Source [Le Figaro] Les politiques nationales de soutien à la recherche, mises en place depuis vingt ans, expliquent en grande partie l’échec de l’Institut dans la course aux vaccins contre le Covid-19.
En janvier, l’Institut Pasteur annonçait le retrait de son candidat vaccin contre le Covid-19. La nouvelle fut une vraie surprise et un coup dur pour l’image de l’Institut. Mais elle révèle surtout des difficultés plus profondes.
La faute à de mauvais choix scientifiques? Des start-up comme Moderna ou BioNTech (qui s’est associé avec Pfizer) ont parié sur une nouvelle technologie, le vaccin à ARN messager, ce qui leur a permis un gain de temps fantastique dans le développement de leurs produits. Mais Pasteur (tout comme Sanofi) a misé sur une technologie plus ancienne. Et l’une des principales raisons en est purement économique.
Les marges de manœuvre pour les scientifiques sont en effet très étroites à cause des brevets. «Si un chercheur qui travaille sur l’ARN veut valoriser ses recherches, il devra trouver une niche, car ce domaine de recherches est déjà très encadré par de nombreuses protections intellectuelles, explique Bernard Verrier, spécialiste de l’ARN messager à l’université Claude-Bernard de Lyon. Cela peut expliquer pourquoi certains centres de recherche comme l’Institut Pasteur ou des sociétés de biotechnologie ne sont pas encore des acteurs majeurs des vaccins à ARN, faute d’avoir des brevets accordés.» On notera que Sanofi s’est associé avec la société américaine Translate Bio pour entrer dans le domaine de la vaccination à ARN. Pour qu’un scientifique travaille sur l’ARN sans avoir à payer un brevet, il doit innover. «Cela limite les marges de manœuvre et va demander beaucoup de créativité aux chercheurs pour créer de la nouvelle propriété intellectuelle, continue Bernard Verrier. Les prochains défis concernent par exemple tout ce qui pourra diminuer la dose d’ARN à injecter, et de bien cibler l’action de cet ARN messager.»
Sans brevet sur l’ARN messager, Pasteur est pourtant parti assez confiant dans la lutte contre le Covid en pariant sur un vaccin à vecteur viral. D’autres laboratoires ont d’ailleurs fait des choix similaires et connaîtront une issue bien plus favorable. «Le choix d’un vecteur à partir du virus de la rougeole était un risque logique», commente Christian Bréchot, directeur de l’Institut Pasteur de 2013 à 2017. Cette filière technologique, lancée il y a une dizaine d’années, repose sur une plateforme qui avant le Covid-19 n’a été utilisée que pour deux vaccins contre Ebola. Le principe est assez simple : il s’agit d’utiliser un virus vecteur pour pénétrer dans les cellules et lancer la production des protéines que l’organisme doit apprendre à combattre. C’est sensiblement la même stratégie qui a été développée avec succès par AstraZeneca ou Janssen/Johnson & Johnson. Si ce n’est que contrairement à ces laboratoires, Pasteur a choisi comme vecteur non pas un adénovirus, mais le virus de la rougeole.
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