La prochaine encyclique sociale devrait paraître après Pâques, et porter largement sur les problèmes soulevés par la mondialisation. L'agence italienne Apcom croit pouvoir annoncer que ce document reviendra sur les encycliques de Paul VI Populorum progressio, quarante ans après sa publication, et Centesimus annus de Jean Paul II (1991).

La seconde partie serait consacrée aux grandes questions sociales du siècle : paix, pauvreté, développement, environnement. Pour Benoît XVI, la globalisation est moins un nouvel ordre mondial qu'un nouveau désordre , où la loi du plus fort se nourrit du relativisme éthique. Pour saisir la vision de l'Église sur le phénomène de la mondialisation, la meilleure synthèse parue à ce jour est le petit livre de Mgr Crepaldi, secrétaire (c'est-à-dire numéro deux) du Conseil pontifical Justice et Paix : La Mondialisation : une perspective chrétienne. En voici la présentation donnée par l'Observatoire Cardinal-Van-Thuân, traduite en français par Liberté politique.

CE LIVRE, paru cet été, offre un résumé de la pensée de l'Église sur la mondialisation. En un peu plus de cent pages, Mgr Giampaolo Crepaldi, secrétaire du Conseil pontifical "Justice et Paix", rassemble quelques-uns des principaux points soulevés par les papes Jean Paul II et Benoît XVI sur ce thème complexe, et d'autres éléments tirés des enseignements de l'Église.

Le livre, publié en italien par les Editions Cantagalli, est intitulé Globalizzazione : una prospettiva cristiana - "La Mondialisation : une perspective chrétienne". Le texte commence par souligner que l'Église n'a pas encore proposé une analyse systématique de la mondialisation. En revanche, il existe de nombreux discours et documents qui abordent la question.

L'absence d'un document du Magistère exclusivement consacré à la mondialisation ne signifie pas cependant que l'Église a négligé la question. Dans le passé, les encycliques sociales portaient sur l'application des principes sociaux universels aux activités économiques. Plus près de nous, la première analyse explicite de la mondialisation apparaît dans l'encyclique de Jean-Paul II parue en 1991, Centesimus annus.

La mondialisation affecte notre vie quotidienne, mais sa dynamique reste difficile à comprendre, explique Mgr Crepaldi dans le premier chapitre de son livre. Par exemple, les inégalités économiques entre pays et zones régionales sont-elles causées par la mondialisation, ou dérivent-elles plutôt de l'incapacité des nations les plus pauvres à entrer suffisamment dans un monde globalisé ? La compréhension de la mondialisation est notamment difficile parce que nous nous trouvons dans un processus encore en développement, et dont l'issue n'est pas claire.

Ce qui est certain, c'est que le problème le plus grave vient des carences de gouvernement de nos dirigeants par manque de vision éthique.

C'est précisément dans cette perspective éthique que l'Église offre sa contribution à la société. Jean-Paul II a fait remarquer que la mondialisation en soi n'est ni bonne ni mauvaise, mais que son impact dépendra de nos décisions. Par conséquent, gouverner la mondialisation appelle à la sagesse, et pas seulement selon des données empiriques, notait Jean-Paul II.

Un socle éthique commun pour guider la mondialisation devrait être fondé sur notre nature humaine universelle. Ce fondement anthropologique est important à reconnaître, afin d'éviter l'erreur du relativisme culturel en matière morale. Dans le contexte de la mondialisation, l'Église rappelle au monde la vérité de la nature humaine et la nécessité d'une solidarité universelle entre tous les peuples.

Trois erreurs

Mgr Crepaldi consacre un chapitre à l'étude de trois erreurs commises dans l'analyse de la mondialisation. La première d'entre elles, une sorte de déterminisme économique, consiste à considérer la mondialisation comme une sorte de processus inéluctable qui ne nous laisse aucune marge de manœuvre. On est ainsi submergés par un sentiment d'impuissance face à des changements qui surviennent hors de notre contrôle. Pour cette raison, il est nécessaire que les organisations internationales et les nations les plus puissantes n'imposent pas aux pays les plus pauvres et les plus faibles des changements économiques qui ne tiennent pas compte des besoins et des problèmes locaux.

L'Église demande également le respect des traditions et des cultures locales, pour ne pas imposer une mondialisation fondée uniquement sur des critères économiques. Il est également vital que la personne humaine soit le principal protagoniste du processus de développement. Cela suppose le plein respect de la liberté humaine et de ne pas réduire les personnes à de simples instruments économiques.

