Source [Marianne] : La chercheuse Florence Bergeaud-Blackler vient de faire paraître « Le frérisme et ses réseaux, l’enquête » (Odile Jacob), une somme de référence sur les Frères musulmans et leur implantation en Europe. Elle définit précisément ce mouvement, ses méthodes et le situe dans l'islamisme en général.
Marianne : Le grand public a en général affaire à la notion d’ « islamisme », déjà relativement floue, plutôt utilisée pour accuser autrui que pour s’auto-définir. Pour la notion de « frérisme », on a l’impression que la chose est similaire… Comme si le frérisme était insaisissable, voire comme si le fait d’être frériste était secret. Pourquoi n’entend-on jamais une personnalité affirmer qu'elle est proche des Frères musulmans ? Et, donc, qu’est-ce que le « frérisme » ? Où le situer dans la mouvance islamiste ?
Florence Bergeaud-Blackler : Le terme d’islamisme, exagérément et systématiquement utilisé, peut certainement devenir un anathème destiné à discréditer quelqu’un ou quelque chose. Mais à vrai dire, ce terme est le plus souvent employé à dessein par des experts pour décrire des mouvances qui revendiquent leur activisme politique au nom de l’islam. Nous avons aujourd’hui, dans toutes les langues, des milliers d’ouvrages, de dictionnaires, d’atlas traitant de mouvances islamistes actives sur presque tous les continents, et en particulier dans les pays musulmans.
Dans ce livre, je me suis intéressée à cette espèce particulière d’islamisme qui s’est déployée à partir des pays non musulmans dès les années 1960 et qui cherche, non pas uniquement à conquérir le pouvoir par le politique, mais aussi et surtout par l’économie et la culture. Ce produit de la mondialisation, je l’ai appelé frérisme (qui vient de Ikhwan, terme qui signifie « frère » en arabe) par commodité pour le distinguer des autres mouvements islamistes qui, eux, sont ancrés dans des territoires et sont dans des logiques de confrontation et de compétition avec un État.
Le frérisme est une forme liquide d’islamisme transnational missionnaire spécialement adaptée aux démocraties occidentales et aux cultures sans traditions musulmanes. Ses méthodes, inspirées de celle de la confrérie des Frères musulmans née en Égypte en 1928, ont été nourries de diverses influences, notamment de l’islamisme indo-pakistanais, mais aussi des méthodes de prédications chrétiennes, et se sont adaptées à la réalité locale, multiculturelle, séculière, pacifique, autocritique, pluriculturelle des démocraties. Je me suis appuyée sur les textes des fondateurs comme ceux de l’Égyptien Youssef al Qaradawî et l’Indo-pakistanais Abul A’la Mauwdoudi pour comprendre leurs méthodes de prédication, de recrutement, leur vision, l’identité transnationale qu’ils veulent imposer et leurs plans. Dans cet ouvrage, je me suis abstenue de le comparer à d’autres mouvements religieux afin de me concentrer sur la logique systémique interne propre à ce grand « mouvement islamique », comme l’appelle sobrement Qaradawî.
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