Reprise : le cercle des impossibilités

À la veille du grand rendez-vous budgétaire, Valls s'agite, Hollande espère toujours la reprise. L'un et l'autre ont cru trouver le docteur miracle en la personne d'Emmanuel Macron, jeune, énarque et banquier — et naturellement socialiste : le profil type de ceux qui ne sont pour rien dans les problèmes actuels et qui ont donc tout pour les résoudre ! 

ET POURTANT, la reprise ne viendra pas. Car, comme le prisonnier qui tourne en rond dans sa cellule, le gouvernement actuel est enfermé. De quelque direction qu'il veuille aller, il se heurtera à un mur.

Ces directions sont, de manière classique, au nombre de deux, chacune avec des variantes.

L’impasse des politiques de la demande

La première, récusée par tout ce qui navigue dans le "cercle de raison" cher à M. Minc, est la politique de la demande. Celle que l'on qualifie horresco referens, simplifiant d'ailleurs la pensée de l'économiste anglais, de "keynésienne".

Deux modalités possibles : la première est la relance par la demande privée : augmentation des salaires, redistribution du pouvoir d’achat. C'est sans doute celle qu'envisageaient Montebourg et ses amis. Mais, nous le savons, elle se heurte, dans le contexte actuel, à un double obstacle. La compétitivité de nos entreprises, déjà mise à mal, ne pourrait que s'en trouver encore dégradée et, par ailleurs, si la population a un peu plus d'argent pour remplir son caddy (Dieu sait si elle le souhaite !), il y a de moins en moins de chances, mondialisation oblige, qu'elle achète français.

L'autre modalité : l'accroissement des dépenses publiques d'investissement. Elle ne ferait qu'accroître les déficits et, à terme l'endettement, déjà bien au-dessus des engagements européens que nous avons pris.

Les voies héroïques de la politique de l’offre

En fait, les porte-parole des partis dits de gouvernement, à gauche comme à droite, ne pensent plus aujourd'hui qu'en termes de politique de l'offre, ce qui veut dire en clair l'allègement des charges des entreprises (et des impôts sur toutes les formes de richesse) pour leur permettre de créer des emplois.

Mais là aussi, qui ne voit que porte est fermée ?

Ne discutons pas l'hypothèse libérale selon laquelle, il n'y aurait pas d'autre moyen de relancer l'économie. Mais comment alléger aujourd'hui ces charges sans hypothéquer d'une autre manière la relance ?

Car ces allégements (il en faudrait au moins 50 milliards), il faut bien les financer. De quelle manière ?

La plus facile : en accroissant le déficit budgétaire (nous revenons un peu à l'hypothèse keynésienne). Impossible pour toutes les raisons que nous savons.

Autre manière : en transférant les charges des entreprises sur les particuliers : ce qu'ont fait d'ailleurs les derniers gouvernements, y compris ceux de droite, mais François Hollande plus que quiconque. Les particuliers ? Tout le monde sait qu'il s'agit d'abord des classes moyennes, les très fortunés s'étant mis hors d'atteinte depuis longtemps, les pauvres ou très pauvres (les “sans dents” !) étant déjà en limite de survie. Impensable donc aussi.

Reste la plus difficile des manières : une diminution importante des dépenses publiques. Importante car il faut déjà les diminuer pour réduire les déficits. Et donc aller plus loin encore si l'on veut en plus alléger les charges des entreprises !

Il y faut naturellement de l'héroïsme : on en mesure le degré à l'échec des derniers gouvernements, pas seulement ceux de gauche, à réaliser cette diminution. De cet héroïsme, tout le monde rêve : la gauche un peu et la droite un peu plus. Une droite qui ne promet, au fond, rien d'autre qu’une politique de l'offre un peu plus énergique.

La croissance nécessaire

Nous pensons qu'une réduction des dépenses publiques françaises (qui atteignent aujourd'hui le niveau astronomique de 57 % du PIB) est sans aucun doute nécessaire. Mais cette opération, difficile en soi, n'est véritablement possible qu'en période de croissance, pour peu que l'augmentation des ressources fiscales qui en résulte ne soit pas tenue pour une "cagnotte", comme l'a toujours fait la gauche, mais pour l’occasion d'un allègement.

En période de stagnation, l'opération est, disons-le, désespérée. Non seulement en raison du poids des corporatismes ou du supposé "modèle social français", dénoncés à tout va, mais aussi parce que chacun ressent que, dans un tel contexte, elle ne pourrait que plonger le pays dans une spirale de récession : réduction de la demande — au moins de celle qui s'adresse au marché français, ce qui est le cas, pour l'essentiel, de la commande publique, réduction de l'activité, réduction du rendement des impôts, maintien ou aggravation des déficits, etc.

L’insuffisante simplification

Une spirale sans fin ? Certains experts prétendent que non, se fondant sur l'exemple des pays méditerranéens (Espagne, Portugal, Grèce), qui auraient retrouvé un certain équilibre au prix de la baisse de 20 ou 30 % de PIB et d'un appauvrissement massif de la population. Mais c'est douteux : les politiques de déflation — c'est bien de cela qu'il s'agit — n'ont, depuis Pierre Laval, jamais réussi et de toutes les façons, le prix en est disproportionné. Les Français l'ont compris ; c'est pourquoi il est vain d'espérer qu'on impose jamais un tel régime à la France.

La politique de l'offre a certes d'autres aspects : une réglementation plus simple et plus intelligente par exemple. Cela, pour le coup, est possible mais comment l'attendre d'une équipe socialiste qui a déjà réussi l'exploit, avec la loi Duflot, de compliquer tellement les règles qu'un secteur clef, celui de l'immobilier, s'en trouve sinistré ? De toutes les façons, face aux contraintes de la macro-économie, quoique nécessaire, la simplification ne suffira pas.

Il n'y a donc aucun miracle à attendre. Dans le logiciel actuel, il ne saurait y avoir de reprise, au moins si l'on s’en tient à la variable budgétaire.

Taxer les importations

Pas d’espoir donc ? De fait, il n'en reste que deux : la dévaluation bien sûr (accompagnée de mesures vigoureuses, comme on le faisait autrefois), qui suppose l'éclatement de l'euro, mais qui nous éloigne du "cercle de raison" ou bien, si l'on veut absolument garder l'euro — ou lui donner un sursis —, la TVA dite sociale.

Rappelons-en le principe : en finançant une partie des dépenses sociales (qui représentent aujourd'hui plus de 25 % du PIB), non par des charges sur les salaires mais par la TVA, on détaxe les exportations et on taxe les importations, ce qui aboutit très exactement au même effet qu'une dévaluation. Mais plus le temps passe, plus il faudrait que le transfert soit important : à hauteur au moins de 15 % du revenu national !

Et certaines conditions doivent être réunies, la première étant que nos dirigeants en comprennent le mécanisme ! Depuis vingt ans, l'idée se trouve en effet plombée par ceux qui, ne l'ayant pas bien compris, l'assimilent à un simple moyen de déplacer les charges patronales vers les salariés, ou pire encore, d'une astuce pour financer le déficit de la Sécurité sociale.

L'idée n'est acceptable par le corps social que si le mécanisme adopté n'altère pas le pouvoir d'achat des salariés et surtout si on sait bien expliquer en quoi elle favorisera l'emploi. Hors de cela, point de salut, au moins dans le logiciel actuel.

R. H.

 

 

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