Trente lignes dans un quotidien, vingt lignes dans un autre, rien ailleurs : le quarantième anniversaire de la clôture de Vatican II a fait un flop. Le bilan de cet immense événement historique n'a pas intéressé les salles de rédaction.

C'est troublant. On peut admettre que le concile (1965) ne dise rien aux jeunes journalistes, pour qui le monde commence en 2005 : mais alors, pourquoi ont-ils tous clamé – cette année, en avril – que l'élection de Josef Ratzinger était "un retour en arrière par rapport à Vatican II" ?

Car de deux choses l'une : ou bien Vatican II a eu de l'importance, ou bien non. S'il en a eu (au point de définir un "avant" et un "arrière"), alors pourquoi refuser maintenant, en décembre, de commémorer ce concile que l'on invoquait en avril ? Est-ce par incohérence ? On n'ose le croire : les choix éditoriaux des big papers ne peuvent pas être incohérents, sinon la presse parisienne connaîtrait des problèmes d'audience – et ses directeurs assurent que ce n'est pas le cas.

Il y a donc une autre explication. Elle est fâcheuse. C'est le dédain. Les grands médias semblent n'avoir plus d'estime envers le domaine religieux. N'y voyons de leur part aucun sectarisme, mais la conséquence (machinale) de leur mode de fonctionnement depuis une dizaine d'années : la presse écrite s'est mise à la remorque de l'audiovisuel, et celui-ci ne se soucie pas d'analyse ni de compréhension. Il chevauche l'émotionnel. La bonne actualité est celle qui booste l'audimat. On vibre à l'émotion. Or ce qui est émouvant (le marketing est formel), c'est le changement : "ce qui ne change pas n'émeut pas".

La religion ne change pas, puisqu'elle travaille dans l'éternel ; donc elle ne peut pas émouvoir ; donc elle ne fournit pas d'actu. Ou seulement de loin en loin, si le pape meurt. Ou s'il est élu. Ou s'il réunit un million de jeunes... Pour le reste, les médias attendent depuis quarante ans que l'Église fournisse enfin les vrais changements qu'on attend d'elle : mettre les dogmes à la casse, marier les prêtres, ordonner des femmes – pour être enfin digne de l'intérêt des rédactions, et pour aider à remonter les ventes de la presse écrite.

Tant que Rome ne produira pas ces ingrédients-là, elle sera snobée par les journalistes. D'où, entre autres, le traitement – pitoyable – accordé au quarantième anniversaire de Vatican II.

Mais ce mépris médiatique est un mauvais calcul.

Ce qui n'intéresse pas les médias, intéresse tout de même beaucoup de monde dans le public.

Comme avant le référendum du printemps dernier, ou comme en matière de mondialisation (jusqu'au sondage Ifop du 12 décembre), ou comme dans bien d'autres domaines, les élites bobo ne voient pas ce qui se passe au "dessous", dans les profondeurs de la société.

Donc elles ne sentent pas – non plus – le mouvement qui se dessine dans le monde catholique depuis l'élection de Benoît XVI : mouvement dont on perçoit des signes, ténus mais multiples, quand on parcourt les diocèses français pour parler avec les gens.

C'est une double prise de conscience :

1/ la découverte de ce que Vatican II a vraiment été, et de ce qu'il a vraiment dit ;

2/ le sentiment d'être à l'aube d'un nouvel élan du christianisme : un recentrement sur l'essentiel – et une entrée dans la Nouvelle Évangélisation, cette mobilisation des laïcs catholiques, poignée de témoins, dans les foules très inédites que nous prépare le XXIe siècle en Europe.

Le recentrage sur l'essentiel – et la Nouvelle Évangélisation ? C'est le double appel de Benoît XVI, et c'est le noyau du message de Vatican II : message que l'on n'a pas compris en son temps, mais qui préparait le nouveau siècle. Étudier aujourd'hui les textes du concile, c'est découvrir comment présenter la foi aux gens d'aujourd'hui. Par exemple aux journalistes ! Ils y ont droit comme tout le monde...

Pour en savoir plus :

> L'actualité commentée sous l'angle spirituel : Patrice de Plunkett — le Blog

> Du même auteur : Benoît XVI et le Plan de Dieu (Presses de la Renaissance, 2005)

> Les Actes du Concile œcuménique Vatican II, (Centurion, 1986, 23,89 €)

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