Mariage homme-femme : persévérance !

Dans un billet de blog intitulé "L’apaisement est la meilleure des méthodes", Koz, soutien fidèle de La Manif pour tous, s’interroge sur l’opportunité d’accepter le mariage de même sexe tout en continuant à refuser l’adoption. Cela reviendrait à renoncer à affirmer que le mariage, comme principe et comme institution, est l’union d’un homme et d’une femme [1]. Koz ne se montre pas, dans cette affaire, favorable par principe au mariage entre personnes de même sexe, mais expose l’idée que nous pourrions l’accepter dans un but d’apaisement. Selon lui, ne rien lâcher sur le mariage conduirait à une forme d’intransigeance qui accentuerait les fractures et blessures de ce pays.

La question posée par Koz offre l’opportunité de réfléchir à la substance de notre engagement contre la loi Taubira et au sens de ce « On ne lâche rien » qui symbolise la ligne politique de La Manif pour tous, maintenue sans changement depuis le vote de la loi. Ce débat remet la question du mariage au centre de notre réflexion, alors même qu’elle avait tendance à disparaître au profit de la question des droits de l’enfant.

Si nous remontons aux origines de La Manif pour tous, celle-ci ne s’est pas levée uniquement pour défendre les droits de l’enfant, mais aussi le mariage civil homme-femme et la famille. Sur le tract d’appel à manifester du 17 novembre 1992, nous pouvions lire : « Pour le mariage civil H/F » (homme/femme) ; « Pour la famille PME » (père-mère-enfant).

Une question anthropologique et sociale

Défendre le mariage homme-femme et la famille père-mère-enfant est d’abord une affaire d’anthropologie : l’humanité n’est pas constituée sur la différence hétérosexuels-homosexuels, mais sur la différence homme-femme. C’est le repère anthropologique le plus élémentaire. C’est ensuite une affaire de bien social. L’humanité est un espace de relation et la structure sociale se construit à partir des communautés naturelles, à commencer par la famille. La juste expression du bien commun nécessite une anthropologie juste.

Ici la question n’est pas d’abord celle du bien et du mal, mais du « mieux », précisément en vue du bien commun. Le mariage homme-femme considéré dans toutes ses composantes — notamment union, procréation, filiation, éducation — constitue le « mieux ». C’est le meilleur cadre d’expression de la communauté naturelle qu’est la famille.

L’expérience humaine valide cette donnée : le délitement du mariage entraîne le délitement de la famille. Il est donc juste que la société valorise et favorise le mariage homme-femme dans toutes ses composantes. L’expérience humaine du mariage montre par ailleurs sa valeur au-delà de l’institution comme expression optimale du don : le don est la loi naturelle d’amour et s’épanouit dans l’altérité sexuée. Cette valeur du mariage comme cadre élémentaire du bien commun et comme expression de l’amour humain est fragilisée depuis longtemps, bien avant la loi Taubira. Ajouter à la dissociation du lien entre filiation et mariage (naissances hors mariage) la dissociation du lien entre mariage et filiation [2] (mariage hors naissances) affaiblit encore davantage le mariage — et donc le bien commun — parce qu’elle ampute de l’une de ses propriétés essentielles (une de plus)…

Persévérer n’est pas fracturer

Cependant, Koz ne conteste pas fondamentalement ces considérations, mais s’interroge sur l’opportunité politique — sous l’angle de l’apaisement — de persévérer dans la défense du mariage homme-femme. Bien évidemment, la politique est par définition une affaire de transaction : jamais la loi civile ne pourra exprimer la perfection de la loi naturelle ni de la loi morale. La politique n’est pas hors du réel. Prévenir les fractures dans la société constitue en effet un devoir.

Mais de quelle fracture parlons-nous ? La loi Taubira, dans son principe et dans la manière dont elle s’est imposée, constitue une forme de violence symbolique et sociale faite à la société ; l’opposition à la loi Taubira concerne, d’une part un milieu militant, d’autre part un espace de recherche commune de la vérité entre personnes de bonne volonté. Mais le peuple profond ne se déchire pas sur la loi Taubira.

La tension n’est pas au sein du peuple, mais dans l’espace politique et médiatique. La différence est fondamentale : persévérer n’est pas fracturer le pays, mais porter le fer là où il est indispensable de le porter. Notre persévérance n’est pas une intransigeance. Il ne s’agit pas de savoir s’il convient d’être intransigeant par principe (comme si rien ne se négociait dans l’espace politique), mais s’il y a une justification majeure à la transaction. À mon avis, ce n’est pas le cas : les fracturations les plus graves du pays sont extérieures à la loi Taubira, elles sont notamment en germe dans la nouvelle question sociale induite par la révolution de la mondialisation [3].

Maintenir la ligne politique originelle

La Manif pour tous a pour vocation de persévérer dans sa ligne politique originelle qui gagne, peu à peu, des positions dans l’espace politique, au cœur de tensions qui manifestent un dur combat. Il faut vivre avec ces tensions que nous n’avons pas choisies. Fondamentalement, la vertu de transparence de La Manif pour tous est une nécessité pour la société elle-même. Persévérer dans la promotion des repères anthropologiques et sociaux est un devoir politique et social.

Notre société en manque de repères attend cela, elle attend d’être éveillée à l’importance des repères essentiels, demande à retrouver la valeur positive de normes structurantes.

Ce besoin de normes structurantes s’exprime très largement dans la sociologie des profondeurs de notre pays. Déstabilisée par la perte des repères élémentaires, notamment familiaux et éducatifs, angoissée par le délitement des institutions traditionnelles, rudoyée par la mondialisation, la France est en quête de sens. Persévérer dans cette offre de sens constitue un service du bien commun.

À cet égard, notre force principale est notre anthropologie, ne l’abandonnons pas en rase campagne.

 

Guillaume de Prémare
Tribune publiée sur le site des Cahiers libres.

 

MAJ 20-22 novembre : lire la réaction de Koz, dans la rubrique "Commentaire", ci-dessous, et la réponse de Guillaume de Prémare.

 

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[1] La formule est de Lionel Jospin.
[2] On peut mettre le mot « adoption à la place du mot « filiation », cela revient fondamentalement au même.
[3] Lire Christophe Guilluy, La France périphérique, comment on sacrifie les classes populaires (Flammarion, sept. 2014).

 

Photo : LMPT

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