La Semaine Sainte entraîne le peuple chrétien tout entier, à suite de Jésus, dans une lente montée vers Jérusalem pour y mourir avec lui , comme dit l'apôtre saint Thomas. Elle ne consiste pas uniquement à se remémorer pieusement les derniers jours de son Seigneur, mais à découvrir que ce qui a été vécu par lui se prolonge dans son corps qui est l'Église. De sorte que tous les disciples du Christ ne se contentent pas du seul souvenir et participent réellement au mystère de sa Passion, de sa mort et de sa résurrection.
La montée vers Pâques de cette année ne peut faire abstraction de la tourmente médiatique dans laquelle l'Église est plongée. On assiste en effet depuis plusieurs semaines à la formation d'une véritable tempête, dont les assauts répétés semblent croître en violence et en intensité. Il devient assez clair qu'au-delà des scandales reprochés en particulier à des membres du clergé, la cible visée est bien le pape lui-même, engagé dans un véritable chemin de croix. Après lui avoir longuement reproché son rigorisme moral, son intransigeance et son attitude profondément conservatrice, voilà qu'on l'accuse désormais, de manière tout à fait incohérente, de laxisme, de manque de fermeté et même de complicité avec les prêtres coupables d'actes pédophiles.
Face au scandale, la voie évangélique
Pourtant, ni l'attitude ni les discours de Benoît XVI n'encouragent les catholiques à riposter ou à contre-attaquer, encore moins à se justifier. On lira avec beaucoup de profit la Lettre
qu'il vient d'adresser aux catholiques d'Irlande, dont il a souhaité qu'elle soit lue avec beaucoup d'attention et dans son intégralité dans toutes les paroisses du pays.
Lettre bouleversante qui aborde sans détours cette douloureuse question des abus sexuels perpétrés sur de jeunes enfants par des prêtres ; lettre qui propose un chemin de guérison, de renouveau et de réparation face à ce problème qui n'est pas seulement propre à l'Irlande, ni même à l'Église. Le pape y dénonce de la manière la plus vigoureuse ces actes scandaleux et criminels , comme il l'avait fait déjà à plusieurs reprises lors de ses voyages apostoliques aux Etats-Unis et en Australie.
Cette lettre très personnelle du pape ( Je désire parler à chacun de vous individuellement avec des paroles qui me viennent du cœur ) nous indique la voie résolument évangélique d'aborder cette question dramatique. Il donne aussi le ton de notre participation à la Semaine Sainte.
Vérité et pardon
Il faut commencer par reconnaître devant Dieu et devant les autres les graves péchés commis contre des enfants et en demander pardon. Cette reconnaissance doit s'accompagner d'une douleur sincère pour les préjudices portés à ces victimes et à leurs familles : vérité donc sur ce qui s'est passé, efforts pour prendre toutes les mesures nécessaires afin que cela ne puisse plus se reproduire, soutien et assistance des victimes. Aux victimes, le pape exprime sa compassion, demande humblement pardon, à la fois conscient de la profondeur des blessures subies et confiant en la puissance de guérison contenue dans les blessures du Christ.
Le pape a ensuite des mots extrêmement sévères pour les prêtres qui ont trahi la confiance placée en eux par des enfants et leurs parents, violé la sainteté du sacrement de l'ordre, et infligé de graves blessures à l'Église tout entière. Ils auront à rendre compte de leurs actions devant Dieu et les tribunaux civils et sont exhortés à ne pas désespérer de la miséricorde de Dieu.
Une perspective de conversion
S'il revient à d'autres de dénoncer les attaques injustes contre l'Église, les calomnies et les amalgames insupportables, le pape, lui, nous place dans une attitude de repentance et de réparation. On ne peut s'empêcher de penser aux similitudes avec l'insistance douloureuse — et si controversée — de Jean-Paul II sur la nécessité pour l'Église de se placer dans cette perspective de conversion. Il est juste, disait-il en 1994, que l'Église prenne en charge, avec une conscience plus vive, le péché de ses enfants, dans le souvenir de toutes les circonstances dans lesquelles, au cours de son histoire, ils se sont éloignés de l'esprit du Christ et de son Évangile (Tertio Millennio adveniente, 33).
