Source [Le Salon Beige] C’est le titre du nouveau livre de l’abbé Michel Viot, qu’il présentera à l’église Saint Roch de Paris le 22 septembre.
L'abbé Michel Viot écrit sur son blog le développement ci-dessous.
Mais avant toutes choses, je veux dire la raison principale qui m’a poussé à écrire ce livre. Au moment où tout s’accélère pour nous le faire oublier, j’ai voulu affirmer que le Christianisme avait marqué d’une manière indélébile notre pays, et que, dans la continuité d’un peu plus de vingt siècles d’histoire, je me plaçais dans cette chaîne d’union de français qui veulent pouvoir continuer à dire « nous n’avons pas d’autre Roi que Jésus Christ ! ». De là vient mon attachement à la royauté comme système de gouvernement. Comme je le montre dans ce livre, ce sont les rois qui ont réussi à faire la France, parce qu’ils ont toujours œuvré, comme Lieutenants du Christ, et dans la recherche du bien commun, autrement dit en veillant à demeurer toujours à l’écoute de leurs peuples. Dans l’exercice du pouvoir, comme dans son organisation, la royauté française sut toujours distinguer, sans les confondre ou les séparer, ces trois grandes réalités que sont Dieu, le pouvoir politique, et les peuples qui en dépendent.
I. FÉCONDITÉ DU MENSONGE FONDATEUR DE LA RÉPUBLIQUE
Voilà pourquoi, j’évite en général de parler de monarchie, mot qui, depuis la fin de ce qu’on appelle l’Ancien Régime, porte à confusion, tout comme le mot démocratie d’ailleurs. L’ancienne monarchie ne fut jamais le pouvoir exercé par un seul homme. Cette conception n’existe que dans les discours des révolutionnaires de 1792, et de leurs zélés successeurs qui, jusqu’à nos jours répètent ce mensonge. Il est vrai que leur tâche n’est pas simple puisqu’ils doivent pour justifier leur présence et leur pouvoir autoritaire, peu soucieux du bien de leurs peuples, proférer un mensonge plus grand encore, à savoir que la démocratie est le pouvoir du peuple, et que seule une république peut le garantir.
Or c’est là une double imposture. Une république n’est possible que pour une ville et quelques territoires qui l’entourent. Et cela implique l’esclavage, permettant aux citoyens libres de s’occuper des affaires de la cité. Et bien souvent les cités antiques eurent recours à la tyrannie ou à la dictature, soit pour maintenir l’ordre intérieur, soit pour assurer ou consolider des conquêtes extérieures. La grandeur de Rome fut l’œuvre de l’empire qui produisit cette paix romaine dont bénéficia le Christianisme pour s’étendre.
La Méditerranée et ses rivages étaient plus sûrs au temps de la domination romaine que maintenant ! Au moment de la chute de l’empire romain d’Occident au Ve siècle, tous les barbares avaient envie d’être romains et d’obtenir des titres de l’empire. Car ils se battaient déjà pour lui, et donc, sa civilisation, sa langue, sa religion, même si certains commencèrent par l’hérésie (l’arianisme), mais avec l’excuse de la voir pratiquée par des romains de souche…comme on aurait pu dire.
Ceux qui ont envie d’être Français aujourd’hui viennent des peuples les plus malheureux de la terre. La majorité d’entre eux n’a rien à perdre, mais tout à gagner, un assistanat gratuit, de quoi faire vivre sa famille au-delà de nos frontières, puis de la faire venir en utilisant le regroupement familial, lequel est amplifié par le droit du sol, nouveauté crée par la révolution industrielle en 1851, avec certaines restrictions, qui tomberont après 1870, en vue de la guerre de revanche. La loi de 1889 disposera que seront français les jeunes étrangers nés en France, et qui à l’époque de leur majorité sont domiciliés en France. La république avait sa chair à canons, et elle élargira encore les possibilités du droit du sol en 1919, pour avoir de la chair de remplacement. Un million et demi de morts et plus de deux millions d’handicapés créent un vide insupportable. C’est dans cette suite qu’après la deuxième guerre mondiale on créera des « français. » qui ne seront jamais Français ! D’autant plus, que dans le même temps on s’ingénie à faire perdre le sens de l’origine de leur pays à ceux qui, catholiques, juifs, protestants, orthodoxes, vivent sur la terre de France, depuis plusieurs générations, en en appréciant les valeurs, ou au minimum quelques-unes de leurs traces.
