Natacha Polony annonce sur son blog du Figaro que le décret visant à une évaluation des enseignants par le chef d’établissement est mort-né [1]. Le motif de la guerre : l’évaluation ne relèverait que de la seule Inspection. Les syndicats hurleurs ont eu raison comme toujours de l’embryon de réforme avec la liberté des établissements scolaires dans le collimateur.
Il semble que l’unanimité syndicale pourtant n’ait pas été faite. La CFTC n’a-t-elle pas fait entendre une musique différente ? « La CFTC Éducation n'est pas hostile à une remise à plat du système actuel de notation et de promotion car il est trop aléatoire et souvent injuste (inspections irrégulières, promotions inégales entre les disciplines). Fidèle à sa tradition de dialogue, la CFTC Éducation est ouverte à toute concertation sur le sujet. Une avancée permettant une modification du rôle des inspecteurs dans le sens “d'évaluations conseils” serait positive. »
Inspecteurs « associés à l’évaluation dans le cadre de leurs missions »
On voudrait nous faire croire que toute l’évaluation aurait été alors réalisée par le seul chef d’établissement ; cela n’aurait sans doute pas été équilibré. Mais à lire le décret de près, rien de plus faux, les inspecteurs restaient bien « associés à l’évaluation dans le cadre de leurs missions ». Extrait :
"« Le décret modifie chaque statut particulier pour mettre fin au système de notation, au profit d'un dispositif d'appréciation de la valeur professionnelle fondé sur un entretien professionnel triennal. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct et donne lieu à un compte rendu qui peut faire l'objet d'une demande de révision. Pour les personnels exerçant des fonctions d'enseignement, d'éducation ou d'orientation relevant de l'enseignement scolaire, l'entretien est réalisé sur la base d'une autoévaluation, à l'élaboration et à la validation de laquelle les corps d'inspection sont pleinement associés dans le cadre de leurs missions.»
"
On voudrait nous faire croire encore qu’on « sortirait de la pratique républicaine ». Tels sont les propos rapportés de Thierry Cadart, le secrétaire général du Sgen-CFDT qui détiendrait donc le monopole de ce qui est républicain de ce qui ne le serait pas. Bien sûr, il y a derrière tout cela un épineux dossier, l’aptitude à évaluer les compétences à l’intérieur d’une discipline souvent technique, mais compétences qui ont été, faut-il le rappeler, déjà vérifiées lors de concours ou d’examens passés devant un personnel habilité à distribuer les grades.
Chefs d'établissement "nommés" aptes à évaluer
On oublie malgré tout un peu vite qu’un inspecteur – et sans doute sont-ils une minorité mais là, la pratique républicaine n’a pas l’air d’être mise à mal, et un seul exemple suffirait – peut être nommé inspecteur général après avoir été nommé, par l’élévation magique de l'avancement au seul tour extérieur, agrégé. Simplement nommé. Il peut sans aucun concours, sans aucune vérification de compétences être propulsé à ce poste clé. La République n'est alors pas bien regardante sur ces petits arrangements qui ont cours depuis des lustres, ne s'offusque pas de ces nominations. On ne voit pas dès lors en quoi un chef d’établissement, du public comme du privé, ne pourrait pas, dans les mêmes conditions, être nommé apte à évaluer, pour une part, le corps enseignant qu’il voit chaque jour à l'œuvre dans son établissement. Pourquoi lui préfèrerait-on une fois, au mieux, tous les sept ans un inspecteur anonyme ?
On comprend bien la remise en cause annoncée de ce décret avec le retour des socialistes. Derrière son abrogation très symbolique, c'est l'autonomie des écoles et le renforcement de l'autorité du chef d'établissement qui sont visés. Adieu donc à une certaine conception de la liberté d'éducation ! Le pouvoir central de l'administration et l'éducation de type étatiste sont de retour...
Article publié sur le blog d'Hélène Bodenez : Raison garder
[1] Décret n° 2012-702 du 7 mai 2012, publié au JO le 8 mai 2012 « portant dispositions statutaires relatives à l'appréciation et à la reconnaissance de la valeur professionnelle de certains personnels enseignants, d'éducation et d'orientation relevant du ministre chargé de l'Éducation nationale ».
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à Galuchax : sans compter qu'il y a déjà la note administrative, avec le commentaire assorti, attribués par le chef d'établissement : l'évaluation, au moins partielle, par le chef d'établissement, est déjà une réalité (avec éventuellement les règlements de compte qui vont avec...) Cela dit, on peut aussi avoir des relations détestables avec un inspecteur, pour des raison personnelles (vous n'en avez jamais vu, vous, des inspecteurs à la réputation désastreuse ? que valent leur jugement, et leurs inimitiés, et leur piques assassines ?) Cependant, il est vrai que les règles de la notation et de l'évaluation sont figées, quelque peu ésotériques (je n'ai jamais pu savoir ce qu'était une bonne note), et que, dans l'EN, tout est bien trop centralisé, ce qui peut s'avérer destructeur pour tout le monde (profs comme élèves), par manque de souplesse. Selon les conditions, le métier de prof est si différent ! et on n'a guère l'occasion de se demander si tel, qui est mauvais prof dans telles conditions, ne serait pas plus à l'aise dans d'autres !
Voir le commentaire en entierMoi qui suis également agrégée, mais à l'autre bout de ma vie professionnelle, puisque j'ai pris ma retraite l'année dernière, je suis tout à fait d'accord avec Myriam Ardouin. J'ajouterai que, s'il est vrai que le rythme des inspections est insuffisant, celles-ci sont tout de même plus fréquentes qu'une fois tous les 7 ans comme l'affirme Madame Bodenez. Dans ma matière, à Paris, c'est une fois tous les 4-5 ans.
Voir le commentaire en entierJe me permets de préciser qu'un inspecteur ne se contente pas d'assister à un cours ; il vérifie le cahier de textes de la classe ainsi que les classeurs de plusieurs élèves, ce qui lui permet de connaître le travail effectué depuis le début de l'année, puis il termine son inspection par un entretien avec le professeur, entretien au cours duquel il peut donner des conseils ; il rencontre également le chef d'établissement.
Le problème de cette réforme n'était ni que le chef d'établissement note les professeurs (il le fait actuellement pour 40% de la note globale), ni que le système de notation soit modifié (il a besoin d'être amélioré), mais que le rôle de l'inspecteur soit très minoré. Depuis que j'ai commencé à enseigner, j'ai connu de nombreuses réformes, allant toutes dans le sens de la diminution des connaissances et de la culture. Supprimer ou diminuer le rôle de l'inspecteur, seul apte à juger de la qualité de l'enseignement délivré, revient à affirmer que le rôle principal de l'école n'est plus d'instruire. C'est d'ailleurs ce que souhaitait ouvertement Claude Allègre quand il affirmait que l'école devait devenir "un lieu de vie". Cordialement.
Au ministère de l'Education Nationale, le titre de ce ministère est déjà un mensonge, le titre de la pièce c'est "Petits arrangements entre amis...de gauche".