C'était le 16 décembre, Michel-Edouard Leclerc évoque sur le Talk du Figaro, les deux avancées et la concession du projet de gouvernement sur le travail du dimanche. Le patron du groupe éponyme affiche une position qui se veut alternative : On a tendance à dire que l'ouverture des magasins le dimanche, c'était une volonté de la grande distribution. Moi je n'ai jamais fait mystère que je n'étais pas demandeur.
On est donc heureux d'apprendre que la publicité avant Noël l'année dernière de certains magasins Leclerc promettant 50% de réduction sur les jouets achetés le dimanche est une affaire classée et relevait sans doute de l'accident.
Cela dit, Michel-Edouard Leclerc n'en donne pas moins un blanc seing au pragmatisme du gouvernement, adoptant au mot près les arguments de M. Guéant, il y a peu, au micro de Radio Notre-Dame, avec les fameux achats en famille (cf. Le Fil, 5 décembre). On s'étonne de la légèreté de pareil argument. Faire des courses en famille... Si la famille n'existe que par le contexte marchand, elle n'a plus beaucoup de jours devant elle ! L'argument intrigue même quand l'expérience montre au contraire la dose d'énervement et de fatigue générés par les achats en famille dans des centres commerciaux surpeuplés. Mais malgré tout, l'argument persiste :
Je comprends très bien que des gens qui vendent des produits lourds qui s'achètent en famille, qui sont onéreux, aient besoin de ce dimanche. Donc, le texte du gouvernement va vers un bon compromis, je pense, c'est-à-dire plus de dimanches ouvrables. Et puis on va pouvoir vendre du bricolage, de l'ameublement, aller acheter en famille. En même temps, ce n'est pas une généralisation et notamment sur notre secteur, l'alimentaire, qui ne demandait rien. On est préservé de cette quasi-obligation.
Plus explicite encore dans l'appui au gouvernement, le patron chrétien d'un groupe qui ne vend d'ailleurs pas que de l'alimentaire, comprend le travail du dimanche malgré son aspect anti-économique pour le seul secteur de l'alimentaire :
Je comprends la volonté du président de donner du boulot et des occasions de travailler en élargissant la possibilité du temps de travail ; mais il y a des secteurs où cela ne se fera pas à coût zéro ; dans l'alimentaire il y aurait eu, s'il y avait eu généralisation, un transfert de chiffre d'affaire sur le dimanche, le chiffre d'affaire qui était fait le samedi, mais avec des coûts plus élevés : le système aurait été inflationniste. C'est la raison pour laquelle – non pour des raisons idéologiques, non pour des raisons religieuses, non pour des raisons simplement de rentabilité – j'ai trouvé que c'était antiéconomique que d'aller faire payer plus cher en ouvrant le dimanche. Le dimanche, ce n'est pas seulement au printemps et pendant l'été, c'est janvier, février, mars ; et ouvrir le dimanche dans une ville moyenne de France... ouvrir le dimanche un hyper... pas beaucoup de monde dedans... ce n'est pas Paris !
À la question : Ne pensez-vous pas comme le président du directoire des Galeries Lafayette que cela va créer des emplois ? Michel-Edouard Leclerc est formel :
Oui, pour lui. Les grands magasins sont dans des zones touristiques et là, le projet gouvernemental est bon : il faut capter la manne financière quand elle est là, quand les Japonais, les Américains sont là... Quand les Français font leurs courses chez Harrod's, à Londres, eh bien Harrod's en profite. Il faut que l'économie française en profite aussi.
Bref, pas demandeur pour lui , Michel-Edouard Leclerc ne s'en est pas moins montré demandeur pour les autres. Ironie de l'affaire : parler de manne financière pour sauver le travail du dimanche, un projet qui a du plomb dans l'aile, c'est tout un symbole ! N'est-ce pas révélateur d'un déplacement à l'œuvre, le sacrifice aux idoles en cours dans les nouveaux déserts que sont ces temples de l'hyperconsommation ?
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