Rapport Lunacek : une fausse conception de l’égalité et de la subsidiarité

Alors que la France avait les yeux tournés vers le report du projet de loi famille, les députés européens adoptaient le 4 février un rapport polémique dit « Feuille de route de l'UE contre l'homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ».

POURQUOI cette polémique ? L’auteur de ce rapport d’initiative est l’autrichienne Ulrike Lunacek, vice-présidente de l’Intergroupe LGBT du Parlement européen. Son rapport n’est ni plus ni moins qu’un texte de revendications préparé par l’Inter LGBT-Europe pour la commission Liberté et Droits des citoyens.

Le titre lui-même reprend une étude du Parlement européen, présenté par le département Droits de l’homme et Affaires constitutionnelles, intitulé « Vers une feuille de route de l’UE pour l’égalité fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ». De nombreux passages de cette étude sont issus des revendications d’ILGA-Europe (LGBT-Europe).

Favoriser les revendications du lobby gay

Le rapport d'Ulrike Lunacek « invite les États membres à réfléchir aux moyens d'adapter leur droit de la famille aux changements que connaissent actuellement les structures et les modèles familiaux » et à « inclure la possibilité que les enfants aient plus de deux parents (tuteurs légaux). Objectif : « [Ouvrir] la voie à une meilleure reconnaissance des familles arc-en-ciel ».

Le texte demande aux États membres de « garantir l'accès des femmes célibataires ou lesbiennes aux traitements de procréation médicalement assistée » et de « favoriser un enseignement objectif des questions concernant l'orientation sexuelle, l'identité de genre et l'expression du genre ».

Une pétition contre le rapport  a été signée par 215.000 personnes. Les signataires craignent que le texte fasse effectivement « l'objet d'une utilisation orientant les États membres vers la légalisation du mariage, de l'adoption, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui (mères porteuses) pour les couples de même sexe ».

11 États sur 28

Bien que le rapport Lunacek soit un rapport d’opinion, il a le mérite d’indiquer la position de la majorité des députés européens à quelques semaines de leur réélection. Mais il marque la première étape avant l’adoption d’un texte contraignant. Il a été soutenu par les principaux groupes du Parlement européen : Parti populaire européen (PPE), Socialistes et Démocrates (S&D), Alliance des Libéraux et Démocrates pour l'Europe (ALDE), Verts et Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique (GUE/NGL).

Ce rapport « condamne fermement toute discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre ». Certes, l’Union européenne se doit de lutter contre toutes les discriminations (art. 10 du Traité de l’Union), et rien ne peut justifier une quelconque discrimination à l’égard de quiconque. Mais le rapport Lunacek va au-delà. Son rapporteur prétend que les États membres sont d’accord pour adopter une stratégie contre l’homophobie et la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Or aucune majorité des États membres n’a jamais exprimé cet accord. Seulement 11 États sur 28 se sont exprimés en faveur d’une telle feuille de route, ce qui est loin de faire une majorité.

La Commission européenne a d’ailleurs répondu que des actions étaient déjà mises en œuvre pour garantir l’égalité quelles que soient l’orientation sexuelle et l’identité de genre (selon l’exposé des motifs du rapport Lunacek).

Réduire les personnes à leur sexualité

Au motif de lutter contre les discriminations, ce rapport a pour but de faire avancer la cause des LGBT non pas en tant qu’homme ou femme, mais selon « l’orientation sexuelle ou l’identité de genre », c'est-à-dire en tant qu’« individu LGBT ».

Identifier une personne par une initiale a quelque chose de terriblement choquant. Réduire des personnes à leur sexualité ou à leur orientation sexuelle est terriblement stigmatisant. Enfin, définir des droits fondamentaux sans prendre en compte la personne dans son intégralité est contraire à notre conception des droits de l’homme, car elle conduit à organiser la société par catégories ou communautarismes.

Le lobby LGBT prétend lutter contre les inégalités en changeant de paradigme : en remplaçant la distinction homme/femme par hétérosexuel/homosexuel. Or la distinction homme/femme permet de considérer la personne dans son unité et son intégralité, au-delà des choix et des manières de vivre. Si bien que la véritable égalité ne se trouvera jamais dans un nouveau catalogue de droits dits-fondamentaux, mais dans un changement de regard sur ces personnes et dans le respect de ce qu’ils vivent.

Car l’homophobie n’est pas le refus des revendications du lobby LGBT, mais « tout acte ou toute parole de violence à l’égard d’une personne, en raison de son homosexualité ».

Le principe de subsidiarité méprisé

En outre, ces « nouveaux droits » concernent des domaines qui relèvent de la compétence des États membres (droit de la famille, éducation, santé, citoyenneté, asile, travail….).

Tout ceci montre que le lobby LGBT (ILGA-Europe) considère le Parlement européen comme un lieu stratégique pour faire avancer ses causes et obtenir des modifications du droit européen et des droits nationaux, au mépris du principe de subsidiarité.

 

Elizabeth Montfort est ancien député européen.

 

Résultat des votes français sur le rapport Lunacek

Le groupe EFD, où siège Philippe de Villiers, avait déposé une résolution alternative qui vidait le texte de sa substance. Elle a été rejetée.

Le PPE avait proposé une autre résolution qui, tout en reprenant l’essentiel du texte, a ajouté le respect de la liberté d’expression. Les députés français du PPE (UMP et UDI) ont finalement voté contre cette résolution, après l’avoir soutenue en commission (M. Cavada et Mme Striffler ont voté pour, M. Danjean s’est abstenu. Mmes Le Brun et de Veyrac et M. Ponga étaient absents).

Les députés NI (FN) ont voté contre (M. Le Pen était absent).
Les députés libéraux ALDE (Modem) ont voté pour.
Les députés européens socialistes, verts et communistes ont soutenu le rapport Lunacek.

La Feuille de route de l'UE contre l'homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre  (Rapport Lunacek)

 

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