Pour Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, il manque aux politiques une vraie anthropologie de l'Homme. L’homme n’est pas un prédateur de la nature et la terre nourricière peut largement nourrir une humanité encore beaucoup plus nombreuse qu’aujourd’hui. L’homme peut en revanche en être un bon ou un mauvais intendant. C’est donc lui et son comportement qui doivent être au centre de la question écologique.
« L’importance de l’écologie est désormais indiscutée. Nous devons écouter le langage de la nature et y répondre avec cohérence. Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est – me semble-t-il – largement négligé : il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas de lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte aussi lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine » (Benoît XVI au Parlement de Berlin – 22 septembre 2011).
Le choix d’un chef de l’Etat
Le président de la République, se fait sur savision de la société et non pas sur un catalogue de promesses qui ne seront pas tenues.Aujourd’hui, les électeurs découvrent qu’ils ont été trahis, non pas depuis un ou deux mandats, mais depuis plus de trente ans, par des chefs d’Etat sans vision. En témoignent,par exemple, les premiers déficits qui remontent à une époque où ils auraient pu être résorbés.Aujourd’hui, dans les domaines de l’économie, de l’écologie, de la santé, les responsables politiques sont devenus suspects - a priori - de ne pas poursuivre l’intérêt général.Si le choix, en 2007, s’est fait sur une nouvelle capacité à agir, en 2012, il se fera sur l’aptitude des responsables politiques à apporter la preuve qu’ils recherchent le bien commun.
L’urgence du retour à des références morales
Toutes les crises récentes et actuelles rendent évidente l’urgence du retour des valeurs morales en politique. Car les crises que nous affrontons (économique, écologie, santé, etc.) sont d’abord et avant tout des crises morales avant d’être techniques.Parler d’un retour à des références morales n’est pas une atteinte à la laïcité. La distinction du spirituel et du temporel, pas plus que la séparation de l’Eglise et de l’Etat, n’autorise les responsables politiques à s’affranchir de la poursuite du bien commun et du respect de la norme morale élémentaire présente au cœur de chacun (ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas voler, etc.).
Déconstruire les dogmes libertaires de mai 68
La question de l’environnement est une question plus philosophique que technique. La rupture de l’homme avec son environnement a commencé avec l’ère moderne. Descartes voit l’homme « maître et possesseur de la nature ». Dès lors, la nature devient un simple matériau asservi à la techno-science. Rousseau demande que « l’homme s’arrache à la nature pour rentrer dans l’histoire ». L’héritage des Lumières, qui oppose la culture à la nature, achève de rompre « le lien fort entre l’homme et la Terre » (Benoît XVI).Tels sont les prémisses de la crise – ravivée en 1968 – qui enkyste la société occidentale. Du manque de respect de la nature, on arrive vite au manque de respect de l’homme.Il faut donc se débarrasser du positivisme qui nous fait tenir pour moral tout ce qui est légal. Si polluer a été légal, s’endetter a été légal, vendre des armes aux belligérants de camps opposés a été légal, nous sommes capables aujourd’hui de dénoncer ces comportements.
De même, transgresser n’est pas synonyme deprogresser. Le progressismen’est pasau service du progrès humain quand il conduit à s’affranchir du respect de la nature et de la vie. La fin ne justifie jamais les moyens.Penser que la question du sens de la vie, de la souffrance et de la mort est réductible aux réponses de la techno-science est une illusion. Vendre cette illusion à l’opinion,comme le scientisme et le marché le fontdepuis des années,est une malhonnêteté à laquelle l’Etat ne doit plus s’associer.
Crédibiliser et concrétiser la vision du politique
La construction d’une écologie humaine – opération de long terme – crédibilise et concrétise la vision du politique.L’homme n’est un prédateur de la nature que lorsqu’il se comporte de manière égoïste, inconséquente et irresponsable, donc immorale. C’est donc lui et la réforme de son comportement qui doivent être au cœur de la préoccupation écologique.L’écologie n’existe pas si elle est réservée à la protection de la planète, des espèces animales et végétales. L’écologie est vaine si elle exclut le respect de l’homme de ses premiers instants à son dernier souffle. Les atteintes portées à la vie des hommes dépassent largement celles infligées aux autres espèces.
On ne peut pas lutter contre la pollution de l’eau et ne pas s’indigner, par exemple, d’une pratique contraceptive généralisée qui y contribue largement en plaçant le corps des femmes sous dépendance chimique pendant 30 ans de vie sexuelle.On ne peut pas réclamer un moratoire sur les OGM et ne pas dénoncer les manipulations génétiques sur les embryons humains, la constitution de stocks d’embryons humains et la sélection des êtres humains comme on trie des graines.On ne peut pas s’inquiéter sérieusement du déséquilibre des sexes dans certains pays qui se chiffrent par des déficits de centaines de millions de naissances féminines sans voir que cette menace géostratégique trouve sa source dans l’idéologie de l’avortement.
Il manque une vision anthropologique globale, systémique et cohérente de l’écologie aux termes de laquelle la transgression à l’encontre de l’homme fragilise l’ensemble de la chaîne.L’homme n’est pas plus maître de la planète qu’il n’est maître de la vie de ses semblables. Développer des normes protégeant l’écosystème et, en même temps, développer des normes autorisant la destruction de l’homme par l’homme, décrédibilise le politique pour longtemps.
Jean-Marie Le Méné est Président de la Fondation Jérôme Lejeune.
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