Source [Roland Hureaux] La fin de l’année est marquée par une polémique récurrente sur l’opportunité de placer des crèches de Noël non seulement dans les lieux publics mais même dans les lieux privés visibles de la rue comme une vitrine ou une fenêtre. Sans qu’aucune réglementation ait été établie, il est fréquent que ceux qui auraient voulu en faire une, en particulier les commerçants, reculent devant les critiques.
L’objection qui est faite à ces malheureuses crèches est qu’il faut ménager la susceptibilité des musulmans et, pour cela, respecter la laïcité . Objection qui ne tient pas : la naissance de Jésus figure dans le Coran. Jésus (Issa) est un prophète important dans l’Islam et sa mère Myriam (variante de Marie) une figure particulièrement vénérée. Tout comme l’ange Gabriel (Jibril) qui dicte le Coran à Mahomet. N’oublions pas non plus que Jésus, Marie et Joseph sont des juifs poursuivis par un tyran.
Le Coran ne parle ni de grotte ni d’étable mais dit que Jésus naquit au pied d’un palmier. Ce n’est nullement incompatible avec le récit évangélique : qui dit étable dit point d’eau. Bethléem est la lisière du désert. S’il y a un point d’eau, il devait y avoir un palmier. Ajoutons que si l’Evangile de Luc situe la naissance de Jésus dans une étable, il n’est pas question de grotte jusqu’au milieu du IIe siècle. Grotte, maternité sacrée : on imagine la symbolique que les psychanalystes verront dans ces développements, mais ils sont tardifs.
Une proposition œcuménique serait qu’aux crèches publiques on ajoute un palmier. On ajoute bien un bœuf et un âne qui ne figurent pas non plus dans les Evangiles, seulement dans la Bible juive, dans le prophète Isaïe.
Il est donc possible de faire, sans trahir le texte biblique, une crèche œcuménique en ajoutant un palmier.
Cela vaudrait assurément mieux que d'ajouter un sapin. Le sapin est un symbole de pérennité, issu des mythologies nordiques, dont on sait l’usage qui a été fait : arbre aux feuilles pérennes, il figure la continuité de la vie au moment du solstice d’hiver. Mais comme les nouveaux laïcistes ne le savent pas (que savent-ils d’ailleurs puisque leur philosophie est d’éradiquer le passé ?), ils s’en prennent aussi à lui.
Les crèches ne gênent nullement les musulmans de France même les plus exaltés. Les ménager n’est pour les partisans d’une laïcité radicale qu’un prétexte pour effacer du domaine public un symbole ancestral, d’affaiblir encore un héritage chrétien bimillénaire. De manière étonnante, les crèches qui étaient acceptées par les républicains laïques au temps du petit père Combes ne le sont plus par les néo-laïcistes du XXIe siècle .
Le néo-laïcisme soixante-huitard contre la laïcité républicaine
Loin d’apaiser les relations avec l’islam , le nouvel antichristianisme les envenime. Loin de représenter la vieille tradition laïque française, il en est la négation. Rappelons-nous l’ordre donné par Jules Ferry dans sa fameuse Lettre aux instituteurs[1] de respecter scrupuleusement la conscience des élèves et de leurs parents. Le nouveau laïcisme, fondé sur les idées de Mai 68, se situe aux antipodes de la laïcité républicaine. Il conçoit la laïcité comme la transgression systématique de la morale commune et des sensibilités religieuses. Ses promoteurs identifient, à tort, ces dérives avec l’héritage national. Malheureusement, beaucoup de musulmans les croient et, du coup, viennent à détester la France. La laïcité a été inventée en Europe au sortir des guerres de religions pour empêcher que les croyances ne divisent la nation. Le nouveau laïcisme, lui, loin d’apaiser les tensions intercommunautaires, les envenime.
Est- il nécessaire de dire que les musulmans préfèreront toujours un chrétien respectueux d’un symbole religieux qu’ils partagent en partie, à ce néo-laïcisme radical qui n’admet la présence du religieux à l’école ou sur la place publique que sur le mode transgressif.
Il ne s’agit pas que d’un débat d’idées. Les pouvoirs publics, au motif d’intégrer l’islam, font des lois pour renforcer la laïcité ; ces lois aboutissent généralement à refouler un peu plus l’héritage chrétien ; ainsi l’interdiction des signes religieux ostensibles, peu respectée par les musulmans, conduit à une inhibition croissante des chrétiens à porter des signes religieux même discrets. La future loi contre le séparatisme (terme trompeur puisque ce n’est pas du tout de séparatisme qu’il s’agit) a pour seul effet connu à ce jour, d’interdire l’enseignement à domicile pratiqué par les familles les plus attachées à l’héritage chrétien. Ainsi, comme pour les crèches, la question de l’islam est utilisée pour refouler encore davantage l’héritage chrétien.
Les promoteurs de cette idéologie ne se soucient pas qu’en atteignant l’ objectif de détruire les racines chrétiennes, non seulement ils rendent la France plus répulsive aux tenants d’autres religions, mais aussi qu’en passant l’héritage national au karcher, ils préparent le terrain pour des herbes plus vivaces.
Loin d’être une agression chrétienne, la crèche est un symbole de concorde entre les religions. Les fanatiques qui, au nom d’une laïcité dévoyée, en rupture avec la tradition laïque elle -même, veulent les évacuer de l’espace public sont au contraire des diviseurs.
Roland HUREAUX*
* auteur de Gnose et gnostiques des origines à nos jours , Desclée de Brouwer, 2015
[1] Lettre aux instituteurs du 27 novembre 1883 : https://enseignement-moral-civique-pedagogie.web.ac-grenoble.fr/content/jules-ferry-1832-1893-lettre-aux-instituteurs
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