Source [Thierry Martin pour Boulevard Voltaire] Un film détesté par Première (« consternant de bêtise »), Télérama (« rien à sauver ») et Slate (« propagande ») ne peut pas être tout à fait mauvais. J’avoue même être sorti de la salle ravi de l’existence de ce film dépouillé, sobre et juste de Clint Eastwood, film hitchcockien et christique. Seul bémol : revoir les véritables images de la remise des Légions d’honneur par François Hollande, subir le discours lénifiant de ce personnage falot, à mille lieues du comportement courageux, étayé par une foi solide et le sens de l’honneur du jeune Spencer – personnage central de ce trio qui honore l’Amérique profonde, celle qui vote rouge républicain.
Nous sommes à Sacramento, en Californie, pas celle des GAFA, plutôt celle des réductions catholiques des pères franciscains. Quelques piques sur les éternels discours statistiques et fatalistes du système éducatif. Des mères qui font ce qu’elles peuvent. La naissance de l’amitié qui dure longtemps. Une jeunesse qui n’est ni l’élite ni la racaille. Deux d’entre eux s’engagent dans l’armée américaine, Spencer rejoint une école de l’armée de l’air et Alek Scarlatos se retrouve en Afghanistan. Quant au voyage en Europe, j’y ai reconnu mon Italie romantique et accueillante, mon Allemagne aux restaurants chaleureux, les délires en boîte de nuit à Amsterdam. Plaisirs simples, accueil, chaleur, ambiance, tout ce qui a disparu à Paris. D’ailleurs, pendant tout le périple, nos trois jeunes gens semblent hésiter à prendre ce Thalys de 15 h 17 pour Paris, qu’on aperçoit serpentant entre deux plans, tant de gens croisés en Europe font la moue rien qu’à l’idée de passer par Paris. Ville sale peuplée de rats et de malpolis. Comme quoi il n’y a pas que les Japonaises qui le ressentent.
En fait, ce qui a déplu à nos critiques de cinéma – oseront-ils l’avouer ? -, c’est que la foi de Spencer Stone, cette foi qui lui est chevillée au corps, est le véritable fil rouge du film que symbolise la prière de saint François d’Assise : « Seigneur fais de moi un instrument de ta paix. » La scène de la lutte à mort est poignante. Le mal, l’islamiste, est entrevu par morceau, succession de gros plans découpés, aucune publicité n’est faite à la bête.
Le grand cinéaste américain a pris les personnes réelles pour jouer leur propre rôle. Sans concessions, il filme leur côté très ordinaire, amateurs à outrance d’armes et de selfies, voyageant comme des touristes de base et buvant comme de jeunes Américains en Europe, amateurs d’eux-mêmes sur fond de quelque chose de beau, de belles filles, de soirées arrosées et de flirt… « Et pourtant, ces mêmes trois êtres ordinaires vont devenir des héros », écrit le père Frédéric Roder. Alors que, sans crier gare, une situation arrive, « providentiellement, ils vont devenir les sauveurs qu’ils désiraient tant être. Ils vont combattre jusqu’au sang pour l’humain, pour la dignité humaine dans une guerre insidieuse contre le terrorisme. » Jacques Morice, de Télérama, ose parler d’attentat manqué alors qu’il s’agit d’un attentat contrecarré.
J’apprends, sous la plume de ma consœur Iris Bridier, que le Franco-Américain de 56 ans Mark Moogalian, le quatrième mousquetaire qui se fait tirer dans le dos après s’être emparé, un temps, de la kalachnikov, témoigne s’être retrouvé dans sa première maison. « J’ai revu ma mère morte depuis peu. Et puis j’ai entendu ma propre voix me dire “Si tu n’ouvres pas les yeux maintenant, tu ne pourras plus jamais les ouvrir”. J’ai choisi de retourner dans le train. La douleur et le chaos sont revenus. » Comme disait l’écrivain catholique anglais Chesterton, « le plus incroyable avec les miracles, c’est qu’ils arrivent ».