La loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie était une loi de consensus, relativement raisonnable, interdisant l'euthanasie et l'acharnement thérapeutique. Pour autant, cette loi n'était pas sans ambiguïté : en confondant les soins dus à tout patient, quel que soit son état, et les traitements exigés par sa maladie, elle a introduit une faille terrible dans le droit de la vie, comme l'avenir l'a prouvé.
Au delà de cette faille, sans doute peu innocente et dans laquelle beaucoup se sont engouffrés pour précipiter ou provoquer artificiellement des fins de vie, ou pour en appeler à des actes euthanasiques plus "dignes", autrement dit plus expéditifs, la pression euthanasique n'a jamais été aussi forte et subtile : le suicide est considéré comme un droit, et la justice semble conforter le permis de tuer, quand il est animé par de bonnes intentions... dans le respect des procédures. Le consensus des bien portants fondera-t-il désormais le droit de la fin de la vie ?
Un nouveau droit à mourir ?
Fin 2014, le gouvernement socialiste tente de mettre en route la promesse du candidat Hollande de revenir sur la loi Leonetti, pourtant largement acceptée, afin "d'améliorer les conditions de fin de vie". Sous couvert de consensus, il s'agit bien de faciliter non le suicide assisté — l'hypothèse est écartée —, mais l'accélération artificielle de la mort. Missionnés par le gouvernement pour remettre un rapport en ce sens (le 12/12), les députés Jean Leonetti (UMP) et Alain Claeys (PS) n'ont ni plus ni moins cherché qu'à élargir la faille de la loi en évoquant le droit d'un patient en fin de vie à demander une sédation profonde.
Le légitime apaisement de la douleur par sédatif devient donc une "aide à mourir", autrement dit une euthanasie au sens strict, malgré la confusion des mots : le procédé consisterait à arrêter le traitement (hydratation et alimentation comprises, autrement dit les soins élémentaires) d'un patient dont le pronostic vital est engagé à court terme et à l'endormir en altérant son état de conscience, jusqu'à ce que mort s'en suive. Et les conseillers de François Hollande ont trouvé les éléments de langage correspondants : Non à l'euthanasie, non au suicide assisté, oui au "nouveau droit à mourir".
Avec ce "nouveau droit à mourir" par sédation, ce ne sont plus seulement les mourants qui seront endormis... définitivement, mais l'opinion elle-même.
Le 13 mars 2015, l'Assemblée nationale rejette les amendements à la proposition de loi sur la fin de vie autorisant "une assistance médicalisée active à mourir", mais adopte la légalisation de la mort par “sédation profonde et continue” et le caractère contraignant des "directives anticipées" proposés par le texte Leonetti-Claeys.
Le 5 juin 2015, la Cour européenne des droits de l'homme valide l'interprétation de la loi Leonetti-Claeys permettant l'arrêt de l'alimentation de Vincent Lambert, handicapé en état pauci-relationnel, contre l'avis de ses parents.
(Mise à jour en cours)
DOCUMENT
Rapport de présentation et texte de la proposition de loi de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (PDF), Elysée, 12 décembre 2014.
REFERENCES
La mort de l'être humain correspond-elle à la mort du cerveau ?
Pascal Ide — Où finit la vie, où commence la mort ? Les critères médicaux actuellement utilisés pour définir la mort sont singulièrement restrictifs : la mort de l’être humain s’identifie-t-elle au sommeil du cerveau ? Une remise en question des critères médicaux actuellement utilisés. Liberté politique n° 8, avril 1999
JUIN 2014 : la justice procédurale
Affaires Bonnemaison et Lambert : la loi niée et pervertie (27/06/14)
Me Jean Paillot — L’affaire Bonnemaison constitue une négation de la loi Léonetti. L’affaire Lambert constitue une perversion de la loi Léonetti. Dans les deux cas, la solution juridique dégagée par les juridictions françaises a abouti à un résultat inhumain, et finalement assez préoccupant pour la prise en charge des patients dans les hôpitaux français.
L'AFFAIRE VINCENT LAMBERT
L’euthanasie de Vincent Lambert autorisée : la CEDH ferme la page du procès de Nuremberg (05/06/2015)
Gregor Puppinck — La Cour européenne des droits de l’homme a rendu aujourd’hui vendredi 5 juin sa décision dans l’affaire Vincent Lambert et autres contre France. Par douze voix contre cinq, la Grande Chambre a jugé qu’un État peut provoquer la mort d’un patient en état de conscience minimale.
L’affaire Vincent Lambert, ou la tentative de faire reconnaître l’euthanasie par omission (30/01/14)
Me Jean Paillot — Depuis son accident en 2008, Vincent Lambert est en état de coma pauci-relationnel. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne vient de décider le maintien de l'alimentation et l'hydratation de Vincent, contre l’avis de son médecin, partisan d’une euthanasie passive. Son épouse Rachel a signifié son intention de faire appel de la décision de la justice administrative en saisissant le Conseil d’Etat. Les explications de Jean Paillot, avocat au barreau de Strasbourg, enseignant en droit de la Santé, et l’un des deux avocats de la famille de Vincent Lambert.
Vincent Lambert : euthanasie reprogrammée ? (23/09/13)
Pierre-Olivier Arduin — L’équipe médicale du centre hospitalo-universitaire de Reims a annoncé vouloir engager ce vendredi 27 septembre une nouvelle concertation sur le retrait de l’alimentation assistée de Vincent Lambert, un jeune homme en état de conscience minimale à la suite d’un accident de la route il y a 5 ans. Le médecin responsable estime qu’à l’issue de cette discussion il lui reviendra de prendre une décision finale de « protocole de fin de vie ».
L'AFFAIRE BONNEMAISON
Affaire de Bayonne (2/3) : la loi Leonetti autorise-t-elle l'euthanasie passive ? (09/09/11)
Pierre-Olivier Arduin — Certains estiment que les limitations et arrêts de traitements autorisés depuis 2005 par la loi Leonetti relèvent de l'euthanasie passive, dernière marche avant une éventuelle dépénalisation de l'euthanasie active par injection mortelle. Une clarification sémantique et éthique permet de lever la confusion.
L'affaire de Bayonne (3/3) : une déficience des soins palliatifs ? (14/09/11)
Pierre-Olivier Arduin — Les soins palliatifs trouvent leur origine dans l'aveu d'impuissance de la médecine à guérir, du consentement à la finitude humaine, de l'humilité devant le tragique de la mort. Mais cette impuissance acceptée et assumée est la condition d'une nouvelle puissance, celle d'offrir à la fin de la vie de la personne souffrante le réconfort d'un accompagnement médical compétent et humain.
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- 14/09/2011 » Suite et fin de l'affaire de Bayonne (3/3) : déficience des soins palliatifs ?
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