaphysique au Livre G : « Il n’est pas possible, en effet, de concevoir jamais que la même chose est et n’est pas, comme certains croient qu’Héraclite le dit. » Cette première loi fondamentale dans la vie de l’intelligence pose naturellement ensuite la question de la vérité, finalité de la vie de l’intelligence qui est selonles propres termes de Thomas d’Aquin « adequatio intellectus ad rem », adéquation entre l’intelligence et ‘ce qui est’, l’être de la réalité, la réalité dans son existence. Selon l’ordre de perfection ou de nature, ce constat préliminaire pose donc l’antériorité d’une philosophie de l’être sur une philosophie de la vie, et par conséquent sur toute la philosophie pratique, sinon, comme nous l’avons dit, au même titre que la pensée devient mesure de la réalité, la vie devient mesure de l’être, et l’être disparaît, englouti dans la pensée humaine, puis dans le matérialisme dialectique pour une part idéologique.

Du jugement d’existence, acte fondateur de la vie de l’intelligence, découle le respect d’un ordre, un ordre de sagesse entre ce qui relève de la vie et ce qui relève de l’être, la science des causes qu’Aristote désigne au début de sa Métaphysique (Livre A) : « une science plus élevée est aussi plus philosophique qu’une science subordonnée », ordre explicité par Thomas d’Aquin dans les Sentences : « sapientis est ordinare », ce qui signifie : « le propre du sage est d’ordonner », cité de nombreuses fois dans cette étude. Ainsi toute analyse philosophique doit respecter un ordre dans sa recherche selon les différents corpus auxquels elle s’adresse et auxquels elle appartient. Ce qui signifie qu’un même objet, une même question peut avoir des significations différentes selon le corps philosophique dans lequel il est étudié. Par exemple, la relation dans le travail n’est pas la même que la relation dans l’amitié ou au plan politique. De même, l’âme est étudiée en philosophie du vivant, non pas en éthique ou en métaphysique, comme la forme est étudiée en philosophie de l’art avant de l’être en métaphysique dans une perspective réaliste.

Jean d'Alançon

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