Source [Valeurs actuelles] : L’écrivain, poète, journaliste et directeur de Bayard Culture & Religion, Jean-Pierre Denis, retrace sa propre expérience avec le pape Benoît XVI et dépeint l’héritage que le cardinal allemand laisse derrière lui. Entretien.
Valeurs actuelles. À la suite du décès de Benoit XVI, une de vos publications Twitter a suscité plusieurs réactions : « Jeune, j’ai détesté Ratzinger (…). Son élection m’a accablé » dites vous. À quel courant de pensée apparteniez-vous à l’époque pour ressentir une telle forme de rejet ?
Jean-Pierre Denis. J’ai toujours évité de me définir par une autre étiquette que celle de catholique. Simplement, à l’époque, jeune journaliste à La Vie, j’ai suivi les débats idéologiques qui ont traversé le pontificat de Jean-Paul II. Et j’ai observé la façon dont le cardinal Ratzinger, dans ses fonctions de préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, participait à un verrouillage intellectuel souvent brutal, voire humiliant, comme un professeur un peu vache qui vous mettrait une sale note. Or certains des sanctionnés n’étaient en rien des dissidents. Je pense notamment au jésuite belge Jacques Dupuis, réprimandé en 2001 pour « de graves ambiguïtés et des difficultés sur des points doctrinaux importants qui peuvent conduire le lecteur à des opinions erronées ou dangereuses ». On a dit parfois qu’il en était mort de chagrin. Bien sûr, globalement cette politique peut se comprendre. Jean-Paul II avait la crainte que l’Eglise éclate, prise entre le schisme lefébvriste et la théologie de la libération, un phénomène contaminé par le marxisme en Amérique latine.
Autre élément critique : j’ai été marqué par le grand élan de Jean-Paul II pour le dialogue interreligieux. Je pense notamment aux rencontres d’Assise en 1986, regroupant les représentants de toutes les religions du monde, pour la première fois. Il n’avait échappé à personne que le cardinal Ratzinger avait manifesté ses réticences en ne se rendant pas à l’événement. Ainsi, au moment de son élection, j’ai cru, complètement à tort j’avoue, que le pape Benoît XVI allait revenir sur les acquis de son prédécesseur. Je me suis trompé, il s’inscrit totalement dans les pas de Jean-Paul II, tant sur les relations avec les judaïsme que sur un dialogue avec ceux qui ne sont pas chrétiens, des musulmans aux athées.
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