II. LES ORIGINES DU MAL
Comme le rappelait fort justement Benoît XVI dans son encyclique Spe salvi (sauvés par l’espérance), certains philosophes, en commençant par Francis Bacon (1561-1626), ont cru que le progrès amènerait automatiquement le bonheur. A cette époque, ils ne niaient pas Dieu, mais, implicitement, indiquaient un produit de remplacement. La philosophie des Lumières prit d’autant plus facilement cette suite qu’elle coïncida avec la révolution industrielle. Une aspiration au libéralisme total allait en être la conséquence, en même temps qu’une concurrence à mort entre ce que l’on pourrait appeler les machines à progrès : les manufacturiers et les financiers, leurs nécessaires alliés. L’homme était condamné à n’être plus qu’un outil, pour produire par un travail acharné autant qu’inhumain, et aussi pour consommer, mais surtout, pour cette dernière activité, sans égalité aucune, puisque le progrès n’ayant pas de limites, il pouvait engendrer des produits très chers, pour lesquels il fallait des clients, forcément très riches, et en petit nombre, mais suffisant tout de même pour accaparer l’essentiel des richesses, et ne laisser que des miettes à la majorité. Une telle société implique des très riches et des très pauvres.
Une telle conception de l’homme et du rôle de l’humanité se situe à l’opposé de ce qu’envisage la Bible. La France qui s’est construite sur les ruines de l’empire romain avait cependant gardé le souvenir de sa grande civilisation. Sa religion qui était devenue chrétienne, sa philosophie inspirée par la pensée grecque, pour qui l’homme n’était pas qu’une machine, son sens du droit qui, rejoignant une des grandes préoccupations de la Sagesse israélite, voulait garantir la justice à tout être humain. Et cette société avait pour unité de valeur la famille, du plus haut jusqu’au plus bas de la société. Ce qui implique un sens de l’autorité, mais pas n’importe lequel !
La très grave crise de l’autorité, que nous vivons aujourd’hui, et qui ne date pas que de quelques années, vient du système de gouvernement lui-même, tout exprès inventé cependant pour être à la hauteur de l’ère du progrès industriel qui commence en force dès la fin du XVIIIe siècle. Il est clair qu’en France, et aussi ailleurs, ce pouvoir ne le maîtrise plus ! L’a-t-il d’ailleurs jamais maîtrisé ?
En un peu plus de deux cents ans, les cinq républiques qu’a connues la France ont réussi à défaire ce que nos rois avaient construit patiemment en quinze cents ans, en étant toujours soucieux du bien commun. N’oublions pas par exemple, que bien qu’affreusement endettée, la France était encore le premier pays du monde, et le français la langue internationale en 1789.
Pendant le règne effectif de Louis XVI, de 1774 à 1789, il n’y eut aucune guerre en Europe, du jamais vu ! Si l’Etat était cependant au bord de la banqueroute, le pays demeurait très riche, et une réforme fiscale aurait suffi pour parvenir à un remboursement qui aurait satisfait tout le monde. Le calcul a été fait par plusieurs spécialistes du temps, par des politiques financiers aussi différents que Calonne et Necker. Les grands privilégiés (tant dans l’Église, que dans la noblesse et le Tiers état) préférèrent la révolution, avec différentes conceptions, selon les castes sociales. Mais ceux qui gagnèrent la première manche en abattant la royauté le 10 août 1792 et en proclamant la République furent tous d’accord pour tirer un trait sur les quinze cents ans précédents. Ce fut l’an I de l’ère des Lumières, autrement dit de la République.
Mon livre se propose de résumer ce sur quoi le trait a été tiré, et d’en montrer aujourd’hui les conséquences. Si l’on veut soigner le mal, il faut connaître ses origines. Si des problèmes empêchent aujourd’hui notre société française de vivre, il faut savoir pourquoi !
Mettons d’abord une question au clair. La France ne commence qu’avec le baptême de de Clovis au Noël 499, et non avec le chef gaulois Vercingétorix, idée toute droite sortie du roman républicain élaborée au XIXe siècle.
III. NAISSANCE DE LA SINGULARITÉ FRANÇAISE
Le baptême de Clovis est un événement capital. C’est la rencontre d’une volonté politique et d’une réalité religieuse, rencontre qui était loin d’être évidente et qui va produire le miracle français pour quinze cents ans. En effet, le chef barbare païen, Clovis, époux d’une princesse catholique, Clotilde, se convertit au catholicisme, une part importante de sa garde avec lui. Les autres chefs barbares chrétiens sont ariens, donc aussi chefs des chrétiens de leurs pays respectifs. Alors que le christianisme auquel adhère Clovis a pour chef religieux le Pape évêque de Rome. Par sa naissance dans la royauté de Clovis, le pouvoir politique royal français apparait, dès son origine, comme distinct du pouvoir religieux. C’est l’amorce d’une forme d’indépendance entre l’Église et l’Etat qui va lentement se construire en France, avec quelquefois des heurts, mais jamais avec des hostilités aussi fortes que celles qui empoisonnèrent les relations entre les Papes et les empereurs allemands. Aussi n’est-ce pas un hasard, si la plus grave contestation que connut l’Église latine au cours de son histoire, la Réforme protestante, partit d’Allemagne.
