Depuis le 1er avril dernier, l'euthanasie est légale aux Pays-Bas, et le Parlement belge se prépare à suivre leurs voisins néerlandais en la dépénalisant la " mort douce ". En France, l'hôpital de Besançon est au centre d'une grave crise interne à la suite d'un rapport de l'Inspection de la santé publique qui a découvert l'existence de " pratiques visant à accélérer le processus de fin de vie ".
Pourtant, deux évènements majeurs contrarient le forcing des partisans européens du " droit au suicide ". Le 18 avril, le Comité des Ministres réunissant les 43 pays membres du Conseil de l'Europe ont approuvé un texte de résolution condamnant résolument le recours à l´euthanasie. Puis, le 29 avril, la Cour européenne des Droits de l'homme rejetait la demande de la Britannique Diane Pretty concluant à l'unanimité à l'inexistence de tout prétendu droit à l'euthanasie.
Très fermement, la résolution adoptée par le Conseil de l'Europe encourage " les États membres du Conseil de l´Europe à respecter et à protéger la dignité des malades incurables et des mourants à tous égards [...] en maintenant l´interdiction absolue de mettre intentionnellement fin à la vie des malades incurables et des mourants ".
Dans un communiqué, le Centre français pour la justice et les droits fondamentaux-CFJD considère que c'est là une condamnation ferme de l'euthanasie dite active, c'est-à-dire pratiquée par l'administration délibérée de substances mortifères, et également de l'euthanasie dite passive, c'est à dire par l'arrêt volontaire d'un traitement nécessaire au maintien de la vie, dès lors que les actes dits d'euthanasie passive entrent dans le cadre des " actions destinées à entraîner la mort ".
Victime d'une maladie incurable très avancée entraînant une paralysie des muscles, Diane Pretty contestait devant la Cour le refus de la justice britannique à lui reconnaître un " droit à se suicider ". En effet, le droit anglais ne considère pas le suicide comme une infraction, mais la maladie de Mme Pretty l'empêche de commettre cet acte sans une aide considérée comme une infraction. Elle souhaita pouvoir obtenir l'assistance de son mari mais, invitées par elle à prendre l'engagement que ce dernier ne sera pas alors poursuivi, les autorités anglaises refusèrent d'accueillir la demande, malgré les recours.
S'appuyant sur plusieurs articles de la Convention européenne des Droits de l'Homme, Mme Pretty plaidait qu'il appartient à chaque individu de décider s'il veut vivre et que, corollaire du droit à la vie, le droit de mourir est également garanti (1). Qu'en conséquence, l'Etat doit aménager le droit interne afin de lui permettre d'exercer cette faculté. Par ailleurs, elle considère que le refus des autorités de prendre l'engagement sollicité est une atteinte à son droit d'exprimer ses convictions. Enfin, que l'interdiction générale frappant le suicide assisté entraîne une discrimination à l'égard des personnes qui ne peuvent se suicider sans aide, puisque les individus valides peuvent légalement exercer le droit de mourir.
La Cour a répondu en substance que les diverses dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme ne sauraient être interprétées comme conférant un droit à mourir ni créer un droit à l'autodétermination donnant à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que la vie. Par ailleurs, la Convention ne confère nullement à l'individu un droit à exiger de l'Etat qu'il permette ou facilite son décès. Admettre une obligation positive reviendrait à obliger l'Etat à cautionner des actes visant à interrompre la vie, obligation qui ne peut être déduite des textes.
La Cour, en posant ces principes, admet une souplesse dans ces principes : " Il ne paraît pas arbitraire que le droit reflète l'importance du droit à la vie en interdisant le suicide assisté tout en prévoyant un régime d'application et d'appréciation par la justice qui permet de prendre en compte dans chaque cas concret tant l'intérêt public à entamer des poursuites que les exigences justes et adéquates de la rétribution et de la dissuasion. "
Dans ce long arrêt détaillé de toutes les précédentes affaires sur des thèmes connexes, la CEDH prend partie de manière forte contre les arguments promouvant le suicide comme un " droit fondamental " de l'homme.
Devant ces rappels très nets issus des plus hautes instances européennes, on peut s'interroger sur les dernières tentatives de l'ex ministre français délégué à la Santé Bernard Kouchner, pour banaliser les pratiques dites de " fin de vie ", en confondant la légitime prévention de l'acharnement thérapeutique, et les pratiques euthanasiques.
L'avenir dira ce qu'en pense son successeur, Jean-François Mattei. L'affaire de Besançon se chargera de lui rappeler la gravité des menaces qui pèse sur les malades en fin de vie.
[Avec la Fondation Jérôme-Lejeune et le CFJD-Centre français pour la justice et les droits fondamentaux]
(1) Depuis, son mari a annoncé la mort naturelle de Diane Pretty, le 11 mai dernier (NDLR).
- L'impossible mémoire du communisme en Europe
- Narnia ou les chroniques d'une théologie anonyme
- Turquie : le grain de sable du génocide arménien
- Le pirate, le juge et le bourreau : Que ta volo...
- La France, l'Europe et le communisme : une mémo...
- Conjoncture : les entreprises attendent plus d'...
- 11-septembre. L'Occident s'interroge : pourquoi...
- La lutte contre le terrorisme invite à repenser...
- L'œil du photographe sur les affiches officiell...