PERMETTEZ-MOI de citer une phrase célèbre d'un grand homme d'État qui, avec Konrad Adenauer, Robert Schuman, Paul Henri Spaak et Jean Monnet, est l'un des pères fondateurs de l'Europe : Alcide De Gasperi.

Celui-ci commença l'une de ses interventions en disant : " Je sais que je parle seulement grâce à votre propre courtoisie. " Grâce à votre propre courtoisie, surtout grâce à la courtoisie des députés promoteurs de cette rencontre, j'ai l'opportunité, en ce siège prestigieux, d'annoncer la naissance de la Convention des chrétiens pour l'Europe, une association internationale qui a été constituée à Barcelone, sur l'initiative de son président : Josep Miro j Ardevol.

 

Les objectifs que nous nous proposons d'atteindre sont les suivants :

- donner la voix aux chrétiens des différentes confessions, aux citoyens européens d'autres credo, et aux laïcs qui partagent notre " sentir " à propos de la liberté – liberté de pensée, de religion, d'association ;

- demander que cette voix soit écoutée dans la Convention pour la nouvelle Europe et dans les conférences intergouvernementales qui suivront ;

- constituer une des composantes de la société civile en dialogue avec les Institutions communautaires – notamment avec le Parlement et avec la Commission exécutive.

 

Actuellement nous sommes présents, en forme organisée, en Espagne, en Italie, en France et en Pologne.

 

Dans un manifeste approuvé à Barcelone les 6, 7 et 8 décembre 2002, nous avons illustré notre contribution à propos de la société civile et de son organisation sociopolitique, contribution qui tient compte d'une histoire millénaire – une histoire qui a, bien sûr, vu des erreurs, dues à la fragilité humaine, mais aussi et surtout, qui a vu des événements positifs.

 

Pourquoi, dans ce manifeste, suggérons-nous qu'il faut se référer explicitement aux racines chrétiennes de l'Europe, sans oublier les racines judaïques, islamiques (même si elles font partie d'une zone géographique plus limitée), et la contribution de l'époque des Lumières ? Parce que ça correspond à la vérité. Une société humaine démocratique et solidaire ne peut être fondée que sur la vérité, sur la liberté, sur la justice et sur l'amour. La présence des racines chrétiennes est tellement évidente qu'il suffit de visiter n'importe quelle ville ou petit village de notre continent, il suffit d'entrer dans n'importe quel musée, d'approcher la littérature de l'un des pays européen, quel qu'il soit, pour constater l'imposante évidence de la contribution du christianisme qui, de l'époque romaine à nos jours, a concouru à faire de l'Europe ce qu'elle est. Donc, pourquoi taire une vérité ?

 

Mais, plus encore, nous tenons à ce que la Charte fondamentale, le traité constitutionnel de la nouvelle Europe, qui portera bientôt à 25 – au lieu des 15 actuels – le nombre des États membres, valorise les richesses de cette histoire millénaire, fruits du dévouement et du sacrifice de tant de femmes et d'hommes. Nous tenons à ce que soit reconnue une conception de l'homme, détenteur original des Droits fondamentaux que les institutions doivent reconnaître et protéger – dont, avant tout, le droit à la liberté. La liberté de pensée et d'expression, la liberté de construire une famille, de générer la vie, la liberté d'association, la liberté d'éducation, la liberté d'entreprendre, la liberté de protéger la vie, surtout la plus fragile. Il s'agit des droits connaturels à l'homme et qui ne dérivent pas du pouvoir, quel qu'il soit, mais que le pouvoir doit reconnaître et protéger.

 

Nous souhaitons et sommes même convaincus de la nécessité que les Institutions soient authentiquement laïques, c'est-à-dire au service de tous, dans l'intérêt du bien de chacun, du bien commun. C'est une conviction qui fait partie de notre tradition et de notre histoire, et qui repose sur ces paroles du Christ : " Rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu, et rendez à César ce qui appartient à César. "

 

Institutions publiques laïques, sans interférences confessionnelles ou idéologiques, mais dans le respect de toutes les positions culturelles, c'est-à-dire en protégeant et en assurant à tous le droit de participer à construire le " sentir " commun, la culture composite d'une société, dans cette époque particulière de l'histoire. L'idéologie, qui a produit tant de désastres dans le siècle passé, même dans notre Europe, consiste à ériger le particulier en critère général, ou bien à exclure a priori une position qui n'est pas consonante avec le pouvoir ou la culture dominante.

 

Je tiens particulièrement à une phrase d'un grand laïc, Albert Einstein : " Seul, celui qui a le sens de l'insondable mystère peut être un véritable homme de science. " Voici un beau manifeste de l'ouverture à la nouveauté, à la vérité, à la beauté, sans aucune barrière d'idée préconçue.

 

Avec beaucoup d'humilité, mais aussi avec une profonde conviction, nous voudrions vous poser la question : est-il possible de se mettre à construire une nouvelle " maison commune " vraiment accueillante, sans valoriser – voire en ignorant – une partie tellement importante du patrimoine culturel, spirituel, social de notre histoire ; est-il possible d'ignorer l'humanisme chrétien, " acquis européen séculaire " ? Si la nouvelle maison commune n'est pas accueillante pour tous, elle risque de ne pouvoir accueillir personne.

 

J'espère que, au-delà de mes paroles, vous saurez aller au fond de ce qui est important pour notre avenir, pour l'avenir de nous tous, et je vous remercie de votre attention.

 

G. S.