Les rois de France furent toujours fidèles au catholicisme et tout particulièrement au Saint Siège. Il s’agit là d’une réalité incontournable, sans laquelle, il ne peut pas y avoir de France.
IV. LES DÉBUTS DE LA ROYAUTÉ EN FRANCE
J’y ai consacré mes trois premiers chapitres. Quand j’étais jeune élève de l’école primaire laïque, la période historique concernant l’histoire de l’établissement des trois races de nos rois était enseignée d’une manière un peu confuse, selon l’instituteur, mais les faits étaient au moins connus, à défaut d’être toujours bien interprétés. Aujourd’hui ces débuts sont très souvent complètement ignorés, alors qu’ils contiennent à eux seuls l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur l’exception française qu’il est de bon ton de critiquer voire de mépriser.
Après l’option non évidente de Clovis pour le catholicisme, option qui avait été précédée de l’obtention de titres romains, octroyés par l’empereur d’Orient, restait à régler en priorité la question de la succession du roi, pour lui assurer le maximum de légitimité et réduire ainsi les guerres. Le passé germain des Francs (et cela valut pour les trois races royales, mérovingienne, carolingienne, et capétienne) représentait plutôt un handicap pour constituer un royaume pérenne, du fait de traditions comme, par exemple, l’élection du roi par acclamation, et le partage des terres entre ses fils à son décès.
Dans les trois races, on s’ingénia donc à réduire l’importance de l’élection au profit de l’hérédité et du droit d’aînesse (bien connu dans la Bible). Les cadets eurent des terres en apanage, mais ils en devaient hommage à l’aîné comme roi et suzerain.
Toutefois, lorsque la chaîne héréditaire venait à rompre, soit par déficit de mâles, soit par déficit de chefs militaires capables (qu’il s’agisse d’un déficit réel ou factice, comme semble l’avoir été l’énigmatique « fainéantise » des « rois fainéants »… Pourquoi en effet ne faisaient-ils rien ?), comment pouvait-on assurer une continuité légitime au pouvoir ? Par le sacre. Et c’est là que l’entente avec le Saint Siège montra toute son importance. Pépin, le fils de Charles Martel, le célèbre vainqueur de la bataille de Poitiers contre les Arabes en 732, établit le premier la royauté carolingienne. Sans être lié par le sang au roi mérovingien Childéric III dont il était maire du Palais, il en vint à assumer le gouvernement complet, tout comme son père Charles. Aussi consulta-t-il le Pape Zacharie, en 750, pour résoudre la question de plus en plus gênante de sa légitimité. Le Pape fut formel, et cette leçon demeure valable pour la France d’aujourd’hui : il vaut mieux que règne celui qui gouverne. Mais une légitimité reconnue à l’intérieur dut aussi l’être à l’extérieur, notamment par les autres rois, ce qui donna à la question de l’hérédité un rôle de plus en plus important.
Dès 751, Pépin, ayant déposé et placé dans un couvent le dernier roi mérovingien, se fit sacrer à Soissons. Ce fut la première fois que le Saint Chrême fut utilisé, en dehors du baptême, pour un sacre royal. Pour l’anecdote, notons qu’il faut attendre Hincmar, 802-882, Archevêque de Reims, pour trouver la mention d’une huile apportée du ciel à Rémi (la Sainte Ampoule) afin d’oindre Clovis lors de son baptême – son texte daterait de 860, mais il pourrait rendre compte d’une tradition rémoise du VIIIe siècle. L’Archevêque n’y stipula pas avoir utilisé cette huile pour le sacre de Charles II le chauve en 869. Mais l’idée s’était imposée que c’est Dieu qui fait le Roi. La première utilisation possible de la Sainte Ampoule daterait ainsi de 893, pour le sacre de Charles III, et elle devient certaine à partir du sacre de Louis VII en 1131.
Le sacre vint donc au secours de l’hérédité, parce que signifiant un lien particulier entre Dieu et le souverain. Pépin fut le premier des souverains français à faire don de territoires au Pape et à recevoir pour lui et ses fils le titre de fils aîné, ou fils chéri, ce qui, par extension, débordera sur le pays tout entier. Charlemagne, fils de Pépin, réussit à reconstituer l’empire romain d’Occident, toujours grâce à son alliance avec le Saint Siège, et malgré l’opposition de l’empire d’Orient. Mais, à sa mort, l’étendue de l’empire imposa encore le partage qui esquissa la future France et la future Allemagne, cette dernière conservant le nom de Saint Empire Romain germanique.
