Xavier de Ligonesse , Andres Behring Brevick, Mohamed Merah ont en commun d’avoir été des enfants abandonnés par leur père. L’abandon du père ne fait pas que des criminels, mais la blessure fragilise et quand elle s’infecte elle peut conduire à des comportements dangereux, voire au crime comme l’actualité récente en témoigne.
« Il pleut sur Nantes »…la déchirante chanson de Barbara criant sa douleur à la mort d'un père indigne qu'elle n'avait jamais revu hante ma mémoire à la vue de ces jeunes gens amis des enfants Dupont de Ligonesse assassinés il y a tout juste un an, défilant dans les rues pour que leur souvenir ne meure pas. La télévision montre la jolie maison bourgeoise où ces quatre beaux adolescents en pleine santé et heureux de vivre et leur mère sont morts, probablement par la main de leur propre père, introuvable depuis.
Dans le même temps, Anders Behring Brevik déroule devant le tribunal qui le juge les raisons pour lesquelles il a tué une soixantaine de militants socialistes qu'il considère comme les « collabos de l'occupation musulmane de l'Europe ».
Sans doute Mohamed Merah, tueur présumé de trois soldats français, aurait-il, s'il avait pu être jugé, justifié son acte en les traitant de « collabos de l'occupation chrétienne en Afghanistan », et justifié l'horrible assassinat de trois enfants juifs et du père de l'un d'entre eux par le fait qu'ils étaient les représentants de l'occupant israélien de la Palestine.
Qu'ont en commun ces trois hommes, ces trois assassins ? Ils ont été abandonnés par leur père dès leur petite enfance.
L'abandon d'un père est, pour un fils, plus qu'une souffrance, une honte et un affront. Un affront fait à sa mère, qu'il va de ce fait aimer doublement, démesurément. Un affront fait à lui-même car il n'a pas été jugé assez important par son père pour que ce dernier reste auprès de lui, pour qu'il lui sacrifie une maîtresse, une ambition, ou l'appel de l'aventure.
Cette blessurebéante se réouvre à l'infini, à chaque situation ressentie, analogiquement, comme un abandon. Celui de l'infidélité réelle ou supposée de sa femme, celui de la place réelle ou supposée faite par des dirigeants de son pays aux étrangers, celui de la guerre réelle ou supposée faite à ses coreligionnaires par son pays d'adoption.
Cet abandon est aussi comme un déni de sa propre valeur et c'est pourquoi il n'aura de cesse de prouver qu'il n'est pas lâche, veule, comme tous ces gens qu'il méprise parce que, comme son père, ils ont déserté, abandonné, fui leurs responsabilités.
Il est, pour lui-même, en son for intérieur, la vivante figure du Commandeur. Il est la Vengeance. Il est le bras armé d'un Dieu qui « vomit les tièdes », d'un Christ qui ne veut pas qu'on sépare ce que Dieu a uni, d'un Allah qui châtie les infidèles …
Les mères d'adolescents vindicatifs, turbulents, secrets, qui risquent à tout moment le passage à l'acte, savent bien cette colère de l'abandon, cette impuissance de leur fils à se construire du fait de l'absence du père. Les psychiatres, confesseurs, éducateurs, le savent aussi. Pourquoi ne le dit-on pas ?
Parce que dans notre société du « c'est mon choix », les pères « ont bien le droit de … », « c'est leur choix … »… « C’est leur liberté »…
Non, ils n'ont pas le droit. Non, ce n'est pas leur liberté. Ils n'ont pas que des droits, mais aussi des devoirs dont l'accomplissent seul permettra à ceux qui sont sur terre uniquement de leur fait, à la suite d'un acte amoureux qui a bien été le leur, d'avoir, eux, de vrais droits et une vraie liberté .
Les mères, si nombreuses aujourd'hui, qui ont été abandonnées par le père d'un fils devenu violent sont avant tout soucieuses de dissimuler ce qu'elles ressentent comme étant de leur faute à elles. Il ne faut plus qu'elles se taisent. Ce n'est pas leur faute. Pour la plupart, elles sont là au quotidien. Elles donnent tout leur temps, tout leur amour, tout leur argent. Et si elles n'ont à donner que leur faiblesse de femme, leur douceur de femme, c'est parce qu'elles sont femmes et ne peuvent de ce fait remplacer l'homme enfui, le père abandonnant.
