Après quelques temps d'agitation médiatique, et l’élection sans surprise de Nicolas Sarkozy à la tête du principal parti de l’opposition, on peut commencer à tirer les leçons de l'étonnante affaire Fillon-Jouyet.
Qu'un simple déjeuner entre deux personnalités, comme il y en a des centaines chaque jour à Paris, se transforme en affaire politique de première magnitude témoigne d'abord d'une singulière nervosité de notre classe politique, à droite et aussi à gauche.
Qu'au même moment le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker soit mis en cause personnellement, comme ancien ministre des Finances du Luxembourg, dans une évasion fiscale de 300 milliards d'euro au bénéfice de multinationales attirées à dessein dans ce petit pays, semble en comparaison, tout juste une anecdote !
Considérant à tort ou à raison qu'il a été victime d'un complot, François Fillon a porté plainte. Mais il n'est pas sûr qu'il obtienne gain de cause car ce qu'a dit Jean-Pierre Jouyet à son sujet ne relève ni de l'injure, ni à proprement parler de la diffamation : avoir évoqué à table les problèmes judiciaires de Sarkozy avec son interlocuteur, à supposer qu'il l'ait vraiment fait, n'est pas un délit.
Le plus choquant est sans doute que des personnalités politiques ne puissent, dans notre singulière République, se voir à déjeuner et parler de choses et d'autres, sans que la confidentialité de ce qu'ils se seront dit soit protégé, comme l'est par exemple, sauf débordements inhabituels, leur vie privée.
Le mépris de l’engagement
Il est vrai que rien ne se serait su si Jean-Pierre Jouyet n'avait pas parlé. Sa position est loin d'être claire : il a dit une chose aux journalistes du Monde qui enquêtaient, il s'est ensuite rétracté pour le redire après. "Démenti, rementi", disait Paul Raynaud. Mais c'est le personnage qui, intrinsèquement, n'est pas clair : passer de ministre de Sarkozy à secrétaire général de la Présidence sous Hollande est pour le moins inhabituel.
Comme beaucoup d'inspecteurs des finances de la gauche rocardienne, qui se retrouvent aujourd'hui au club dit des Gracques (singulière dénomination pour des partisans acharnés de la mondialisation et de l'Europe dont les premières victimes sont les plébéiens d'aujourd'hui !), il considère que gauche et droite s'équivalent, que les vrais décideurs, parmi lesquels sans nul doute il se place sont au-dessus de ces clivages vulgaires.
Ce ne sont là que des contingences politiciennes, liées à un exercice auquel, comme beaucoup de ses pairs, il dédaigne de se prêter : l'exercice électoral, lié à une démocratie à laquelle il ne croit certainement plus beaucoup. Le passage de ces gens là de la droite à la gauche ou l'inverse n'est pas seulement de l'opportunisme ordinaire, c'est une forme de mépris de ce qui se trouve, pour les gens ordinaires, au fondement de la démocratie : l'engagement partisan.
Il a démontré en tous cas dans cette affaire qu'il n'était pas un ami sûr.
Une histoire de cornecul
Il est invraisemblable que l'affaire soit partie de Fillon : on sait aujourd'hui que ce n'est pas lui qui a pris l'initiative de ce déjeuner. Et il sait bien que toutes les attaques contre Sarkozy profitent à ce dernier auprès du seul électorat qui compte pour le moment, celui des membres de l'UMP chargés d'élire le président du mouvement. Rien ne favorise plus l'ancien président que d'apparaître comme la victime du gouvernement socialiste. Au point que certains se demandent si la volée d'attaques judicaires qui eurent lieu à la fin de l'été à son encontre n'avait pas été orchestrée pour favoriser sa victoire à l'élection à la présidence de l'UMP.
Est-ce alors pour déstabiliser Fillon qu'aurait été alors montée toute l'affaire ? Ou qu'elle aurait été récupérée en route ? Si on ne trouve rien d'autre pour le démolir que cela, il faut l'élire président tout de suite. Il en est beaucoup à droite comme à gauche qui traînent des casseroles plus bruyantes !
Reste la possibilité qu'on aurait tout simplement voulu, depuis l'Élysée, diviser encore plus l'UMP : mais avait-on vraiment besoin pour cela de cette histoire de cornecul ?
Ce qui devrait en définitive rester de cette affaire : une tempête dans un verre d'eau suscitée par la balourdise de Jean-Pierre Jouyet dont il ne nous appartient pas de dire s'il a ou non le profil de l'emploi qu'il occupe.
R. H.
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