V. ÉTABLISSEMENT DÉFINITIF DE LA ROYAUTÉ CAPÉTIENNE
A la mort accidentelle de Louis V, le dernier carolingien, la France se retrouva dans la situation de Pépin. Mais il y a ce précédent, plus ce que j’ai dit de Hincmar et qu’avait formulé le Concile de Paris en 829 : « Aucun roi ne doit dire qu’il tient le royaume de ses ancêtres, mais il doit croire humblement qu’il le tient en vérité de ce Dieu qui a dit : c’est de moi que viennent la prudence et la force ; par moi règnent les rois… ». Le sacre prit alors sa toute-puissance, mais l’élection subsiste encore, ne concernant que très peu de hauts personnages. Avait-on pour autant tiré un trait sur l’hérédité ? Non. Certes Hugues Capet, élu par les grands du royaume (bien plus puissants que lui) fut sacré à Noyon par l’Archevêque de Reims, Adalbéron en 987, mais les rares carolingiens restant ne l’acceptèrent pas. Seulement, ils n’étaient pas en position de résister. Cependant, Hugues ressentit la nécessité de faire sacrer, de son vivant, son fils Robert à Orléans dès Noël 987. Et dans les générations suivantes, on vit des capétiens épouser des carolingiennes pour unir les deux races, car le principe d’hérédité l’emportait partout.
Philippe III, en 1223 fut le premier roi à succéder à son père Philippe Auguste, sans avoir été sacré de son vivant. Et, fait très important, il data ses premiers actes de roi de la mort de son père et non de son sacre ! Le principe d’hérédité ne fut alors plus jamais contesté, il fit le roi, le sacre définissant la fonction en lui donnant un statut particulier et l’élection fut totalement supprimée (symboliquement conservée par les acclamations formelles, lors du sacre). Le rôle discret de la Papauté fut d’un grand secours. En permettant aux évêques de France de procéder à une telle cérémonie, elle haussait le roi de ce pays à un rang inégalé et s’assurait avec lui de pacifiques relations pourvu que chacune des parties demeurât loyale.
Ce ne fut pas le cas pour le Saint Empire Romain Germanique. J’en ai évoqué quelques épisodes, pour mieux faire ressortir la réussite française, qui connut cependant, elle aussi quelques moments difficiles. Il me fallait informer par souci de vérité historique, mais aussi pour montrer les dangers de la reproduction de certaines erreurs.
Ainsi, la révolution française, par sa constitution civile du clergé de 1790, mit fin aux siècles de bonne entente entre la France et le Saint Siège, reprenant en partie les erreurs des empereurs germaniques.
VI. CONSÉQUENCES DE LA RUPTURE AVEC DIEU ET LA ROYAUTÉ
…ou les suites de la Révolution de 1789
Les six premiers chapitres de mon livre étant consacrés à l’histoire, leur suite concerne notre époque, notre temps moderne, toujours conditionné par la grande déchéance que fut la révolution, pour la France et pour l’Europe.
Notre descente aux enfers constitue en effet une des plus belles preuves qu’on ne chasse pas impunément Dieu et ses représentants légitimes de la société. J’ai fait précéder l’un de mes chapitres par un court texte de Joseph de Maistre évoquant la rage philosophique qui étouffa les hommes du XVIIIe siècle. En voici la fin, et ce passage résume tout le propos de ce livre. De Maistre fait parler le philosophisme à Dieu : « Nous voulons tout détruire et tout refaire sans toi. Sors de nos conseils ; sors de nos académies ; sors de nos maisons ; nous saurons bien agir seuls, la raison nous suffit. Laisse-nous ! ». « Comment Dieu a-t-il puni cet exécrable délire ? Il l’a puni comme il créa la lumière, par une seule parole. Il a dit « Faites ! – Et le monde politique a croulé. »
La révolution française inaugura un sommet de l’abjection politique et spirituelle en France. J’en ai donné beaucoup d’exemples dans mes précédents livres[3]. Ce chef d’œuvre d’horreur, rendu possibles par le rejet de Dieu combiné au mépris de la vie humaine, servit d’exemple à tous les systèmes totalitaires qui empoisonnèrent le vingtième siècle, en instituant entre autres, l’hypocrisie politique comme système quasi permanent de gouvernement.