De cette façon, la mondialisation n'est plus perçue comme une question technique, mais comme un processus qui doit être guidé. Les processus économiques et techniques peuvent certainement nous rapprocher, mais pas nécessairement nous unir. S'ils sont considérés comme des absolus, ils risquent de diviser les hommes et les nations, pas de les unir.

La deuxième erreur est un réductionnisme qui consiste à imputer à la mondialisation tous les changements sociaux qui font problème, sans une analyse approfondie de chaque situation. L'impact de la mondialisation sur de nombreux aspects de notre vie ne peut être niée, admet Mgr Crepaldi, mais il est tout simplement faux de lui attribuer tous les malheurs du monde.

Ainsi, de nombreux pays ont profité de la mondialisation et leur progrès économique ne s'est pas nécessairement fait au prix de l'appauvrissement d'autrui. Les problèmes des pays sous-développés ont souvent leur origine dans une série de facteurs complexes, pas tous économiques.

La troisième erreur est semblable à la seconde, qui consiste à penser que désormais tout est mondialisé. Il y a cependant des secteurs de l'activité économique qui ne sont pas intégrés au niveau mondial. En outre, parallèlement au phénomène de globalisation, on constate un renforcement des identités locales et régionales.

Une nouvelle culture

Pour éviter ces erreurs, et bien d'autres encore à propos de la mondialisation, il faut une nouvelle culture qui puisse orienter les changements. Cette nouvelle culture a été invoquée à plusieurs reprises par Jean-Paul II qui a expliqué que celle-ci consiste à la fois à discerner les éléments culturels positifs déjà existants, et à en proposer de nouveaux.

Le discernement est nécessaire afin d'éviter une vision de la mondialisation qui se considère comme élément d'un processus postmoderne, dans lequel la liberté est donnée comme une valeur absolue, où la tradition et la religion sont niées. Pour sa part, l'Église propose une culture fondée sur une vision anthropologique qui a pour objectif la construction d'une humanité nouvelle.

La mondialisation a aussi apporté avec elle une attention nouvelle aux principes fondamentaux de l'enseignement social de l'Église, tel qu'il s'est développé au cours des dernières décennies. Des notions telles que la destination universelle des biens ou que le bien commun ont pris une importance nouvelle et qui devrait être prioritaire dans les débats contemporains.

L'Église a proposé aussi le concept d'autorité morale à propos de la mondialisation. L'évolution du monde a mis en avant des questions comme le progrès et la production des richesses à l'échelle de la planète, questions que l'on devrait i doivent être en quelque sorte réconcilié en fonction d'une hiérarchie des valeurs. Cela exige une bonne compréhension de la dignité humaine et des droits qui n'est pas possible, cependant, si l'on accepte un système fondé sur le relativisme éthique.

L'universalité des principes moraux dérive de notre nature commune. Discerner le contenu de ces principes n'est pas un processus facile. Mais si la mondialisation n'est pas guidée par des principes moraux, elle donnera lieu à toutes sortes d'injustices.

Solidarité

Un autre aspect essentiel de l'enseignement de l'Église sur la mondialisation est la promotion de la solidarité. Une solidarité mondiale fera en sorte que tous les peuples puissent bénéficier des changements économiques en cours. La solidarité chrétienne consiste à se faire nous-mêmes responsables du bien être d'autrui. Elle va au-delà de la pure compassion ou du sentiment, car elle appelle à une pleine réciprocité dans les relations humaines.

L'unité de l'humanité est évidente dès l'instant de la Création ; lorsque, comme nous le lisons dans la Genèse, Dieu a créé l'homme, nous avons donc un point d'origine commun. Notre destin commun est également évident dans l'incarnation du Christ, devenu homme pour sauver l'humanité.

Le message du Christ, non seulement met en évidence l'unité entre tous les hommes, mais aussi notre fraternité. En dernière analyse, l'unité humaine est fondée sur l'unité trinitaire. Vu dans cette perspective, l'interdépendance accrue résultant de la mondialisation prend une dimension nouvelle, qui la sauve d'un réductionnisme purement technique ou économique.

Parallèlement, la solidarité de l'Église enseigne aussi l'importance de la subsidiarité. Cela veut dire éviter une concentration excessive des pouvoirs à des niveaux plus élevés, permettant à des institutions telles que la famille, les communautés locales et les groupes ethniques, de jouir d'une autonomie suffisante pour assumer leurs fonctions.

La mondialisation doit donc être un processus guidé par le respect de la liberté humaine. Une mondialisation ainsi orientés selon des principes chrétiens donnera lieu à une harmonieuse unité de la famille humaine.

 

© www.vanthuanobservatory.orgGIAMPAOLO CREPALDI

Globalizzazione : una perspective cristiana

Edizioni Cantagalli, Siena 2006

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