[Source: Famille Chrétienne]
Le dixième festival de musique metal Hellfest à Clisson (Loire Atlantique), du 17 au 19 juin, préoccupe un collectif de chrétiens engagés. Motif : six groupes programmés seraient ouvertement « antichrétiens ». Enquête.
Pour la dixième année consécutive, les fans de musique metal auront leur festival. Du 17 au 19 juin, le Hellfest réunira 150 000 festivaliers à Clisson, en Loire-Atlantique. Ce qui inquiète les membres du collectif "Pour un festival respectueux de tous”, qui existe depuis 2011 et a été érigé en association en 2015. Faute d’avoir pu empêcher les organisateurs du festival d’obtenir des subventions publiques issues de la commune et du département, Jean-Yves Rineau, son porte-parole, fort d’une pétition en ligne qui a recueilli 2200 signatures à l’heure où nous écrivons, exige la déprogrammation de six formations musicales sur un total de 160. À savoir les groupes Archgoat, Ghost, MGLA, Deicide, Aura noir et Dark funeral qu’il accuse d’être « ouvertement antichrétiennes et satanistes. »
Un site d’information sur le monde du metal lui donne d’ailleurs raison. D’après Radiometal.com, il y a un « aspect sataniste et antichrétien propre » au black metal - un style musical dérivé du metal. Or quatre des formations dans le collimateur de l’association revendiquent précisément ce style. Le Norvégien Aura noir, le Suédois Dark funeral, le Polonais MGLA et le Finlandais Archgoat. Les deux formations restantes, l’Américain Deicide et le Suédois Ghost interprètent plutôt d’autres dérivés du metal : respectivement du death et du doom metal.
À y voir de plus près, les titres de Deicide sont réputés pour leur dimension sataniste, antireligieuse et blasphématoire. Archgoat s’identifie à la philosophie sataniste et occultiste et exprime, à travers ses paroles, des thèmes antichrétiens. Aura Noir s’intéresse au blasphème, à la mort et au thème de l’agression. Dark funeral aurait fait évoluer son verbe de descriptions de l’Enfer et de Satan vers une rhétorique orientée vers le blasphème et l’antichristianisme. Le chanteur du groupe Ghost se produit sur scène déguisé en antipape démoniaque.
Le metal appartient au registre des musiques extrêmes. Il ne fallait donc pas s’attendre à avoir affaire à des enfants de chœur. Pour certains, toutefois, le satanisme de ces groupes serait aussi inoffensif qu’une opérette. Tel est de toute évidence l’avis de l’organisateur du festival. « Le Hellfest est là (…) pour assurer à tous un rassemblement amical et pacifique », précisait son directeur, Benjamin Barbaud, en 2011. Le collectif “Pour un festival respectueux de tous”, lui, interprète les choses différemment. « Beaucoup de mineurs ne connaissent pas le contenu en tant que tel du festival », soutient Jean-Yves Rineau. Il affirme cela gardant en tête l’idée qu’un chœur de vingt-cinq enfants de Clisson devrait accompagner sur scène le dimanche, le temps d’une chanson, la prestation du groupe Ghost. « Moins protégées que d’autres, [les personnes mineures] sont davantage susceptibles d’écouter ce genre de message et quelque fois de passer à des actes mortifères. » Une déclaration qu’étayent, selon lui, des faits qui remontent à la création du festival.
Beaucoup de mineurs ne connaissent pas le contenu en tant que tel du festival.