En voici un exemple qui aurait mérité brevet : la banqueroute, devenue incontournable et organisée par le ministre des finances du Directoire, Dominique Ramel, du 30 septembre 1797, qui consistait à priver les créanciers de l’Etat des deux tiers de leurs créances, et qui fut appelée le « tiers consolidé » ! Manifestation de cynisme fiscal qui aura des suites que beaucoup de Français peuvent vérifier aujourd’hui. Souhaitons que cela ne donne pas de mauvaises idées aujourd’hui !
Le septième chapitre du livre a pour titre « Urgence pour la France déchue de retrouver sa souveraineté », thème en réalité présent dans les trois chapitres qui suivent, dans la conclusion et dans la postface, qui traite de la gestion calamiteuse de la pandémie, caractéristique d’un pouvoir aux abois. Il ne s’agit pas pour moi et mes co-auteurs de prôner un nationalisme complètement dépassé et oublieux des grands changements géopolitiques qui obligent certains états à entretenir des relations plus serrées que par le passé. Mais encore faut-il que ces États soient encore des États. Pour cela, un État doit conserver une part de souveraineté, et en particulier sur sa monnaie (il doit donc en avoir une !), sous peine de tomber dans l’esclavage économique avec les conséquences que l’on sait. Il faut qu’il possède une pleine autorité pour réguler les flux migratoires et assurer la sécurité intérieure et extérieure de son peuple qu’il doit savoir entendre par des relais sûrs. Il peut apparaître ainsi comme un arbitre impartial, garant de la justice, et être le recours des plus faibles des citoyens, tout en « contenant » les plus forts. Cela ne l’oblige pas pour autant à s’occuper de tout – la doctrine sociale de l’Église catholique ne l’a jamais envisagé. Mais sous prétexte de libéralisme, il ne peut pas laisser s’établir la loi de la jungle qui entraîne, toujours, l’écrasement du plus faible par le plus fort.
VII. NÉCESSITÉ DE LA PRÉSENCE D’UN ROI
Ce que je viens d’écrire précédemment le démontre et je vais l’expliquer. Mais auparavant, je voudrais faire remarquer que depuis la mort de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou, nous entendons régulièrement déclarer que l’élection présidentielle serait la clé de voûte de notre république, et qu’elle constituerait la démarche civique préférée des Français. Et comme depuis l’instauration du quinquennat, le président est de fait un monarque élu, ayant plus de pouvoirs que n’en eût jamais Louis XIV, il est permis de se demander si cette évolution de la cinquième république ne constitue pas en elle-même un signe de cette nécessité de l’établissement de la royauté. Ce qui est vrai, d’une certaine façon ! Mais il faut voir plus loin, et j’en reviens à mon raisonnement du chapitre précédent.
Rétablir la souveraineté de la France dans l’intérêt du peuple français présuppose qu’on aime ce peuple. L’amour ne se commande pas. Aucun texte législatif, si vénérable ou sacré soit-il, ne se trouve en mesure de pouvoir, seul, commander l’amour. Même les textes bibliques n’ont pas cette prétention. Il est bien clair pour eux que seule l’élection de Dieu, choisissant un homme ou un groupe d’hommes, le permet. C’est la manifestation de ce qu’on appelle la grâce en théologie chrétienne.
Aussi, aucun texte constitutionnel ne peut conférer l’amour du peuple à un chef d’Etat. Il peut l’afficher comme un masque, à la rigueur, mais c’est tout ! Et l’on ne gouverne pas longtemps masqué, pas plus qu’on ne peut, ordinairement, vivre masqué. L’amour du peuple, j’y reviens parce qu’il est capital, ne peut venir que du cœur. Le temps, ce grand ministre de la Providence divine, a gravé cet amour dans le cœur de nos rois, de siècles en siècles. Et ce, au point que certains d’entre eux, médiocres sur le plan humain, devenaient des souverains convenables, et même bons dès qu’ils entraient dans l’exercice de leurs fonctions. Quant aux êtres nés doués et exceptionnels, ils augmentèrent le rayonnement du génie français et le bonheur de leurs peuples. Je pense à Louis IX (Saint Louis), Philippe IV le Bel, Louis XI, et Louis XIV, pour me limiter à quatre exemples indiscutables et aussi à quatre personnalités très différentes, qui tirèrent pourtant le « char » France dans la même direction, selon trois préoccupations semblables : souveraineté et sécurité du pays, frontières naturelles, et équilibre entre puissances européennes.
