Cet été, www.libertepolitique.com initie avec Henri Hude une réflexion sur le sens du décideur, ses caractéristiques, ses principes et ses fondamentaux. Avec le philosophe, nous commentons chaque semaine un fait d’actualité ou une réflexion qu’inspire son livre, à lire impérativement pour comprendre les enjeux réels de la philosophie moderne et les problèmes qui se posent aujourd’hui à notre société.
Dans ce second épisode, nous revenons sur l’inscription au programme des premières L et ES de la philosophie du gender. Un symptôme de cette négation des réalités communes et naturelles de plus en plus présente dans notre société. Partant de cette question posée, le philosophe revient sur les réalités du corps propre et du corps social.
La société : un corps composé d’individus
Une société est un « corps fait de membres pensants », nous dit Pascal dans ses Pensées (n°704-706). Cette définition induit la juste vision de la société, qui doit être pensée à la fois à l’aune du tout qu’elle forme, en même temps que par rapport aux parties autonomes qui la composent.
C’est lorsqu’on ne tient plus ces deux bouts de la chaîne qu’on mutile la société en lui retirant une de ses dimensions fondamentales. Si on ne voit pas la multitude des individus qui composent la société, on risque de tomber dans une vision idéologique totalitaire, telle que le XXème siècle en a connu.
Mais si, au contraire, on insiste trop sur les individualités jusqu’à nier le tout qu’elles forment ensemble, le politique risque de tomber dans un autre travers, non pas immédiatement totalitaire, mais tout aussi idéologique. La société devient un cadre vide et artificiel maintenu par commodité pour favoriser un certain vivre ensemble qui ne doit surtout pas contrarier l’individualité ou la volonté de chacun. Ce sera toujours l’intérêt propre et personnel qui devra primer, puisqu’il n’y a de réalité que d’individu, et non plus de société : « La liberté est réalisée à condition que l’individu soit rendu maximalement indépendant du corps social et de ses organes, de la tête, et des autres individus », explique Henri Hude dans Préparer l’avenir (chapitre 1).
Un individualisme idéologique : le libéralisme idéologique postmoderne
Le philosophe met en garde contre une dérive idéologique de ce type qu’il nomme « le libéralisme idéologique postmoderne ou l’idéologie libérale postmoderne ». Cette idéologie écrit-il dans son livre « forme le noyau dominant de la culture occidentale en 2012 » et « inspire la démocratie médiatique et le capitalisme mondialisé financiarisé ».
Cette nouvelle idéologie se distingue du courant philosophique libéral classique, en ce qu’elle abolit les principes fondateurs, les piliers de la pensée héritée des Lumières : la Raison et le Devoir. C’est pour cette raison qu’il est nommé postmoderne : « Le libéralisme tardif, écrit Henri Hude, revendique […] pour l’individu le droit de croire qu’il a seulement les devoirs qu’il lui plaît d’avoir et le droit d’agir sans contrainte conformément à cette croyance arbitraire. » Autrement dit, là ou dans le libéralisme classique, la contrainte était présente et s’imposait grâce à la raison et grâce au principe de devoir dans le domaine moral, le libéralisme postmoderne s’imagine abolir toute contrainte qui ne serait pas ultimement choisie par l’individu au nom des principes qui lui agréent et qu’il se choisit. Ce faisant, il abolit également toute capacité pour l’individu de se référer à un tout supérieur et à se considérer comme authentiquement partie prenante dans une société. Une société qui prend au sérieux ces aberrations ne peut tout simplement pas fonctionner. La Crise n’est pas autre chose que le blocage de cette absurdité.
Échec du politique
Ce détour nous ramène à notre sujet de départ. En effet, comment s’impose aujourd’hui la philosophie du gender, si ce n’est comme une application de cette idéologie qui voudrait imposer le principe de l’arbitraire subjectif absolu, tant aux individus qu’à la société ? Un choix radical déconnecté du réel qui va jusqu’à nier celui-ci, en faisant s’évanouir la réalité derrière des constructions arbitraires. On imagine une domination quasi divine de l’opinion sur le réel, de la psyché sur la nature, l’effacement de toute réalité qui ne serait pas l’expression d’une volonté et d’une opinion arbitraires.
Si cette idéologie n’était pas surmontée, elle rendrait impossible l’émergence des décideurs de l’avenir. S’il n’y a pas de corps, il n’y a pas besoin de tête – de chef ! « Les décideurs de l’avenir ouvriront à la société libre un avenir de renaissance parce qu’ils auront surmonté cette idéologie », déclare Henri Hude. Aujourd’hui, l’individualisme radical met en échec le politique en lui ôtant le principe même de sa légitimité. Le pouvoir, tout puissant pour permettre, est impuissant pour obliger, interdire et réformer. Demain, les décideurs renaîtront à condition d’être capables de se libérer du relativisme culturel et du politiquement correct, pour rejeter ce carcan et traiter cette gangrène du libéralisme idéologique postmoderne.
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