On ne fera pas plier la Pologne

source[Roland Hureaux]La Pologne se trouve depuis de longs mois soumise à une forte pression 

 La Pologne se trouve depuis de longs mois soumise à une forte pression de l’Union européenne et d’autres institutions  au sujet  des droits de l’ homme.  Elle est mise régulièrement sur le banc des accusés pour  fermer sa porte   à l’immigration extra-européenne (elle reçoit en revanche beaucoup d’Ukrainiens et de Biélorusses), pour restreindre l’accès   à  l’avortement ou refuser d’ instaurer le « mariage » des homosexuels.

Il est aussi reproché à son gouvernement qui représente la droite patriote  et catholique (le PiS) de porter atteinte aux libertés. Pour cette raison, Bruxelles menace régulièrement de mettre ce pays « sous surveillance »,  comme le sera sans doute le futur   gouvernement autrichien issu des récentes  élections.

Le ton est ainsi donné à toute une série d’organisations  qui colportent  que la Pologne est sur la voie de la dictature. Ainsi  le Barreau de Paris, qui ne s’était jamais  inquiété de la suppression des  libertés en Pologne au temps du communisme et qui ne s’inquiète pas davantage de leur restriction dans certains grands pays comme les Etats-Unis, a consacré récemment un colloque  au recul des libertés en Pologne, avec la caution, il est vrai,  de Lech Walesa venu régler  quelques comptes avec ses  héritiers politiques.

De quelles atteintes s’agit-il ? Essentiellement  de deux : la liberté de la presse, menacée, dit-on,  par la reprise de contrôle par l’Etat  des radios et télévisions publiques, l’indépendance   du pouvoir judiciaire   que l’on dit restreinte par la loi adoptée le 22 juillet 2017 par la Diète  où d’aucuns  croient voir une volonté du gouvernement  de l’avoir à sa main.

Comment reprocher pourtant à un  gouvernement assis sur la légitimité populaire de ne pas se satisfaire d’  une situation où  la quasi-totalité de la presse publique et privée lui est hostile ? Le secteur   public en raison des nominations faites par l’ancien gouvernement, dominé par les   libéraux – libertaires pro-européens, anciens communistes désavoués par la population ; le secteur  privé du fait qu’il se trouve  largement entre les mains de capitaux allemands  avec une forte influence du groupe Soros qui s’est juré  d’avoir la peau  des  gouvernements conservateurs d’Europe de l’ Est.

En outre, comment l’actuel  gouvernement  pourrait-il accepter  une situation  où les magistrats nommés par le pouvoir communiste  se cooptent plus ou moins depuis bientôt trente ans ?   

 

Indécence

 

Comment ne pas voir ce qu’il y  a d’ indécent à ce qu’ une partie de l’Europe et même certains Américains,   reprochent  des manquements à   la démocratie à  un pays qui a subi un siècle et semi d’oppression étrangère et   perdu 6 millions de civils  ( dont 3 millions de juifs) du fait de l’occupation  allemande et soviétique durant la dernière guerre ?  Il est vrai que  la culture historique et le tact  ne sont pas  très répandus chez les bureaucrates de Bruxelles campés sur leur principes étriqués. Le cas est aggravé quand c’est l’Allemagne qui ose   faire ce genre de critiques.

Le président français qui veut être toujours à la pointe de ce qui est européen   en a  rajouté, oubliant la vieille amitié  franco-polonaise ( mais il n’est  pas le seul) , et poussant l’incohérence jusqu’ à  réclamer de  Varsovie un assouplissement de la directive sur les  travailleurs  détachés  qui  a certes de graves inconvénients pour nous mais  qui  n’en est pas moins   dans la ligne de la plus grande intégration européenne qu’il appelle chaque jour  de ses vœux.  Avec de  telles contradictions  qui le prendra au sérieux  ?  

La Pologne cependant ne cèdera pas. Pas plus que la Hongrie  soumise à  des pressions identiques ou la Russie, extérieure , elle, au jeu européen  mais qui se trouve aussi dans le collimateur de libertaires. Des révolutions orange  destinées,  par l’agitation planifiée de l’ extérieur, à porter au pouvoir  des agents  de l’ Occident,  ont pu avoir lieu  à Kiev ou à Tbilissi ;  il est douteux qu’elles se produisent jamais   à Varsovie, à  Prague ou a fortiori à  Moscou,,  quoi que certains espèrent.    

 

Erreur de diagnostic

 

Les libéraux libertaires  européens se trompent  en effet de diagnostic  . Ils s’imaginent que si les pays de l’Est  (et aujourd’hui l’Autriche) sont hostiles au genre de « progrès » qu’ils  veulent leur  apporter, c’est parce que ces pays sont encore    arriérés et que, peu à peu, ils rattraperont  le train de la « modernité »  idéologique occidentale.

Grave  erreur . Ce qui distingue fondamentalement ces pays du reste de l’Europe, c’est qu’ils ont fait l’expérience du communisme : 73 ans pour la Russie et les anciennes républiques soviétiques, 45 ans pour les anciens satellites.  Parmi ceux-ci l’ancienne RDA qui , plus que le reste de l’Allemagne,  résiste à la doxa  européenne.

Non sans motifs, ces pays sont  unanimes à reconnaitre dans la modernité occidentale telle qu’elle se présente  aujourd’hui, des caractères fondamentaux qu’ils  avaient déjà perçus dans le communisme comme   la négation du fait national, de la famille et de l’héritage  chrétien. On leur refuse le droit d’inscrire leur législation  dans le droit naturel et  de préserver  leur identité en contrôlant  les  frontières ;  Bruxelles récuse toute idée de racines chrétiennes de l’Europe.

Ajoutons que  tous les anciens dissidents soviétiques  ( notamment  Boukovski  et  Zinoviev) ont vu  beaucoup de ressemblances entre  le  Bruxelles d’aujourd’hui   et le  Moscou d’hier  : un empire non démocratique dirigé par une petit  groupe non élu ( le Politburo   autrefois, la Commission européenne aujourd’hui )  appuyé  sur une bureaucratie idéologique, une liberté d’expression de plus en plus muselée , une presse  unanimiste,  les opposants à la  pensée dominante   diabolisés . Il n’y a certes pas de goulag, encore heureux,  mais  dans la presse, les affaires, les partis de gouvernement  , les opposants à la pensée  dominante sont efficacement marginalisés. 

Ajoutons  le constat que dans le monde politique polonais,  les plus enthousiastes  de l’Europe supranationale ont été,  par un paradoxe qui n’est qu’apparent  , les anciens communistes, tel l’ancien président de la République Kwaśniewski.  Ceux qui pendant des dizaines  d’années  ont vécu dans  l’addiction  idéologique ne s’en libèrent pas si  facilement !  

Le tunnel idéologique  que nous traversons, les Polonais et les ressortissants des autres pays de l’Est   ne le connaissent donc que trop bien. Mais ils savent  qu’ils en sont  sortis et  ils n’ont nullement l’intention d’y revenir. George Soros peut attendre. 

Roland HUREAUX