Source [Le salon Beige] Le 22 février 2018, le cardinal Reinhard Marx annonçait, en tant que président de la conférence des évêques d’Allemagne, l’ouverture de la communion aux protestants mariés avec un catholique. Suite à cette prise de position, le cardinal néerlandais Willem Jacobus Eijk, archevêque d’Utrecht, a demandé une clarification au pape, le 7 mai 2018 dans une tribune publiée sur les sites National Catholic Register et La Nuova Bussola Quotidiana. Un an après cette tribune, Jeanne Smits est allée à la rencontre du cardinal Eijk. L’Homme nouveau publie l’entretien.
Vous avez employé des mots extraordinairement forts. Vous avez parlé de l’« apostasie dans l’Eglise ». Pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire?
J’ai cité le numéro 675 du Catéchisme de l’Eglise catholique. Parce que des cardinaux plaident pour la bénédiction des relations homosexuelles, j’ai renvoyé à ce numéro du catéchisme à la manière d’une mise en garde. On y lit que peu avant l’Apocalypse, des voix s’élèveront au sein même de l’Eglise, et même parmi les plus hautes autorités de l’Eglise qui exprimeront des opinions divergentes par rapport à la doctrine catholique. J’ai fait cela en guise d’avertissement : faisons attention à ne pas nous retrouver dans cette situation. Je dois dire que, à ma surprise, le cardinal Muller a repris cette idée: il a publié le 9 février dernier une déclaration sur les éléments fondamentaux de la foi catholique où il a également renvoyé au numéro 675. Il est aussi remarquable que mon interview et la citation complète aient également été reprises par Mgr Gänswein, lors de la présentation d’un livre de Rod Dreher, Le Pari bénédictin.
Tout cela a touché de nombreuses personnes et beaucoup se sont mises à y réfléchir. J’espère ainsi obtenir qu’un nombre croissant de personnes dans l’Eglise ouvrent la bouche et apportent la clarté, car de nombreux catholiques – mais vous le savez comme moi – sont réellement dans la confusion.
Le problème aujourd’hui n’est-il pas que de nombreuses personnes en position d’autorité ne disent rien ? Ce silence n’est-il pas la grande épreuve de notre temps ?
Oui, mais j’ajouterai que, s’il s’agit là du devoir des cardinaux et des évêques, les prêtres, diacres, laïcs et bénévoles qui œuvrent dans les paroisses n’en sont pas exempts. En règle générale, on constate parmi les catholiques une forme de timidité à afficher leur propre foi dans le Christ ainsi que les principes de la doctrine de l’Eglise. Parmi les catholiques néerlandais, cette timidité est même très forte. Cela s’explique certes par le fait que, pendant les siècles qui ont suivi la Réforme, nous avons été obligés de nous tenir cois : il nous était difficile d’exprimer ouvertement quelque point de vue que ce soit. Nous pouvions certes célébrer notre liturgie dans des églises clandestines, ce qui nous permettait de continuer de proclamer notre foi, mais nous étions obligés de le faire de manière très circonspecte, et cette attitude continue de se manifester parmi les catholiques aujourd’hui. Mais c’est une tendance que l’on constate également dans d’autres parties du monde.
Et même chez des parents…Or dans leur vie les enfants ne rencontrent pas d’abord un prêtre, mais leurs parents. Il est important que ces parents parlent très explicitement à leurs enfants de Jésus, de la prière, et des fondements de la foi.
Nous avons ici à midi et demi à la cathédrale une messe en anglais fréquentée par de très nombreux étrangers. On y voit tout un essaim de jeunes qui amènent aussi leurs enfants – ces jeunes ont souvent des familles – ce qui fait que la messe est aussi très animée, car on y voit de temps en temps un enfant commencer à courir, à crier, à pleurer ou je ne sais quoi – tout cela n’est vraiment pas grave. Mais ces enfants, mêmes s’ils ne comprennent pas ce qui est dit, voient déjà quelque chose du respect manifesté par leurs parents, par exemple au cours de la prière eucharistique pendant la consécration, où ceux-ci se tiennent complètement en silence. Les enfants le voient – et ce que l’on voit, ce que l’on apprend de ses parents en tant qu’enfant, on ne l’oublie jamais. Ce que l’on apprend plus tard, il arrive bien qu’on l’oublie… D’où la très grande importance de cette période pour l’apprentissage de la foi. Aussi j’aimerais appeler tous les parents à véritablement transmettre la foi à leurs enfants.
Je dois évidemment ajouter que l’une des causes du problème est que les parents eux-mêmes savent peu de choses de leur foi. Je dis toujours – et de nombreux prêtres s’y efforcent lors de la préparation au baptême – qu’il faut catéchiser les parents eux-mêmes au moment de la préparation des enfants à la première communion et à la confirmation : il faut en quelque sorte intégrer les parents. Il faut également qu’il existe un programme de catéchèse pour les parents.
J’ai moi-même fréquenté l’école secondaire à Amsterdam au cours de la deuxième moitié des années 1960 ; j’ai commencé en 1965. Les deux premières années, j’ai bénéficié d’un catéchisme excellent. Tout a commencé au cours de l’année 1967-68. Les cours de religion étaient encore dispensés par des prêtres mais on y parlait de tout sauf de la foi. C’étaient des séances de débat, on avait le droit de fumer, on discutait de l’avortement et de Che Guevara, et de je ne sais quoi encore – de tout ce qui était alors au centre de l’actualité. La foi n’était plus à l’ordre du jour. Et cela fait cinquante ans. La génération de ceux qui sont aujourd’hui grands-parents a déjà assez peu reçu. Et puis, que ne s’est-il passé au cours des années qui ont suivi ? Ainsi nous nous trouvons devant une tâche gigantesque. [Lire la suite]
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