Tout au long du Grand Jubilé, il avait paru bien difficile à beaucoup d'entrer dans cette perspective de repentance, jugée excessive. Notre réaction face aux attaques actuelles est peut-être de dénoncer les mensonges et les manipulations grossières destinées à atteindre le Saint-Père. Elle est compréhensible, parfois nécessaire, mais ne doit pas nous détourner de l'humble attitude de celui qui est conscient que la considération des circonstances atténuantes ne dispense pas l'Église du devoir de regretter profondément les faiblesses de tant de ses fils qui ont défiguré son visage et l'ont empêchée de refléter pleinement l'image de son Seigneur crucifié, témoin insurpassable d'amour patient et d'humble douceur (TMA, 35).
Ce dimanche des Rameaux, Benoît XVI nous invitait à suivre Jésus, qui nous conduit vers le courage qui ne se laisse pas intimider par la rumeur des opinions dominantes. Ce courage nous fait suivre Jésus souffrant, portant nos péchés dans sa Passion et sa mort sur la Croix. Les solutions concrètes proposées par le Pape pourraient se résumer par ce cri : Pénitence ! Faites de cette année une année de prière et de pénitence ardente pour demander une effusion de la miséricorde divine sur le pays ! Offrez vos pénitences de tous les vendredis de cette année, jeûnez, lisez la Parole de Dieu, recourez au sacrement de réconciliation... Il est à noter que l'adoration eucharistique est aussi fortement encouragée dans sa dimension réparatrice.
Miséricorde
Alors que nous nous apprêtons à entrer dans la Neuvaine de prière à la Miséricorde divine, on peut se souvenir de la réponse de Jean-Paul II à qui on avait demandé : Très Saint Père, que demandez-vous à Dieu dans votre prière pour le monde ? La miséricorde , avait-il répondu ! Ce n'est sans doute pas un hasard si c'est au cardinal Ratzinger qu'il était revenu de présenter le troisième secret de Fatima. On y voit l'ange qui appelle le monde à la pénitence à trois reprises. On y voit également cet évêque en blanc qui gravit une colline, à moitié tremblant, d'un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine au sommet de laquelle est plantée la Croix.
Derrière le vacarme médiatique, il nous faut discerner ce grand combat dont il est question dans le Victimae paschali laudes : mors et vita duello... La mort et la Vie se sont affrontées dans un duel gigantesque : il n'est pas difficile en effet de voir le mystère du mal à l'œuvre. Le combat ne doit pas se mener uniquement dans les medias : il est spirituel. Il se gagnera en implorant la Miséricorde divine, ultime planche de salut pour l'humanité. L'issue du combat est déjà connue : Dux vitae mortuus regnat vivus... Le Maître de la vie est mort, il règne désormais vivant.
Oui, il faut, le cœur contrit et humilié, faire pénitence et demander pardon pour les graves atteintes à l'enfance innocente, meurtrie, bafouée... On pense bien sûr à ces crimes monstrueux que constituent les abus sexuels, on ne doit pas oublier cependant les enfants qui manquent à l'appel — plus de 200.000 chaque année en France — parce qu'ils ont été supprimés dans le ventre de leur mère par le crime abominable de l'avortement (Gaudium et Spes 51, Evangelium vitæ 58).
La Semaine Sainte nous mène sur ce chemin de conversion, de purification, de réconciliation et de réparation. Une grande prière réparatrice doit s'élever vers le ciel pour les péchés de pédophilie et d'avortement, afin que l'Église puisse faire l'expérience d'une saison de renaissance et de renouveau spirituel, connaître un printemps sacerdotal et obtenir un sens toujours plus profond de la mission.
*Le père Louis-Marie Guitton est curé de Draguignan, vicaire épiscopal du diocèse de Fréjus-Toulon.
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