Il y a deux ans, l'Islande succombait à la crise des subprimes et des banques mondiales. Dans une ambiance de crépuscule des dieux de l'argent, la petite île si riche de son génie littéraire, qui avait succombé aux sirènes de l'argent facile et de l'endettement pour l'éternité, s'écroulait. Le peuple de pêcheurs était devenu un peuple de pécheurs, pardon de débiteurs.
Deux ans plus tard, les dieux islandais tiennent leur revanche, dans une actualité pour le moins portée par l'eschatologie : le deuxième massacre, aérien cette fois, de Katyn, qui emporte les élites polonaises (on ne touche pas à la mémoire de Staline) ; le procès en sorcellerie fait à l'Église catholique romaine (les héritiers de Cromwell en veulent plus que jamais aux papistes) ; et les fumées de ce volcan au nom imprononçable, qui paralyse le ciel de l'Europe tout entière, une fois victime des dieux du politiquement correct et du principe de précaution.
Car on serait bien en mal de dire quel avion aurait succombé à ces quelques fumées... Mais nos élites ont décidé dans ce cas, comme dans celui de la vache folle (4 millions de bêtes abattues en Grande-Bretagne, toujours aux premières loges, c'est le cas de le dire, pour gérer ce genre de désastre), de gouverner par l'épouvante. Au moins le ton est dit. Face au principe de précaution, la revanche d'Odin doit prendre un tour rocambolesque.
Oracle littéraire
En cas de désastre, il faut toujours se tourner vers les Lettres. Tout y est déjà écrit, mieux que dans les articles de la presse quotidienne. On trouve ces lignes dans l'Edda scandinave, et dans la Voluspa, le recueil le plus poétique de l'histoire de l'Occident :
La terre s'enfoncera dans la mer,
Le soleil tourne au noir,
Les brillantes étoiles sont secouées dans le ciel,
Les fumées ragent, les flammes grondent,
Le ciel est ravagé par le feu.
On sait que les anciens Scandinaves rêvaient de combat éternel, que certains ont rendu plus eschatologiques en l'adaptant au monde chrétien. Lors du Ragnarok, ou destin des puissances, les fils de Muspell ou du feu viennent dévaster le monde. Ils sont emportés par le dieu des farces et attrapes, alors mué en dieu du mal, Loki, et par un autre démon, un géant de feu, doté d'une épée à lance ardente, et nommé Surt. J'avais effectué les rapprochements entre cette mythologie et le monde du Seigneur des Anneaux et du Silmarillion dans mon livre sur Tolkien.
La nature islandaise est peut-être la plus fascinante du monde. Elle inspire les alchimistes et ceux qui comme les héros de Jules Verne veulent descendre au centre du monde pour y trouver les secrets de la pierre cachée. La nature islandaise a même créé une île, inspirée du nom de ce dieu que j'évoquais (et non pas invoquais...), et nommée Surtsey. Un lieu de splendeur et de matériaux si mystérieux qui poussa comme un champignon de la mer, et devint la terre la plus jeune du monde, au beau milieu des années soixante. Surtsey est composée de matériaux si mystérieux qu'elle est bien sûr gardée comme Fort Knox, et interdite aux visiteurs ; n'y ont accès que des experts autorisés. L'île mystérieuse de Tintin ne commence-t-elle pas aussi par une petite apocalypse ?
Tout le monde glose à l'envi sur la pollution et la protection de l'environnement ; mais quand Odin souffle, quand Thor lâche son marteau, Zeus sa foudre et Poséidon ses océans, lorsque Surt crache les flammes, nous sommes bien loin des conversations de salon. Ils reviendront ces dieux que tu chéris toujours ! s'exclame le poète païen Gérard de Nerval ; et l'on se prend à penser à quelle sauce un jour ces dieux du Nord pourraient nous manger tous, nous et nos rhumes de foin, nous et nos cours de la bourse, nos avions à prendre, nos supermarchés à vider et nos programmes de télé à ne pas rater.
À deux ans d'intervalle, et c'est une heureuse coïncidence, comme une espèce de miracle étrange. L'Islande aura connu la crise de l'or virtuel, celle qui fascinait Wagner dans sa tétralogie, et la colère des dieux brutaux de la nature pure et cruelle.
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