Aujourd’hui, et depuis de très longues années, l’exercice du pouvoir à haut niveau, et à plus forte raison du pouvoir suprême, n’a jamais rendu un médiocre apte à l’exercer. Quant aux surdoués, il a eu plutôt tendance à les corrompre. Nos rois, avant d’atteindre l’exercice de cette fonction, étaient formés pour cela, et, en plus d’une bonne formation, et même souvent excellente, je le souligne avec le fils d’Hugues Capet, Robert le Pieux, capable de présider un Concile et d’y participer activement, ils recevaient aussi une bonne éducation chrétienne, la seule qui puisse être source de véritable amour, pour Dieu d’abord, qu’ils savaient au-dessus d’eux, et pour leurs prochains, leurs peuples en l’occurrence. Ils connaissaient la théologie et pouvaient distinguer leur devoir d’état de leurs devoirs de particuliers, tout en sachant très bien que ce que nous appelons le domaine privé de la vie ne leur appartenait pas entièrement. Ainsi, Louis XV qui fut un grand roi, ne fut pas exemplaire sur le plan moral pendant une partie de sa vie. L’Église ne se gêna pas pour le critiquer, jusque dans la chapelle royale de Versailles où il n’osait pas communier, ayant refusé une confession préalable. Et dans la perspective de la mort, et cela lui arriva deux fois, il eut soin de se mettre « publiquement » en règle avec l’Église. Et pour la dernière fois, il fut grandiose dans la pénitence, et l’Église bien mesquine dans les formes adoptées pour le pardon.
Enfin ces hommes n’étaient pas obsédés par le souci de leur élection ni celui de de leur succession. Les lois fondamentales du royaume réglaient ces choses, et s’il leur prenait quelque fantaisie, le Parlement de Paris était là pour trancher la question. Le testament de Louis XIV fut ainsi cassé par les Juges héréditaires pour irrespect de la Tradition. Je signale au passage, et j’y reviens dans le livre, que les magistrats de ce temps étaient beaucoup plus indépendants du pouvoir politique qu’aujourd’hui, grâce à l’achat de leurs charges et à leur transmission héréditaire. Et pourtant l’Ancien Régime ignorait l’idéologie de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, si chère à nos thuriféraires de la République. Sauf pour de très hautes nominations au Parlement de Paris, le roi ne pouvait pas avoir de quelconque influence sur la carrière d’un magistrat. Chacun sait qu’il n’en va pas de même en république, sous la cinquième comme sous les autres. D’ailleurs la première république donna tout de suite le ton par son tribunal révolutionnaire. L’accusateur public et les présidents étaient aux ordres des équipes dominantes du moment à la Convention, des Comités de salut public et de Sûreté Générale, quand la Montagne eut éliminé tous ses adversaires, et à l’intérieur d’elle-même, ceux qui s’opposaient à Robespierre, lequel sous-estima le Comité de Sûreté Générale, qui finit par avoir sa tête à Thermidor. L’instabilité, comme le jeu des partis et leurs calculs, furent congénitaux à la naissance de la république, et fatalement il empoisonna par la suite tous les régimes de cette nature.
Le général de Gaulle pensa y mettre fin par la Constitution de 1958, essentiellement par les larges pouvoirs donnés au Chef de l’exécutif, et par le système électoral majoritaire à deux tours qui obligeait les partis politique à s’entendre au grand jour, devant les électeurs. Et il y réussit un temps. Mais en 1962, il voulut pour le président de la République une élection au suffrage universel direct pour justifier ses pouvoirs face aux élus des deux chambres. Cette affaire eut des conséquences qu’il ne pouvait pas prévoir. La preuve en est qu’en 1965, pour le renouvellement de son mandat, il dédaigna de faire campagne au premier tour. Le résultat fut un ballottage, et le recours imprévu à la télévision, le grand média naissant de l’époque, et ses entretiens au coin du feu avec un jeune journaliste de talent, Michel Droit. Le recours médiatique accompagné de tous ses satellites apparut comme l’intermédiaire obligé. Mais il allait se révéler de plus en plus coûteux, imposant aux partis des dépenses de plus en plus lourdes avec les conséquences qu’on imagine aisément. A l’époque personne n’y pensa. C’est pourquoi, je suis particulièrement reconnaissant au professeur Guillaume Drago, spécialiste de droit constitutionnel, entre autres, d’avoir analysé scientifiquement les conséquences de ce système dans le neuvième chapitre de mon livre. François Mitterrand n’en avait fait qu’une analyse essentiellement politicienne en 1962 et en 1965. Sa qualification de « coup d’état permanent » relevait de l’effet oratoire des tribunaux ou des chambres de l’époque. Quand il fut élu en 1981, il se garda bien de modifier le système. Il fut cependant à l’origine d’une loi sur le financement des partis politiques, limitant les dégâts à ses débuts, mais les accentuant par la suite. Dès que les Français, dévots de la république en même temps que faiseurs impénitents de lois, en fabriquent une, ils cherchent immédiatement de subtils moyens de la tourner grâce au texte écrit.
