À l’origine, le nouvel ouvrage de Jacques Bichot devait porter comme sous-titre : « Abécédaire de la crise », et c’est ce que nous avions inscrit dans le contrat d’édition. Mais notre ami, dont la méthode et l’inspiration puisent aux meilleures sources de la science économique et de l’espérance biblique, n’a pas mis longtemps à proposer mieux : un « Abécédaire de l’anti-crise », sous-titre qui s’impose de lui-même à la lecture de ces 260 pages roboratives.
Oui ces pages sont étonnamment fortifiantes et structurantes. Et cela, sans faire appel à la méthode « nudge » - vous ne connaissez-pas ? Reportez-vous à la page 176. Puisque crise il y a, il est salutaire, dans un premier temps, de diagnostiquer sans concessions ses causes majeures. Pour Jacques Bichot, économiste bien connu des lecteurs de Liberté Politique,professeur émérite à l’université Jean Moulin (Lyon) et vice-président de l’Association des Économistes Catholiques (qui organise en partenariat avec l'AFSP un colloque ce samedi 11 février), les causes de cette crise ont pour nom… sottise et tromperie.
Il y a quelques mois, au journaliste qui lui demandait si le Pape pouvait faire quelque chose pour nous sortir de la crise, la réponse de notre auteur fut en substance : oui, Benoît XVI est très bien placé pour cela, car c’est un grand prophète de la vertu qui fait le plus défaut dans notre monde, lavérité. Le mensonge et l’incompétence, ces deux ennemis de la vérité, sont les causes principales des maux dont nous souffrons.
Ah ! si nos gouvernants pouvaient avoir l’occasion de prendre connaissance des deux cents rubriques de ce livre, de l’ « Absentéisme » à la « Zone euro ». Trop de nos dirigeants sont hélasdes amateurs même pas éclairés, affirme Jacques Bichot. Or, dans cet essai, le lecteurnon spécialiste fait au moins deux découvertes jubilatoires. La première est detrouver sous une plume experte l’expression claire et précise de pressentiments qu’il pouvait avoir, en raison d’un bon sens tout simple, sur les dysfonctionnements actuels. La seconde est de comprendre enfin certains mécanismes techniques de notre vie économique, fiscale et sociale, décrits ici avec l’assurance du savant et l’art du pédagogue.Sans parler des coups de projecteur tout à fait inattendus mais, à la réflexion, plus judicieux que les exposés habituels : ainsi sur l’« Espérance de vie », oui, mais surtout sur l’« Espérance de vie en bonne santé », sur la fautequi consiste à alourdir la « Complexité » de « Complication », sur les avantages de la « Retraite à la carte » par rapport à la « Retraite » uniformisée.
Ce qui pourrait surprendre c’est de passer, d’une page à l’autre, de la « Bourse » à la « Bravoure » (et non pas la bravitude !), des « Cotisations sociales » au « Courage », ou encore du « Dividende universel » au « Don ». La présence de telles rubriquess’explique en réalité par la démarche « anti-crise » de Jacques Bichot.
À l’approche des échéances électorales, on voit se multiplier les interrogations classiques : Où allons-nous ? Que faudrait-il faire ? Certes !Mais pour notre économiste réaliste, empreint de sagesse biblique et chrétienne – les nombreuses références de son livre aux textes évangéliques en font foi – la véritable question à résoudre doit être : « Quelles sont les qualités dont nos dirigeants devraient être pourvus pour nous sortir du pétrin ? » Le constat, assez terrible, est que beaucoup d’entre eux développent surtout les compétences qu’ils estiment utiles pour être élus ou réélus ou pour gravir les échelons de la haute administration, mais se soucient peu de celles qui serviraient à la bonne marche du pays. Car, pour notre malheur, le système actuel nécessite que les candidats soient des experts de la bataille électorale (et recueillent les signatures nécessaires !), mais ne prévoit pas la validation des compétences requises pour les postes brigués. Or, « visiblement, les Français ne s’en préoccupent pas assez, car l’insuffisance de leur compétence est la grande faiblesse de nos dirigeants », regrette Jacques Bichot.
Où sont les hommes politiques courageux ? Où sont les réformateurs crédibles ? Où sont les économistes innovants ? Où sont les financiers de confiance ? Jacques Bichot est d’avis que la classe dirigeante, à de rares exceptions près, n’a pas conscience des changements nécessaires ou les minore. L’analyse économique est utilisée dans cet abécédaire au service d’une recherche des idées réformatrices que nos élus - et tous ceux qui exercent des responsabilités - doivent prendre en considération s’ils ont un réel souci du bien commun.
Concernant le travail, la productivité, la bureaucratie administrative, la protection sociale, la remise en question de l’euro (oui, elle est envisageable ! voir page 257) et bien d’autres aspects prégnants de notre situation actuelle, ce manuel de l’anti-crise, pourfendeur de la technique du « saucissonnage » dans le traitement des problèmes, milite pour une stratégie globale et une ingénierie de la réforme, d’une réforme profondément structurelle, « sans chercher à mettre à tout prix une solidarité artificielle là où il faut de la discipline et de la responsabilité ».
Au cours des mois qui viennent, Les enjeux 2012 de A à Z doivent devenir l’un de nos manuels de prédilection pour acquérir l’intelligence nécessaire des choix à faire.
Laurent Touchagues