"Quand tu seras vieux…" Étonnante lectio divina de Benoît XVI, improvisée devant les séminaristes de Rome le 8 février, quand on sait désormais le projet de renonciation à son ministère, annoncé ce 11 février en la fête de Notre-Dame de Lourdes. « Si, ici ou là, l'Église meurt à cause des péchés des hommes, en même temps elle naît de nouveau et porte en elle l'éternité. L'avenir est à nous. » Extraits de cette méditation rapportée par le vaticaniste Sandro Magister.
[ROME, le 10 février 2013] – Comme d’autres années à l’occasion de la fête de Notre-Dame de la Confiance, Benoît XVI s’est rendu au grand séminaire de Rome et il y a improvisé une "lectio divina" devant les candidats au sacerdoce. Lorsqu’il improvise, explique Sandro Magister, « il dévoile sa pensée de la manière la plus transparente et la plus sincère, comme le démontre bien la transcription littérale de ses propos, qui est habituellement diffusée un ou deux jours plus tard, revue et autorisée par l’auteur ».
Cette fois-ci, Benoît XVI avait choisi de commenter la première lettre de Pierre – dont il a dit que c’était « presque une première encyclique, dans laquelle le premier apôtre, vicaire du Christ, parle à l’Église de tous les temps » – et plus précisément les versets 3-5 du chapitre 1 : « Béni soit Dieu, le Père de Jésus-Christ notre Seigneur : dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître grâce à la résurrection de Jésus-Christ pour une vivante espérance, pour l'héritage qui ne connaîtra ni destruction, ni souillure, ni vieillissement. Cet héritage vous est réservé dans les cieux, à vous que la puissance de Dieu garde par la foi, en vue du salut qui est prêt à se manifester à la fin des temps. »
Mais le pape a commencé par parler de l’auteur de la lettre, du lieu d’où elle était envoyée et de ses destinataires.
L’auteur, c’est l'apôtre Pierre, non pas comme individu – a-t-il expliqué – mais bien plutôt comme quelqu’un qui parle ex persona Ecclesiæ et avec l’aide d’amis, pas seulement les siens mais également ceux de Paul :
""Ainsi les mondes de saint Pierre et de saint Paul vont ensemble : ce n’est pas une théologie exclusivement pétrinienne contre une théologie paulinienne, mais c’est une théologie de l’Église, de la foi de l’Église, dans laquelle il y a entre Paul et Pierre – certainement – une différence de tempérament, de pensée, de style dans la façon de s’exprimer. C’est une bonne chose qu’il y ait ces différences, y compris aujourd’hui, dans les charismes, dans les tempéraments, mais elles ne sont cependant pas en opposition et elles s’unissent dans la foi commune".
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« Quand tu seras vieux »
Le lieu d’où la lettre est envoyée, c’est Rome, désignée dans la lettre sous le nom de Babylone et qui est la capitale de l'empire, dans laquelle l’apôtre s’était rendu à la fin de sa vie et où il fut crucifié :
""Je pense que, en se rendant à Rome, saint Pierre […] s’était également souvenu des dernières phrases que Jésus lui avait adressées et qui sont rapportées par saint Jean : 'Quand tu seras vieux, tu iras là où tu ne voudrais pas aller. Tu étendras les mains et un autre te nouera ta ceinture' (cf. Jn. 21, 18). C’est une prophétie de la crucifixion. Les philologues nous montrent que cet 'étendre les mains' est une expression précise, technique, pour désigner la crucifixion. Saint Pierre savait que sa vie se terminerait par le martyre, par la croix. De la sorte, il aurait totalement suivi les traces du Christ. Par conséquent, en se rendant à Rome, il a certainement été également vers son martyre : le martyre l’attendait à Babylone. Donc, sa primauté a ce contenu de l’universalité, mais également un contenu martyrologique. Depuis le début, Rome est aussi le lieu du martyre. En se rendant à Rome, Pierre accepte de nouveau cette parole du Seigneur : il va vers la Croix et il nous invite à accepter, nous aussi, l’aspect martyrologique du christianisme, qui peut prendre des formes très diverses. La croix peut prendre des formes très diverses, mais personne ne peut être chrétien sans suivre le Crucifié, sans accepter aussi le moment martyrologique".
