bébé

Nous poursuivons la publication des bonnes feuilles de l’essai de notre ami Jacques Bichot Les enjeux 2012 de A à ZAbécédaire de l'anti-crise, J. Bichot, coédition AFSP/l’Harmattan dont la sortie est prévue le 11 février, pour le colloque que nous organisons à Paris avec l’Association des Économistes catholiques, sur le thème « crise politique, crise économique, crise morale »

Bébé

Ils représentent la vie, l’avenir. Leur mise au monde et leur éducation constituent un investissement, car nous en tirerons parti : sans bébés aujourd’hui, pas de retraites demain, comme l’avait bien compris Alfred Sauvy. Nous ne mettons pas des bébés au monde pour avoir une retraite, mais sans eux nous n’en aurions pas : c’est aussi simple que cela. Et il faudrait que la politique familiale, composée de tout ce qui est de la responsabilité des pouvoirs publics concernant l’accueil des bébés et ce qui s’ensuit (enfance, adolescence, jeunesse) en tienne suffisamment compte : les parents ne sont pas des assistés, ce sont des personnes qui investissent au service de toute la communauté, et qui ont le droit d’exiger que tout le monde participe au financement de cet investissement si tout le monde entend bénéficier d’une retraite.

Bienveillance

Ce mot qui signifie « vouloir du bien » devrait dans certains cas remplacer le mot « amour ». En effet, aimer n’est pas seulement vouloir du bien, c’est aussi être attiré, avoir – comme on dit – des atômes crochus. L’amour ne peut donc pas être purement volontaire ; le christianisme l’a fort bien compris, en indiquant que la grâce divine est nécessaire pour aimer pleinement.

On ne peut pas se forcer à aimer ; en revanche, un effort de volonté suffit pour vouloir du bien. La bienveillance est donc le pas vers l’autre que nous pouvons faire par nos propres forces, un petit pas que Dieu transforme s’il le veut en ce grand pas qu’est l’amour.

Front national

Cette formation politique, dont le Président a recueilli entre 10 % et 17 % des voix aux quatre dernières élections présidentielles, fait l’objet d’un fort ostracisme de la part de ceux qui se disent « républicains ». Elle sert régulièrement de bouc émissaire, dont il est possible de dire du mal sans chercher à s’informer et en toute bonne conscience. Si d’aventure, sur un sujet particulier, quelqu’un a des positions assez voisines de celles du Front national, il doit au minimum, pour rester « politiquement correct », expliquer que cela ne signifie en aucune manière qu’il soit sympathisant de cette organisation, et en dénoncer le caractère fascisant.

Un tel comportement ne me paraît pas conforme à l’idéal démocratique. Un proverbe juif dit depuis longtemps que l’unanimité a quelque chose de suspect, et les analyses du mécanisme sacrificiel par René Girard ont fort bien expliqué ce qui justifie ce dicton : la réconciliation d’hommes qui sont tentés par la guerre de tous contre tous se fait souvent par la désignation d’un souffre-douleur, un bouc que l’on peut expulser ou mettre à mort, réellement ou symboliquement, en le chargeant de tous les péchés d’Israël. La thèse de ce philosophe me paraît fondée, selon laquelle Jésus est venu proposer, avec la fraternité des enfants de Dieu, un message qui permet aux hommes de faire société sans lyncher l’un des leurs. Personnellement, ce message me touche, et je ne jetterai pas la pierre au Front national.

Il me paraît très regrettable que des manœuvres visent à étouffer la voix d’un parti politique : la liberté d’expression est une valeur fondamentale de la République. On prête obligeamment à Voltaire cette phrase : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. » Cet état d’esprit me paraît être celui qui convient à une démocratie. Et, comme François Terré dans Le Figaro du 21 décembre 2011, je déplore que la loi elle-même se soit mise à faire la police de la pensée, avec l’article 9 de la loi Gayssot du 13 juillet 1990 qui fait un délit de la contestation des crimes contre l’humanité condamnés par le tribunal de Nuremberg, et que nos députés cherchent à faire de même avec une loi relative au génocide arménien de 1915. On sait trop bien à quoi conduit la formule « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

 

NB : Cette rubrique de mon ouvrage Les enjeux 2012 de A à Z a été écrite il y a quelques mois. Elle conforte le commentaire par Thierry Boutet du livre d’Etienne Pinte qui stigmatise le Front national. Au lendemain de l’annonce par Marine Le Pen d’un retour à la retraite à 60 ans avec 40 annuités validées – projet éminemment irréaliste aux yeux d’un spécialiste des retraites – il est important de réaffirmer que les désaccords que l’on peut avoir avec des personnes ou des organisations ne doivent pas conduire à les traiter avec mépris. Elle prend aussi un sens au lendemain de l’adoption par le Sénat, après l’Assemblée, d’un texte (du type « police de la pensée ») relatif à la négation du génocide arménien. Va-t-on aussi menacer de prison ceux qui, à l’instar d’un Thierry Meyssan (un homme qui, à l’aide du Réseau Voltaire, m’a beaucoup dénigré), essayent d’accréditer la thèse selon laquelle l’attentat du 11 septembre 2001 aurait été fomenté par les services secrets américains ?