Mais j’en reviens à l’analyse du professeur Drago, qui, en professionnel de la chose publique, la res publica, montre et démontre les effets néfastes d’une pareille élection sur les autres élections, tout aussi importantes que la présidentielle, car elles donnent naissance à ces pouvoirs intermédiaires que connaissait l’Ancien Régime sous une autre forme et que la première république abolit complètement, laissant le citoyen seul et dénudé devant la puissance étatique.
Quant aux partis sous la cinquième république, ils sont fatalement condamnés au soutien inconditionnel et à une opposition du même ordre. La durée du mandat présidentiel originel, sept ans renouvelables, face à celle des députés, le recours possible au référendum ne faisait pas forcément du président un monarque élu, bien qu’il soit pratiquement toujours apparu beaucoup plus comme un « capitaine que comme un arbitre » pour reprendre l’heureuse expression du professeur Drago. Et l’instauration du quinquennat a aggravé les choses dans le sens du pouvoir personnel. Les législatives suivant de près la présidentielle, les députés sont élus pour soutenir le président ou le combattre. Et notre cher professeur d’écrire « la tentation de l’hyperprésidence ou de l’omniprésidence est forte pour celui qui l’exerce, alors même que le Président de la République d’aujourd’hui possède beaucoup moins de moyens d’action et d’autorité réelle que les présidents des années 1960 ou 1980 ». Et on lira avec le plus grand intérêt la note 43 (page 164), où entrent en scène les pouvoirs de l’Europe, autre façon de s’interroger sur la souveraineté. Et comme l’auteur de ces lignes le remarque très finement, « l’élection présidentielle révèle d’ailleurs sa grande ambiguïté en ce que les Français votent autant pour un homme que pour un programme qui n’engage d’ailleurs que ceux qui ont la faiblesse d’y croire…Et cette ambiguïté se prolonge dans l’exercice même des fonctions du président de la République… » pour les raisons européennes susdites et les ambiguïtés constitutionnelles concernant le premier ministre et le gouvernement. S’ensuit une réflexion très profonde sur la nocivité à long terme de l’enthousiasme soulevé par une élection présidentielle de ce type qui ne peut conduire qu’à d’amères déceptions et au rejet. L’élément sacré nécessaire à la fonction de Chef d’Etat est rendu flou, la division des Français exacerbée par ce type d’élection montre alors que la légitimité ne peut venir que de la seule élection. Le professeur Drago ne conclut pas, ce n’était pas forcément son rôle, mais certainement sa liberté. Personnellement je pense que ce questionnement nous ramène à réfléchir aux choix que firent en quelques générations les premiers capétiens, à savoir l’abandon de l’élection pour le pouvoir suprême.
VIII. FIN INÉLUCTABLE DE LA RÉPUBLIQUE LAÏQUE
Ce régime est de toutes façons condamné à terme, voire à court terme. Le titre qu’Odon Lafontaine a donné à son chapitre, le dixième, « Islam et République : fin de partie » est éloquent et profondément vrai ! L’islam pose problème en France, problème qui s’aggrave d’années en années. Certains politiques ont cru et croient encore pouvoir en jouer cyniquement pour obtenir ou conserver le pouvoir dans le cadre des institutions républicaines actuelles. Et bien entendu, emplis de cette étrange espérance, ils s’accrochent à ce qu’ils appellent les valeurs de la République, dont la Laïcité, sur laquelle ils s’appuient pour supprimer crèches et sapins de Noël, ce qui ne les empêche pas d’aller inaugurer les mosquées. Ils sauveront certainement la République ! Mais elle sera islamique et s’empressera de les persécuter pour leur athéisme, aussi inadmissible en islam que pour le régime que voulut instituer Robespierre.
