Le ministre des Affaires sociales, François Fillon, a confirmé l'intention du gouvernement de suspendre " dans quelques semaines " certains articles du volet " anti-licenciements " de la loi dite de modernisation sociale, adoptée sous le gouvernement Jospin.
Cette réforme, a priori délicate alors que l'actualité sociale est marquée par une recrudescence des restructurations d'entreprises, ne devrait toutefois guère poser de difficultés tant les dispositions visées font l'unanimité contre elles : les organisations patronales réclament leur abrogation et la majorité des syndicats les jugent inadaptées.
Les dispositions en cause ont été élaborées sur fond de polémiques autour des " licenciements boursiers " suite aux plans sociaux très médiatisés de Michelin, puis Danone et Marks & Spencer. Elles avaient d'ailleurs fait l'objet d'un arbitrage en faveur du parti communiste au sein de la majorité plurielle.
Cette législation de circonstance a pour principal effet de rallonger les délais de procédure en cas de restructuration d'entreprises. Elle s'applique aujourd'hui dans un contexte de ralentissement économique qui contraint les entreprises à se restructurer pour éviter d'accumuler les pertes et de disparaître.
Or, si quelques grands groupes (comme par exemple Alcatel ou Mitsubishi) ont la capacité de faire face à des restructuration qui peuvent s'étaler sur plus d'un an, la plupart des entreprises confrontées à une chute de leur activité voient leurs chances de survie compromises par une procédure dont la durée est disproportionnée au regard de leur trésorerie.
Ce que François Fillon (à la suite du MEDEF et de l'AFEP – l'Association Française des Entreprises Privées) dénonce en critiquant une loi qui " ajoutant des délais aux délais, pousse les entreprises à déposer leur bilan plutôt que de s'adapter par un plan social intelligent ".
Il est vrai que cette loi " anti-licenciements " reflète jusqu'à la caricature la tentation constructiviste à laquelle la gauche succombe (trop) régulièrement. Présentée comme plus protectrice pour les salariés, elle se retourne en fait contre eux : non seulement lorsque le dépôt de bilan conduit à la suppression d'emplois qui auraient pu être sauvés par une restructuration, mais aussi parce que l'allongement des délais fait monter l'angoisse des salariés qui – durant souvent plusieurs mois – ne peuvent savoir lesquels d'entre eux sont concernés par les licenciements projetés ni quelles mesures d'accompagnement leur seront proposées.
Au surplus, le formalisme renforcé de la procédure, loin de permettre davantage de concertation, ne fait qu'exacerber les tensions sociales et multiplier les contentieux, conduisant un nombre croissant d'entreprises à contourner la loi. Toutes circonstances qui favorisent le doute, la suspicion et détruisent la confiance entre directions, salariés et syndicats ; confiance pourtant indispensable pour surmonter les situations de crise.
Fruit d'une idéologie imprégnée de lutte des classes, la loi de modernisation sociale incarne le slogan incantatoire et illusoire du " zéro licenciement ". La logique que le ministre des Affaires sociales semble vouloir lui opposer est celle du " zéro chômeur ", affirmant que " la vraie garantie pour le salarié, ce n'est pas une loi qui interdira le licenciement, car on n'interdira jamais aux entreprises de s'adapter à des conditions économiques difficiles. C'est la possibilité de retrouver un emploi ".
Reste à en trouver les applications concrètes. Le ministre avance celle de la formation continue. Mais le ressort principal de l'emploi demeure le dynamisme et le développement des entreprises.