Plus d’un Français sur deux ne s’est pas rendu aux urnes, hier. L’abstention affiche 51,29% !
S’il fallait interprèter les résultats ces 577 élections législatives en empruntant la pièce la plus populaire d’Edmond de Rostand, on pourrait choisir la célèbre « tirade des nez » de Cyrano de Bergerac :
« C’est un roc ! … c’est un pic … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … c’est une péninsule ! »
L’éditorialiste du Figaro, Paul-Henri du Limbert, n’en revient pas :
«Qui l’eût cru ? Qui l’eût dit ? Une formation politique qui n’existait pas il y a deux ans est donc en passe de rafler une insolente majorité à l’Assemblée nationale, bouleversant du même coup un paysage politique que l’on a longtemps pensé immuable »
La une de Libération montre un Emmanuel Macron songeur alors que la manchette emprunte le langage du banquier : « L’OPA » (Offre publique d’achat, NDLR).
Vos journaux régionaux évoquent « La déferlante Macron » (Paris Normandie), « Le big bang » (Le Télégramme et La Provence), « L’effet Macron » (La Dépêche du Midi), « Un coup de maître » (Le Parisien)…
D’autres soulignent l’hécatombe au Parti socialiste : « La gauche au fond du trou » (Libération Champagne), « Le PS boit la tasse » (Presse Ocean).
Les résultats définitifs publiés, dans la nuit, par le ministère de l’Intérieur sont sans appel !
Au niveau national, La République En Marche enregistre 32,32% des voix. Elle devance de loin le bloc Les Républicains-UDI-DVD (21,56%) et le Front national (13,2%).
La France insoumise et le PCF enregistrent 13,74% des voix au niveau national. Ils devancent le bloc PS-PRG-DVG qui n’obtient que 9,51% et qui voit de nombreux de ses ténors disparaître du Palais-Bourbon. C’est notamment le cas du patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, de l’ancien candidat PS à la présidentielle, Benoît Hamon, et d’une très longue liste d’anciens ministres socialistes. Seuls ceux qui n’avaient pas de candidat LREM en face s’en sortent. 95 députés PS sortants sont éliminés !
Les projections en sièges ne laissent aucune place pour le doute, En Marche n’aura besoin de personne pour gouverner !
La République En Marche obtiendrait entre 415 et 445 sièges, la majorité absolue étant de 289 sièges.
Les Républicains, l’UDI et divers droite auront entre 80 et 100 sièges.
Des miettes pour les autres, 30 à 40 sièges par exemple pour le PS et ses alliés, 10 à 20 pour La France insoumise et le PCF, 1 à 4 pour le Front national qui perd 4 millions de voix par rapport à la présidentielle.
Les personnalités battues ou en très grande difficulté pour le second tour sont…
La figure la plus emblématique du coup de balais géant est, nous l’avons écrit, Jean-Marie Cambadélis à Paris, qui devra sans doute rendre des comptes et quitter la direction du PS. Conséquence directe de cette hémorragie, le Parti va se retrouver au régime sec, ne bénéficiant plus du financement public à la hauteur qui était la sienne jusqu’à présent. La vente du siège, rue de Solférino, est envisagée pour colmater le gouffre béant qui s’annonce dans les finances du parti et qui passera forcément par des licenciements en masse de permanents. Là encore, tout un symbole !
On notera aussi à gauche, les défaites de Patrick Mennuci, balayé par Jean-Luc Mélenchon (Bouches-du-Rhône), d’Elisabeth Guigou (Seine-Saint-Denis) ou du frondeur Laurent Baumel (Indre-et-Loire) mais aussi de nombreux anciens ministres comme Aurélie Filippetti (Moselle), l’éphémère Matthias Fekl à l’Intérieur (Lot-et-Garonne), Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle), Juliette Méadel (Seine-et-Marne), Ségolène Neuville (Pyrénées-Orientales) ou Clotilde Valter (Calvados).
Les anciennes ministres écologistes Cécile Duflot à Paris, et Emmanuelle Cosse en Seine-Saint-Denis sont également emportées par la vague Macron.
Myriam El-Khomri, candidate socialiste pourtant soutenue par En Marche, arrive en seconde position et n’obtient que 20% des voix. Un ballottage très défavorable car le candidats des Républicains Pierre-Yves Bournazel, Macron compatible également, vire en tête avec 38% des voix.