Par sa connaissance des origines réelles de l’islam et de son histoire, en particulier dans ses rencontres avec l’Occident, Odon Lafontaine, montre combien il est vain et insensé de compter sur la chimère de « l’islam modéré », et plus encore de compter sur elle du seul fait qu’elle serait française ! Seule la méconnaissance crasse de l’islam permet de maintenir encore de telles illusions. Odon Lafontaine reprend ainsi en les résumant pour les enrichir avec d’autres arguments, ceux qu’il avait développés dans le livre que nous avons co-signé[4]. Il rappelle que la République fondée en 1792 n’était pas pour ses penseurs les plus aboutis un régime politique comme un autre. Elle visait déjà à un mondialisme totalitaire, dont le christianisme serait banni en même temps que la notion de patrie réelle, et où la religion ne pourrait exister qu’au service du pouvoir politique. L’ère de la patrie révolutionnaire a commencé par détruire la notion traditionnelle de patrie. Jean de Viguerie a tout dit là-dessus[5]. La France a ainsi accueilli sur son sol de nombreux étrangers, croyants ou non sans que cela pose de problèmes. Ce qui fut aussi le cas pour les musulmans. Et la république prétendait faire de tous, Français anciens et Français immigrés les citoyens de cette nouvelle patrie révolutionnaire. Mais l’islam a sa nature propre, et, à force d’immigration, il a fait se constituer les musulmans en communautés musulmanes, transformant leurs comportements individuels. On voit ainsi de plus en plus les jeunes musulmans rompre avec l’attitude de leurs anciens qui allaient vers une sorte d’assimilation. A cela s’ajoutent d’autres phénomènes, entre autres le reflux du catholicisme, ou bien la veulerie électoraliste de nos gouvernants et le mépris qu’ils suscitent auprès de nombre de musulmans, phénomènes qui n’en renforcent que davantage la communautarisation islamique, et, fatalement, l’émergence de communautés de plus en plus fortes, voulant vivre là où elles se trouvent selon leurs propres lois (la charia), jusqu’à les imposer à tous. La république de la patrie révolutionnaire est incapable de comprendre et donc de traiter avec l’islam : pour elle, du fait de la Laïcité, les espérances que déploie l’islam n’existent pas, et les musulmans n’existent pas en tant que musulmans mais seulement comme « hommes nouveaux » – de même que les Français n’existent pas en tant que Français, pas plus que leur religion ancestrale. Le problème n’ira donc qu’en s’aggravant tant que la république prétendra gouverner la France. C’est ainsi que nous sommes rendus à la veille d’un inéluctable « partition républicaine » de notre pays…
Or, il se trouve, qu’au moment où beaucoup de musulmans aspirent de la sorte à des changements politiques profonds en France, différents français les souhaitent aussi, mais pas forcément les mêmes. Ce qui n’empêche pas une majorité de nos concitoyens de ne plus rien attendre du tout du pouvoir politique, tant il leur apparaît comme vicié et ne représentant plus que des intérêts qui ne sont pas les leurs. D’où le nombre croissant des abstentionnistes aux élections. Cet ensemble contient tous les ingrédients qui conduisent à la soumission totale ou à la révolution ! Comme catholiques, nous sommes des hommes d’espérance et de tradition. Et notre préférence va à l’action, quitte à bousculer certaines idées reçues. Car, personnellement, je le répète, les choses évolueront forcément. Très probablement dans le sens prophétisé par Michel Houellebecq, si nous demeurons embourbés dans la république actuelle. Et quelques-unes de nos cathédrales deviendront des grandes mosquées.
Un chef d’Etat dégagé des soucis électoraux et successoraux, un parlement composé d’élus réellement libres de représenter leurs mandants et non un fantasme de patrie révolutionnaire, un gouvernement dirigé par un premier ministre clairement responsable devant le Parlement, des juges dont la carrière ne dépendrait plus du pouvoir ou de leur soumission à l’idéologie du moment, voilà ce que la royauté pourrait en premier lieu apporter. Le roi sacré en la cathédrale de Reims serait la meilleure garantie pour tous de la liberté des consciences. Comme tout bon catholique, il appliquerait ce que le Concile Vatican II a écrit sur la liberté religieuse, la religion catholique n’aspirant nullement à redevenir religion d’Etat. Elle serait simplement la religion de la plus grande majorité des français, et obligatoirement celle de celui qui conduit la France, question sur laquelle le Pape Pie VII et le Premier Consul Bonaparte s’étaient mis sagement d’accord en 1801. Et l’Église catholique aura du travail à faire pour que sa statistique encore majoritaire concernant les baptisés se poursuive dans celle des pratiquants.
Ainsi pourrait prendre fin une république intrinsèquement faussée. Le pouvoir personnel serait aboli par la suppression de la monarchie élective qu’est en réalité le système actuel, et ce au profit de la royauté héréditaire. Et surtout le peuple pourrait être mieux entendu et mieux traité. La crise du covid nous a montré et nous montre encore ce qu’il en advient lorsque les français cessent d’être considérés comme des membres d’une même famille pour n’être pris en compte qu’au travers de statistiques destinées d’abord à faire gagner de l’argent aux grands laboratoires et non à soigner les malades. La famille France a besoin d’un roi car elle a besoin d’un père pour exister. C’est d’ailleurs le plus beau titre que nos ancêtres donnèrent à leur roi, celui qui échut à Louis XII : Père du peuple.
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