Décidément, François Hollande n’a pas de chance avec son entourage. Son équipe de campagne a lancé un pavé dans la marre : un changement fiscal majeur tel que l’on en a pas vu depuis 1945. Il s’agit ni plus ni moins de supprimer le quotient familial, pilier de notre fiscalité, pour le remplacer par un crédit d’impôt. C’est-à-dire substituer l’effet horizontal du quotient familial, « à niveau de vie égal, imposition égale » par un « effet redistributif massif » selon Michel Sapin, chargé du « projet présidentiel ». 

Réactions de droite

Ceux qui en pâtiraient le plus ce ne sont pas les riches mais les familles des classes moyennes ayant trois enfants ou plus. Quatre à cinq millions de familles des classes moyennes perdraient ainsi environ mille euros par ans. « Une attaque en règle contre la famille » n’ont pas manqué de dire tous les ténors de la droite. Valérie Pecresse, Ministre du budget, s’insurge au parlement contre ce « véritable coup de massue sur les classes moyennes », et Laurent Wauquiez, de son côté, déclare qu’il s’agit d’une « proposition assassine pour les familles des classes moyennes et des classes moyennes modestes »

Une véritable aubaine, pour l’UMP trop heureuse de dévoiler la dangerosité de François Hollande auprès d’un électorat peu enclin à plébisciter Nicolas Sarkosy pour son action dans le domaine du pouvoir d’achat. Même le président du Modem, François Bayrou, interrogé par l'AFP, reconnaît que la réforme serait « risquée » et pénaliserait « les classes moyennes et les familles nombreuses ».

Quant à Nicolas Sarkozy, il a beau jeu de  dénoncer « une folie ». « C'est quand même quatre millions et demi de familles qui sont concernées, c'est un coup porté à notre politique familiale. Elles y perdraient beaucoup », a-t-il déclaré benoîtement lors d’un petit déjeuner à l’Elysée.

Réactions de gauche

Devant ce tollé général, l’entourage du candidat du PS a fait front dans un vaste désordre. Lundi, Michel Sapin évoquait seulement une « option ». Las ! Mardi matin Manuel Valls, le porte-parole de François Hollande, confirmait la proposition au micro de RMC « Oui, parce qu'il faut rénover notre fiscalité familiale », et la remplacer par « un système de crédit d'impôt identique pour toutes les familles ».

Quant à François Hollande depuis son QG de campagne avenue de Ségur, il a fait dans l’après-midi du même jour du rétro pédalage accéléré et a tout simplement démenti son porte-parole : « Je ne veux pas supprimer le quotient familial qui est un avantage fiscal pour les Français… Ma proposition : moduler le quotient familial pour qu'il puisse être plus juste pour l'ensemble des familles ». Option ou pas, supprimer ou moduler… Le mal était fait.

Trois remarques sur ce dangereux cafouillage pour les familles :

1° la politique familiale française est depuis longtemps largement redistributive. La plupart des allocations sont déjà sous conditions de ressources comme l’allocation de rentrée scolaire, les aides pour les  modes de gardes, celles pour les parents isolés ou celles au logement pour ne citer que les principales. Accentuer cette dérive est dangereuse, y compris pour l’équilibre social.

2° Les adversaires du quotient familial ont une conception très individualiste, voire mercantile (cf débat de ce-jour sur RMC : « les enfants sont-ils une dépense comme les autres ? ») de la famille. Celle-ci logiquement sous-tend celle du foyer fiscal et de l’impôt. (cf. le décryptage de Jacques Bichot de cette semaine). En cela, les socialistes sont cohérents avec leur conception de la famille et de la société. Mais celle-ci est ruineuse. La « non-famille » a un coût prohibitif pour la société et la détruit comme nous le disions déjà dans la première livraison des cahiers politiques de l’AFSP N° 1 (mars 1993) [1].

3° Ces cafouillages de l’entourage de François Hollande, les atermoiements et le flottement du candidat sur des questions cruciales ne sont pas les premiers. Il y a peu, c’était avec les verts sur le nucléaire. François Hollande a-t-il l’autorité pour conduire une éventuelle future majorité ? Jusqu’à présent, l’ancien et assez effacé Premier Secrétaire du parti socialiste au temps de la troisième cohabitation ne l’a pas montré. Or, que l’on soit de droite ou de gauche, la question est au cœur d’une élection présidentielle. Aujourd’hui plane un doute sur ses qualités de chef. La légère baisse du candidat du PS dans les sondages vient-elle de là ?  Les socialistes n’avaient pas eu de chance en 2007 avec leur candidate. Vont-ils à nouveau regretter leur choix ?

4° La droite qui hurle contre François Hollande serait bienvenue de dire ce qu’elle entend faire pour la famille puisque, comme le disait mardi à 15 h Valérie Pécresse devant les députés : la politique familiale française, « la plus juste d’Europe », est « l’un des leviers majeurs de notre croissance » et une « conquête sociale qui est notre meilleur atout pour l’avenir » (cf. notre édito).

 

 

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[1] Voir aussi les travaux de Jean Didier Lecaillon auteur de La famille source de prospérité Ed. Régnier, Paris 1995