Quant à Najat Vallaud-Belkacem, ce sera très très dur au second tour malgré l’optimisme forcé qu’elle affichait hier soir en triturant les chiffres dans tous les sens. Elle a une vingtaine de points à remonter pour battre le candidat En Marche dans le Rhône.
Enfin, autre figure emblématique de la gauche, l’ancien Premier ministre Manuel Valls a recueilli un quart des suffrages exprimés dans la 1re circonscription de l’Essonne. Cela le place en tête. Dimanche prochain, il sera opposé au second tour des législatives à Farida Amrani (La France insoumise).
Pour l’anecdote, Dieudonné et Francis Lalanne sont éliminés…
À droite, Nathalie Kosciusko-Morizet est en très mauvaise posture à Paris puisqu’elle n’obtient que 18% des suffrages contre 41% au candidat LREM Gilles Le Gendre.
C’est dans cette 2e circonscription de Paris que se présentait l’ancienne plume et ex-conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino. Les électeurs l’ont renvoyé à ses rêves en ne lui accordant que 4,5% des suffrages.
Invité de BFMTV, hier soir, Henri Guaino s’est livré à une violente diatribe contre les électeurs de cette circonscription qui rassemble le 5e, le 6e et une partie du 7e arrondissement de Paris : « L’électorat qui a voté dans la deuxième circonscription de Paris est à mes yeux à vomir. Vous m’entendez bien », expliquait-t-il. « Entre les bobos d’un côté qui sont dans l’entre soi, dans un égoïsme social… et puis il y a cette espèce de bourgeoisie traditionnelle de droite, vous savez celle qui va à la messe, qui envoie ses enfants au catéchisme et qui après vont voter pour un type qui pendant 30 ans s’est arrangé et qui a triché, voilà quoi ».
Henri Guaino qui précise qu’il se retire de la vie politique.
Dans les Yvelines, Jean-Frédéric Poisson (LR-PCD) a 27 points de retard sur Aurore Bergé (LREM, ex-LR) qui rate la victoire à quelques centaines de voix.
Rama Yade est balayée dans le Loir-et-Cher.
Au Front national, c’est Nicolas Bay, le secrétaire général du parti qui encaisse la plus lourde défaite. Alors qu’il s’était présenté dans la circonscription de Seine-Maritime où Marine le Pen avait réalisé le meilleur score à la présidentielle, il n’est même pas qualifié pour le second tour. Élimination aussi pour le comédien Franck De Lapersonne dans la Somme. Pour Florian Philippot, Gilbert Collard ou Louis Aliot, la situation au second tour est très compliquée dans la mesure où ils auront des duels et non des triangulaires qui leur auraient été plus favorables.
En revanche, Marine le Pen largement en tête dans le Pas-de-Calais, avec 46% des voix devrait l’emporter dimanche prochain.
Le duel le plus serré dimanche prochain…
Ce sera dans la 2e circonscription du Gard où 48 voix seulement, oui 48, séparent le député sortant Rassemblement Bleu Marine Gilbert Gollard et la célèbre torera Marie Sara (MoDem investie par LREM).
Avec 13.991 voix, Gilbert Collard totalise 32,27 des suffrages exprimés contre 32,16% pour Marie Sara et ses 13.943 voix.
Carton (presque) plein pour les ministres du gouvernement Philippe qui étaient candidats
La règle avait été clairement édictée par le couple en charge du pouvoir exécutif, tout ministre battu aux législatives devra démissionner
La question se posait notamment pour Richard Ferrand, dont le nom apparait depuis quelques semaines dans une affaire immobilière pour laquelle le parquet de Brest a ouvert une enquête préliminaire.
Non seulement Richard Ferrand arrive largement en tête dans sa circonscription mais il améliore son score du 1er tour par rapport à 2012.
Bruno Le Maire, Marielle de Sarnez, Christophe Castaner (porte-parole du gouvernement) ou encore le benjamin de l’équipe,
Mounir Mahjoubi Tombeur de Jean-Christophe Cambadélis sont en passe d’être élus ou réélus dimanche prochain.
Seule Annick Girardin, ministre des Outre-Mer est en ballottage très serré à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Conclusion du Premier ministre Edouard Philippe hier soir, alors qu’Emmanuel Macron s’est abstenu de tout commentaire :
« La France est de retour ».
« Le message des Français est sans ambiguïté », s’est félicité Edouard Philippe.
« Dimanche prochain, la République sera forte, la République sera rassemblée, La République sera attentive aux besoins de chacun. La République française » a conclu le Premier ministre.
Source : Boulevard Voltaire