Source [Le Salon Beige] : Du père Danziec dans Valeurs Actuelles, à propos d’Alain Juppé :
[…] Car, oui, l’ancien lieutenant de Jacques Chirac clame à qui veut l’entendre sa passion pour la modération. « Je suis violemment modéré », confiait-il à l’hebdomadaire la Vie en 2016. Sur les ondes de France Inter en 2018, il répète à l’envi que « la modération, ce n’est pas la facilité ». En 2019, le Point titre : « Alain Juppé au Conseil constitutionnel : le cri d’alarme d’un modéré ». Actuellement en pleine campagne, non pas électorale mais promotionnelle, de ses Mémoires Une histoire française (Tallandier), il confiait cette semaine à l’équipe de Yann Barthès réunie sur le plateau de Quotidien son goût prononcé pour le qualificatif de… modéré.
Certains termes sont officiellement de bon ton et ont valeur de passe-droit pour circuler librement dans l’univers du politiquement correct. Alain Juppé l’a bien compris. Vous vous prétendez “inclusif” ? Votre rond de serviette vous attend à la table médiatique. Vous vous déclarez “synodal” ? Vous voilà en mesure de donner un coup de boost à votre carrière ecclésiastique. Vous vous présentez comme “modéré” ? Votre crédibilité vis-à-vis de la bien-pensance s’en trouve comme par magie renforcée.
Mathieu Bock-Côté a suffisamment évoqué l’impact psychologique de la révolution lexicale à laquelle on assiste pour ne pas devoir nous y arrêter. Dis-moi comment tu es adjectivé et je te dirai qui tu es. Lorsqu’en effet, des mots valises envahissent notre univers, sans être pour autant clairement définis, le risque de fraude conceptuelle devient illimité. On connaît la sentence de Camus : « Mal nommer les choses rajoute du malheur au monde. »
Mais surtout, c’est le positionnement en faveur de la modération qui surprend. Le spectacle offert par une société en perte de repères et, pire encore, en refus de sens, appelle effectivement davantage à une reprise en main — ou à un coup de pied au derrière, c’est selon — qu’à la modération. « Les modérés survivront, seuls les passionnés auront vécu » écrivait, tel un prophète, Rivarol.
À propos de prophètes, on leur accole trop souvent l’expression “prophètes de malheur”, en oubliant rapidement leur rôle décisif dans l’histoire chaotique des hommes. Celui de phares dans la nuit, de haubans annonçant le vent, de cornes de brume alertant du danger. Aussi, entendre Alain Juppé chanter les délices de la modération, quand il a lui-même participé à mettre notre pays dans l’état dans lequel il se trouve, ne peut que susciter la stupeur devant un tel toupet. L’appel au calme quand il faudrait, au contraire, sonner l’alarme a ceci de souverainement agaçant qu’il est à la fois irresponsable, sournois et démagogue. Dieu, du reste, comme le disait Bossuet, se rit des prières qu’on lui adresse pour détourner les malheurs publics, lorsque dans le même temps on ne s’oppose pas à ce qui les génère.
- L’art cherche « à lier le beau et le bien »
- Islam : la nouvelle offensive des “Hijabeuses”...
- La gestation pour autrui, y compris à l’étrange...
- “On se dit « encore une fois, encore une ». Et...
- Proposition de loi visant à rétablir le droit à...
- Vers la suppression du milliard d’euros aux ass...
- Sous l’influence de l’Open Society Fondations,...
- « La justice de notre pays apparaît dans toute...
- Non-discrimination, neutralité, ces arguments f...
- Réponse aux diffamations du Monde