La pénurie alimentaire mondiale devient de plus en plus inquiétante et les prix agricoles sont à la hausse. Comment résoudre la crise ? Une fois de plus, catholiques et malthusiens s'affrontent.
L'AGGRAVATION de la situation alimentaire inquiète de plus en plus d'observateurs. Le 16 mai à New York, l'Observateur permanent du Saint-Siège près l'ONU, a pris la parole au cours de la XVIe session de la Commission sur le développement soutenable du Conseil économique et social. Mgr Celestino Migliore a recommandé l'investissement dans des programmes d'agriculture soutenable à long terme, tant locaux qu'internationaux.
Cet effort – a-t-il précisé — doit prendre en considération la grave question des prix alimentaires, de la distribution et des productions de par le monde et en Afrique tout particulièrement . Rappelant que 70 % des pauvres vient dans zones rurales frappées de dénutrition chronique, il a souligné l'importance de traiter le problème global avec autant d'attention pour les producteurs que pour les consommateurs... En investissant mieux sur les petits producteurs agricoles, on accroîtra la production de manière soutenable, ce qui permettra de résoudre le fléau de la faim ou de la malnutrition chroniques qui pénalise certaines régions du globe . Une analyse de confiance, bien différente de celle de Bernard Perret dans le quotidien catholique La Croix du 14 mai, qui publie un étrange éloge du malthusianisme le plus radical.
Pour cet économiste en effet, Malthus était prophète. Trois raisons expliquent selon lui la hausse des prix alimentaires : L'explosion de la consommation de viande et de produit laitier dans les économies émergentes d'Asie, la concurrence des biocarburants pour l'utilisation des surfaces agricoles et enfin les mauvaises récoltes dues aux accidents climatiques. L'empreinte écologique
Bien que la diffusion des progrès techniques, due à la croissance démographique — on oublie toujours de le rappeler — a montré que la théorie des rendements décroissants de Malthus était fausse, Bernard Perret reprend l'argument — malthusien — de certains écologistes issu du concept d'empreinte écologique . Le calcul est simple et a l'apparence de l'évidence. L'empreinte écologique est un indicateur qui mesure la surface des sols et d'océans nécessaire pour répondre aux besoins de consommation d'une population donnée compte tenu des techniques actuelles .
Le calcul montre qu'un Européen a besoin de cinq hectares et un Américain plus du double. Sur la base des standards de vie américains et pour des projections démographiques à neuf milliards d'individus, il faudrait ainsi cinq planètes pour nourriture l'ensemble de la population mondiale. L'auteur en conclut qu'il est urgent de réduire la croissance démographique. Mais le vice de raisonnement est patent.
Il existe une corrélation étroite et vérifiée entre progrès technologique et croissance démographique, une corrélation attestée par de nombreux travaux d'experts. Or Bernard Perret fait comme si le progrès technologique devait s'arrêter alors que la croissance démographique elle-même se poursuivrait. Une hypothèse aussi incertaine que la croissance démographique dont on voit aujourd'hui qu'elle a commencé sa décrue, contrairement aux projections alarmistes du siècle dernier.
Nous avons certes un problème de déchets et de rejets, qui appelle un changement des comportements. Mais de même que l'Inde a réussi sa révolution verte, tout laisse penser que le monde réglera ses problèmes de nuisances comme Naples ceux de ces ordures ! L'homme domine la nature, certes imparfaitement, mais il n'est pas dit que la nature sans l'homme, et ses faiblesses, se porterait mieux.
Pour en savoir plus :
■ Dans cette édition, Afrique : les cultures d'exportation ne nuisent pas aux cultures vivrières , par Jean Flouriot (Décryptage, 23 mai 2008)
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