Retrouvez l'analyse de Thierry Martin sur la détérioration des relations diplomatiques depuis le Brexit.
« Vous pourriez être pardonnés d’avoir oublié que le français était autrefois la langue de la diplomatie. Ce grand art de dissiper les tensions semble s’être perdu. Mais dorénavant, le gouvernement français souffle carrément sur les braises à chaque incendie. Il répond à tous les conflits potentiels par une rhétorique guerrière aboutissant à des menaces intempestives. Même la plus petite ruse diplomatique suffit à faire bouder les autorités françaises ou à les voir « faire la gueule » (en français dans le texte). C’est ainsi que Fraser Myers, rédacteur en chef adjoint du site spiked, nous interpelle dans un article repris par Courrier international le 15 décembre dernier. Puissions-nous enfin comprendre le point de vue anglais !
Les relations entre la France et la Grande-Bretagne ont touché le fond depuis le Brexit. Comme si la France préférait vivre dans le ressentiment plutôt que de tourner la page – comme font beaucoup de Britanniques anciennement anti-Brexit -, et d’essayer de reconstruire des relations de bon voisinage.
« La plus récente crise de colère de la France, nous rappelle Fraser Myers, est survenue après la lettre de Boris Johnson au président Macron à la suite des horribles noyades dans la Manche. En colère contre la lettre, le gouvernement français a retiré son invitation à la ministre britannique de l’Intérieur, Priti Patel, pour discuter de la crise de la Manche avec d’autres partenaires européens. La réunion s’est déroulée le dimanche mais sans la participation britannique, bien que le Royaume-Uni soit clairement l’acteur clé. »
Myers rappelle que si les Français se disent contrariés par le fait que la lettre a été rendue publique sur Twitter – « nous ne communiquons pas sur ces questions par le biais de tweets », a même déclaré le président Macron – Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, a dénoncé Johnson à la télévision française comme un « populiste » qui « utilise tous les éléments à sa disposition pour blâmer les autres pour les problèmes qu’il rencontre chez lui », puis a tweeté le tout, en anglais, via le compte Twitter officiel du corps diplomatique français.
Quant au ministre de l’Europe Clément Beaune, il arguait le 28 octobre dernier sur CNews que « maintenant, il faut parler le langage de la force car, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprend que cela ». Est-ce une façon de parler à un allié ? Le premier ministre Jean Castex écrit à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qu’il est « indispensable de montrer clairement aux opinions publiques européennes que le respect des engagements souscrits n’est pas négociable et qu’il y a davantage de dommages à quitter l’Union européenne qu’à y demeurer ». Emmanuel Macron, de façon péremptoire, déclare en janvier 2021 que le vaccin contre la COVID-19 d’AstraZeneca est « quasi inefficace » pour les groupes de personnes âgées qui ont le plus besoin de protection. « Cela ne fonctionne pas comme nous nous y attendions. » Il enrage que le Brexit britannique ait développé son propre vaccin et l’ait déployé à une vitesse vertigineuse.
Mais, désabusé, Myers poursuit : « Pourtant, peu importent les tentatives de coups bas du gouvernement français, ils sont encouragés et acclamés par beaucoup au Royaume-Uni. Les « remains » dans les médias et dans l’appareil d’Etat semblent toujours se ranger du côté des pays de l’UE par rapport au Royaume-Uni. À leurs yeux, l’Europe – représentée par Macron ou l’UE elle-même – ne peut pas faire de mal. »
Pourtant Macron est toujours « à jeter ses jouets hors de la poussette » quand il n’obtient pas ce qu’il demande sur la scène internationale. Cela montre aussi comment la guerre culturelle est devenue mondiale – Macron, « l’archi-technocrate », se sent sans doute obligé d’affronter le « populiste » Johnson. « Il est temps que la France grandisse. » conclut de Londres Fraser Myers. La France ou Emmanuel Macron ?