La France n'a rien à se reprocher au Rwanda

La France n’a rien à se reprocher au Rwanda, au contraire.

Les accusations qu’on porte contre elle sont de deux sortes.   La première a   fait long feu : comme l’a rappelé Edouard Balladur, alors premier ministre, les forces de l’opération Turquoise, dépêchées au Rwanda à la demande du Conseil de sécurité pour une mission pacifique d’interposition de deux mois (juin- août 1994), n’ont, ni de près ni de loin participé au génocide des  Tutsi.  Bien au contraire, elles ont sauvé des dizaines  de milliers de vies.   L’actuel président du Rwanda, Paul Kagame, tutsi, a lancé cette accusation en 2004 quand la justice française l’a mis en cause à la demande des familles des deux pilotes français tués dans l’attentat du 6 avril 1994 à Kigali (capitale du Rwanda). Cet attentat a coûté la vie   aux présidents du Rwanda et du Burundi, tous deux hutu.  C’était la première fois qu’il y avait deux présidents issus de la majorité hutu dans ces pays  dirigés par la minorité tutsi  depuis le Moyen Age - ce qui montre l’absurdité de l’idée répandue par Kagame selon laquelle les Tutsi seraient les Juifs de l’Afrique des Grands Lacs !  Autre rumeur absurde, imposée sur le moment à l’opinion mondiale : que cet attentat, visant deux présidents hutu, aurait été le fait des Hutu !  Le 24 décembre 2019 au soir, la justice française a pourtant prononcé un non-lieu qui ne l’honore pas car le monde entier sait aujourd’hui, par des  transfuges, que le président tutsi   a seul ordonné  cet attentat. Kagame n’a jamais autorisé la moindre enquête de la justice internationale au Rwanda. Le non-lieu explique que les accusations contre l’armée française aient été mises en veilleuse, l’autre raison étant la proximité des élections françaises[1].  

La deuxième accusation est que la France serait responsable du génocide par la polique qu’elle avait menée dans les années antérieures. C’est là-dessus que met l’accent le rapport Declert demandé par le président, selon la même méthode qu’il a   appliquée à l’Algérie : sous prétexte d’apaisement, confier une mission d’étude à une personnalité entièrement acquise aux thèses des accusateurs. Dans les deux cas, l’étude conclut à la culpabilité de la France et, au lieu de panser les plaies, les envenime.

La France s’était engagée, dès la présidence Giscard d’Estaing, dans une coopération militaire classique avec le Rwanda  comme avec beaucoup d’autres pays francophones d’Afrique.

Le Rwanda était sans doute une dictature à parti unique et un pays corrompu mais ni plus ni moins que d’autres, plutôt plus libre que ce qu’il est devenu sous Kagame. La majorité hutu (85 % de la population) avait pris le pouvoir à l’indépendance grâce au jeu démocratique.  Le colonisateur allemand, puis belge, ayant réservé l’instruction à l’aristocratie tutsi (10 % de la population), le régime avait instauré une discrimination positive en faveur des Hutu   pour éviter que les Tutsis  n’occupent toutes les places.  Des pays démocratiques l’ont fait sans qu’on les taxe de racisme. Dans les années quatre-vingt, le pays passait pour « la Suisse de l’Afrique », ce qui était sans doute exagéré.  

La guerre a commencé quand en 1990, avec des Tutsi émigrés dans l’Ouganda voisin en 1962, Kagame a décidé de conquérir le pays pour rendre le pouvoir à la minorité tutsi. Il avait l’appui discret des services secrets  anglo-saxons et surtout de compagnies privées qui espéraient mettre la main sur les très riches gisements   de métaux rares du Kivu (Congo), la province voisine, ce elles ont fait    quand Kagame après avoir pris le pouvoir au Rwanda  en 1994  a envahi le Congo-Kinshasa en 1997. La France a naturellement continué à assister un gouvernement issu de la majorité. Et ce ne sont pas nos militaires qui ont appris aux populations à se servir du coupe-coupe, principal outil du génocide de 1994 !  

A la demande de la France, ont été conclus en août 1993, les accords d’Arusha qui prévoyaient un cessez-le feu avec interposition de l’ONU et l’arrêt de toute aide militaire des deux côtés. Pour être bref, cet accord a été respecté par les Français et pas par les Anglo-Saxons permettant à Kagame d’avancer vers la capitale où 1 million de Hutu en fuite devant l’envahisseur s’étaient réfugiés. En 1993, l’armée tutsi du Burundi voisin avait tué plus de 100 000 Hutu. La terreur et la colère des Hutu après l’attentat qui a coûté la vie à deux présidents hutu se déchaine immédiatement. Combien de victimes ? Il y avait 700 000 Tutsi  dans le pays et il en reste encore 300 000 après la guerre. Ils s’ajoutent aux centaines de milliers de Hutu massacrés par Kagame pendant la conquête.  La France qui n’avait plus de soldats sur place n’a pu rien faire dans l’immédiat. Elle fut en définitive la seule puissance à tenter de s’interposer mais bien tard. La force  de l’ONU, scandaleusement, n’a pas bougé. 

L’affaire ne s’arrête pas là.  Trois ans plus tard, Kagame envahit avec son armée tutsi, escortée de conseillers anglo-saxons, l’immense Congo voisin, ce qui provoque la chute du régime de Mobutu. Il poursuit alors dans tout cet immense pays les réfugiés hutu. Au total, selon l’ONU, plus de 4 millions de victimes :  hutu mais aussi congolais.

Comme cet épisode est soigneusement occulté par ceux qui font l’opinion mondiale, Kagame passe pour le sauveur qui a arrêté le génocide de 1994. Seul le Dr Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, congolais, a eu le courage d’élever la voix.

Boutros Boutros-Ghali, alors secrétaire général des Nations-Unies, n’a pas hésité à dira que les massacres du Rwanda étaient à 100 % de la responsabilité des Etats-Unis. Qui les met en accusation ? Il est vrai que la France est le seul membre du Conseil de sécurité duquel on exige des repentances.

Non seulement la France n’a rien fait de répréhensible mais elle peut s’honorer d’être le seul pays à avoir tenté de faire obstacle à une des opérations les plus criminelles qui aient été.

Kagame a l’éthique d’un seigneur de guerre. Plus la France s’abaissera, plus il la méprisera.

 

Roland HUREAUX

[1] Malgré la fausseté totale des accusations portées contre eux, aucun président n’a pris la défense de nos soldats.