Source [Conflits] : Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a annoncé vouloir reconnaitre la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh. Une annonce qui a surpris tant elle modifie la situation locale. Entre soutien de l’Arménie au Karabagh, positionnement russe et turc, diplomatie européenne et jeu azéri, comment comprendre cette décision ? Entretien décryptage avec Tigrane Yegavian, membre du comité de rédaction de Conflits, professeur de relations internationales à l’Université Schiller, dernier ouvrage paru Géopolitique de l’Arménie (Bibliomonde, 2023).
Que signifie cette décision de Nikol Pachinian de reconnaître la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Karabagh ? Est-ce une défaite pour l’Arménie ? Une opération stratégique en vue d’une réflexion géopolitique plus importante ?
Il est compliqué d’avoir une réponse claire et définitive sur la portée politique d’une telle déclaration, car nous ne savons pas la nature des documents que l’Arménie a signés. Mais nous savons que cette déclaration s’inscrit dans la poursuite de la guerre d’usure et hybride que mène l’Azerbaïdjan à l’Arménie depuis le dernier conflit de haute intensité de 2020, où l’Azerbaïdjan avait récupéré 75 % des territoires entourant l’enclave de l’Artsakh1 , le Haut-Karabagh et même 1/3 de cette enclave. Le désir de l’Azerbaïdjan était de transposer cette victoire militaire en victoire politique, en obtenant d’Erevan l’abandon total de toute velléité de souveraineté arménienne, d’indépendance de l’enclave, donc reconnaître la souveraineté azerbaïdjanaise.
Nous savons qu’il y a deux acteurs intéressés par cet accord, ce règlement : les États-Unis et l’Union européenne. Ceux-ci accueillent les négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à Washington et à Bruxelles. Ils sont surtout animés par l’intérêt suivant : il faut à tout prix neutraliser la Russie et l’affaiblir dans le Caucase. Il faut donc encourager le départ des troupes russes d’interposition qui sont stationnées dans le Caucase depuis la fin de la guerre de 2020.
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