En janvier 2006, dans le Morbihan et dans le Finistère, cimetières et lieux de cultes sont profanés. Une chapelle, à Saint-Tugdual, est ravagée par un incendie criminel. Les auteurs des faits, un couple de personnes majeures, elle âgée de 20 ans, lui de 27. Amandine et Ronan allaient respectivement écoper d’un an et demi et d’un an de prison. Deux mois plus tard, la direction du Hellfest annonce la déprogrammation du groupe Déicide en raison de « l’actualité très chaude et chargée qui a secoué la Bretagne ces derniers mois avec cette fâcheuse histoire de profanation. »
L’organisateur du festival faisait-il lui-même un lien entre la prestation sur scènes de groupes comme Deicide et le passage à l’acte de certains jeunes, fût-ce un acte isolé, fût-il “seulement” de nature profanatoire ? Non. Par contre, il anticipait que les autorités publiques l’eussent fait : « Nous devons procéder à l’annulation du groupe Deicide afin de prendre aucun risques sur la tenue du festival », précise, à l’époque, le communiqué de Benjamin Barbaud. Sur le lien entre musique metal et supposé passage à l’acte, Amandine et Ronan se sont exprimés en 2008 lors d’une interview au Télégramme. Non sans relever ce que le black metal a selon eux de « riche » et d’ « entier », ils reconnaissaient que ce style de musique « n’est pas pour les personnes fragiles car elles peuvent mal interpréter ce qui est dit ou s’identifier à ce qui est dit. »
Preuve que le black metal sur scène ne serait pas aussi anodin que ses promoteurs voudraient le faire croire, selon Jean-Yves Rineau, le chanteur du groupe Taake – également à la programmation de cette édition 2016 – s’est produit à Düsseldorf, en Allemagne, avec une croix gammée dessinée sur le torse. De même, indique le collectif, le groupe Archgoat a enregistré un album avec Satanic Warmaster, lequel aurait été déprogrammé de l’édition 2011 du Hellfest du fait de sa proximité à une mouvance néo-nazie. Un autre groupe, l’Américain Anal Cunt, est lui aussi déprogrammé cette année-là. L’antenne locale de la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes s’était émue, auprès du maire de la commune, de plaisanteries douteuses au sujet de la Shoah et d’Hitler, contenues dans les textes de ce groupe. La direction du festival s’était aussitôt exécutée. D’où ce sentiment, au collectif “Pour un festival respectueux de tous”, que la direction du Hellfest adopte une attitude “deux poids deux mesures” : quand les chrétiens se plaignent, pas la peine de déprogrammer. Interrogée sur ce point à cinq jours du festival, le patron du Hellfest n’a pas souhaité s’exprimer, faute de « temps ».
« Pour attaquer quelqu’un en justice au motif de l’incitation à la haine1 », indique Maître Henri de Beauregard, avocat au barreau de Paris « il faut que les juges considèrent que les textes incitent au rejet d’une catégorie déterminée de la population. » Pas simple à réaliser, vu le contexte – celui d’un événement musical, fût-il de musique extrême – et eu égard aux paroles des chansons. Celles du groupe Ghost, par exemple, si elles caricaturent la foi chrétienne ou bien la tournent en dérision, n’appellent pas à proprement parler à la haine contre les chrétiens. Au juge d’en décider. Quoiqu’il en soit, si bataille judiciaire il y a sur le motif de l’incitation à la haine antichrétienne, du point de vue du collectif, elle ne serait pas nécessairement gagnée d’avance. Qu’à cela ne tienne. L’avocat de l’association, Maitre Louis-Georges Barret, par ailleurs ancien vice-président du Parti Chrétien Démocrate (PCD), entend passer au peigne fin les paroles des chansons interprétées du 17 au 19 juin au Hellfest. De façon à saisir, le cas échéant, le procureur de la République.
En attendant, une autre action en justice pourrait être intentée contre le Hellfest en lien avec un supposé financement public illégal du culte. « Nous considérons que les paroles de ces chansons et que les interventions d’un certain nombre de groupes sont de nature cultuelle », plaide l’avocat. Illustration à l’appui : un titre du groupe Ghost,Infinitessumam, qui singe le Credo avec des airs d’ode à Satan.
Mais si l’issue juridique est incertaine, les membres du collectif entendent emporter une autre victoire. Médiatique celle-là. Leur but ultime ? Susciter un débat de sur les notions de bien commun et d’ordre public. Comme le laisse entendre cette réflexion d’une source proche de l’association : « Si on relativise la violence [véhiculée par certains groupes de black metal lors de leurs représentations, Ndlr.] en disant cette violence-là n’est pas grave parce que c’est de la culture, comment une personne incarnant l’autorité fera-t-elle comprendre aux jeunes que, dans un autre contexte, ce n’est plus de la culture, c’est de la violence ? »
Derrière ce positionnement, les membres du collectif s’engagent dans un combat culturel pour lequel ils s’attendent de leur propre aveu à essuyer les critiques d’une partie de la presse. Il faut dire que leur action passe aussi par un encouragement à envoyer des mails et à passer des coups de fils répétés auprès de la mairie de Clisson pour protester « avec courtoisie mais la plus grande fermeté ». « Ça n’est pas le moyen le plus efficace, reconnait Jean-Yves Rineau. D’autant qu’à la mairie, le personnel peut prendre cela pour une agression. ». Une action qui pourrait au final discréditer leur combat.
Au bout du compte, les membres de ce collectif sont ni plus ni moins des chrétiens agacés à l’idée que l’on maltraite leur religion, fût-ce au nom de la culture et de la liberté d’expression. Les titres de ces groupes de metal constituent« une attaque contre la foi » et favorisent « la diffusion d’idées contraires à la vérité concernant le christianisme »retient le porte-parole du collectif. Ils véhiculent l’idée que « le christianisme serait un enfer. » Dieu soit loué, à tort !
Guilhem Dargnies
1. Cf article 24 la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881.