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Vivre comme une minorité
Les destinataires, ce sont "les élus qui sont des étrangers, dispersés" :
""Élus : c’était là le titre de gloire d’Israël : nous sommes les élus, Dieu a choisi ce petit peuple non pas parce que nous sommes grands — dit le Deutéronome – mais parce que Lui nous aime (cf. 7, 7-8). Nous sommes des élus : cette caractéristique, maintenant, saint Pierre la transfère à tous les baptisés et le contenu propre des premiers chapitres de sa première lettre est que les baptisés entrent dans les privilèges d’Israël, qu’ils sont le nouvel Israël. […] Peut-être, aujourd’hui, sommes-nous tentés de dire : nous ne voulons pas être joyeux d’être des élus, ce serait du triomphalisme. Ce qui serait du triomphalisme, ce serait si nous pensions : Dieu m’a choisi parce que je suis tellement grand. Ce serait vraiment du triomphalisme erroné. Mais être joyeux parce que Dieu m’a choisi, ce n’est pas du triomphalisme, c’est de la gratitude et je pense que nous devons réapprendre cette joie : […] être joyeux parce qu’il m’a choisi pour être catholique, pour être dans cette Église qui est la sienne, où subsistit Ecclesia unica. […]
"Mais le mot 'élus' est accompagné du mot parapidemois, dispersés, étrangers. En tant que chrétiens, nous sommes dispersés et nous sommes des étrangers : nous constatons qu’aujourd’hui, dans le monde, les chrétiens sont le groupe le plus persécuté parce qu’il n’est pas conforme, parce qu’il est un stimulant, parce qu’il s’oppose aux tendances à l’égoïsme, au matérialisme, à toutes ces choses. […] Sur les lieux de travail les chrétiens constituent une minorité, ils se trouvent en position d’étrangers ; il est étonnant qu’aujourd’hui quelqu’un puisse encore croire et vivre de cette façon. Cela fait aussi partie de notre vie : c’est la façon d’être avec le Christ crucifié ; le fait d’être des étrangers, en ne vivant pas comme tout le monde, mais en vivant – ou en essayant tout au moins de vivre – selon sa Parole, d’une manière très différente de ce que dit tout le monde. Et c’est vraiment là une caractéristique des chrétiens. Tout le monde dit : 'Mais tout le monde agit de cette façon, pourquoi pas moi ?' Non, pas moi, parce que je veux vivre selon la volonté de Dieu. Saint Augustin disait un jour : 'Les chrétiens sont ceux dont les racines ne sont pas en bas comme celles des arbres, mais en haut et qui vivent cette gravitation-là, et non pas la gravitation naturelle vers le bas. Prions le Seigneur pour qu’il nous aide à accepter cette mission de vivre comme des dispersés, comme une minorité, en un certain sens ; de vivre comme des étrangers et pourtant d’être responsables des autres et, justement comme cela, en donnant de la force au bien dans notre monde"."
« L’avenir est à nous »
Après cette vaste introduction, Benoît XVI est "enfin" arrivé au passage qu’il avait choisi et il s’est arrêté sur trois mots-clés : régénérés, héritage, gardés dans la foi. À propos de l’héritage, il a déclaré :
""Héritage est un mot très important dans l’Ancien Testament, où il est dit à Abraham que sa postérité sera héritière de la terre, et la promesse qui a été faite aux siens a toujours été ceci : Vous posséderez la terre, vous serez héritiers de la terre. Dans le Nouveau Testament, ce mot devient un mot qui nous est destiné : nous sommes les héritiers, non pas d’un pays déterminé, mais de la terre de Dieu, de l’avenir de Dieu. L’héritage est quelque chose pour l’avenir et donc ce mot dit surtout que, en tant que chrétiens, nous avons l’avenir : l’avenir est à nous, l’avenir est à Dieu. C’est pourquoi, étant chrétiens, nous savons que l’avenir est à nous et que l’arbre de l’Église n’est pas un arbre qui meurt, mais un arbre qui grandit sans cesse à nouveau. Donc, nous avons des raisons de ne pas nous laisser impressionner — comme l’a dit le pape Jean XXIII – par les prophètes de malheur qui affirment : l’Église est un arbre venu d’une graine de sénevé, qui a poussé pendant deux millénaires, maintenant il a le temps derrière lui, maintenant est venu le moment de sa mort. Non. L’Église se renouvelle constamment, elle renaît sans cesse. L’avenir est à nous.
"Bien évidemment, il y a un faux optimisme et un faux pessimisme. Un faux pessimisme qui affirme : le temps du christianisme est fini. Non : il recommence ! Le faux optimisme était celui d’après le concile, quand les couvents fermaient, lorsque les séminaires fermaient et que des gens disaient : mais ce n’est rien, tout va bien… Non ! Tout ne va pas bien. Il y a aussi des chutes graves, dangereuses, et nous devons reconnaître avec un sain réalisme que cela ne va pas ainsi, que cela ne va pas là où l’on fait des choses erronées. Mais nous devons aussi être certains, en même temps, que si, ici ou là, l’Église meurt à cause des péchés des hommes, à cause de leur absence de foi, en même temps, elle naît de nouveau. L’avenir appartient vraiment à Dieu : c’est là la grande certitude de notre vie, le grand, le véritable optimisme que nous connaissons. L’Église est l’arbre de Dieu qui vit éternellement et qui porte en lui-même l’éternité et le véritable héritage : la vie éternelle"."
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La transcription intégrale de la lectio divina de Benoît XVI au grand séminaire de Rome, le vendredi 8 février au soir : "È per me ogni anno una grande gioia…"
Source : Chiesa.espresso.repubblica.it
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