Si notre société veut résoudre le problème de la violence, il faut d'abord et avant tout qu'elle fasse cesser l'impunité de ces pères défaillants honteusement absous, non poursuivis, non condamnés, et dont on accueille sans se scandaliser les propos, une fois le drame arrivé, au lieu de les condamner comme ils le méritent.
Il faut ensuite changer notre droit.
Ce n'est pas à la mère, déjà effondrée, surmenée, ruinée par l'abandon de son séducteur de prouver l'existence d'une relation neuf mois pile avant la naissance de l'enfant qui seule permettra la recherche de paternité. Ce devrait bel et bien être au père, désigné par la mère comme étant le géniteur, de prouver - ce qui est très simple aujourd'hui grâce aux tests ADN - qu'il ne l'est pas. Et à ses frais. L'Angleterre nous a précédé dans cette voie de justice élémentaire. Il faut l’imiter.
Ce n'est pas à la femme, soucieuse avant tout de protéger son enfant, et facilement convaincue de se résigner par un mari qu'elle aime souvent encore, d’engager, en payant très cher, un avocat, des poursuites à fins de pension alimentaire ou de droit de visite. Nicolas Sarkozy propose une réforme qui va dans ce sens pour le prochain quinquennat. Que ne l'a-t-il déjà faite ?
La femme attend, le plus souvent désespérément, des années parfois, que l'amour naisse entre le père, l’homme qu'elle a aimé et le fils, son fils, qu'elle aime plus encore. Mais l'homme qui refuse le lien sait disparaître assez longtemps pour qu'il soit impossible, après 10 ou 15 ans d'absence, de le renouer. C'est le cas des pères de Mohamed Merah et de Brevik. De Xavier Dupont de Ligonesse, on sait seulement qu'il vivait seul dès son enfance avec sa mère et d'autres femmes de la famille.
Le fils est alors dans une colère que rien n'apaisera.
S'il peut devenir soldat, policier, homme d'affaires ou homme politique puissant et respecté, ou artiste internationalement reconnu, il trouvera un exutoire légal ou un apaisement à sa colère. Sinon …maffia , grand banditisme, terrorisme, qu'importe ?
Partout où il pourra être enfin « reconnu », il ira….Il se vouera entièrement à toute cause qui lui rendra la considération de lui-même que l'abandon de son père lui a enlevé à jamais. Faire connaître a tous son courage, sa détermination, son audace, sa force, son héroïsme, c'est ce qui guidera ses actes
Jusqu'à commettre, l'inouï, l'inédit, le monstrueux. Au prix de sa liberté ou de sa vie.
Au prix surtout parfois, hélas, de la vie des autres...
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Madame, heureusement, comme vous le faites remarquer, que tous les fils qui n'ont pas eu leur père ne finissent pas assassins. Mais si l'absence du père peut en partie expliquer de tels actes, il me semble simplificateurs de tout mettre sur le compte de l'absence du père et de la violence qu'elle peut occasionnée aussi bien chez la fille qui n'a pas été protégée par son père. Il me semble qu'il faut en plus d'autres facteurs pour passer à l'acte. La colère et la violence liées à l'absence du père ne suffisent pas à expliquer la folie meurtrière. Ce serait trop simple et facile, mais inquétant pour tous ces hommes ou jeunes hommes dont le père répond aux abonnés absents.
Je ne sais pas s'il est venu à l'esprit de l'auteur la possibilité que ce soit la mère qui abandonne le père et leur enfant, "pour qu'il lui sacrifie un amant, une ambition, ou l'appel de l'aventure."
Le diagnostic est bon si l'on se focalise sur le problème des familles monoparentales en général, dont on mesure de plus en plus le coût social. Les études menées en Angleterre sont de ce point de vue bien plus avancées que chez nous : elles montrent toutes que les enfants élevés dans des familles monoparentales ont plus de chance de rater leurs études, consommer des stupéfiants, et tomber dans la crimininalité. A ce compte on peut véritablement parler de générations sacrifiées.
Criant de vérité ! merci