Source [Le Figaro] La Maire a décidé que la capitale devait devenir une ville 100 % vélo. Elle multiple les aménagements au détriment des autobus qui, pourtant, transportent des millions de voyageurs chaque jour.
Vous avez décidé de venir à Paris en TGV, en Thalys, en Eurostar? Mais quelle folie! Et qui plus est, vous voyagez avec des bagages? Vous aimez vraiment les complications. Vous voilà donc sur le quai de la gare du Nord, avec l’idée saugrenue que vous pourrez y trouver un taxi. Hélas, les voitures sont à l’arrêt et la queue est interminable. Serait-ce que les taxis soient en panne? Que nenni! Ils sont bien là, mais ils ne parviennent pas à s’extraire de la gare. Le plan de circulation est ainsi fait que le tuyau de sortie est plus étroit que le tuyau d’entrée. Tout phlébologue vous dirait que ce déséquilibre pose un problème. Faut-il dès lors poser un stent à la rue 8-mai-1945 pour fluidifier le trafic? Ou revoir les accès? Hélas, en matière de mécanique des fluides, on n’est pas très fort à la Mairie de Paris. Il semble même que plus il y a de caillots, plus on s’en réjouit. On frise même le trouble du comportement, tant le plaisir à multiplier les engorgements est manifeste.
Vous voilà donc contraint d’opter pour une solution de repli: l’autobus. Ils sont nombreux à passer devant la gare du Nord. Hélas encore, comme les taxis, ils sont coincés dans un inextricable bouchon. Il vous resterait bien le Vélib’, mais vous avez des valises, et quand bien même vous n’auriez emporté qu’un léger sac, ces bicyclettes n’ont pas de porte-bagages! Alors le métro? Vous vous enfoncez dans ses escaliers en charriant tant bien que mal votre équipage - vous verrez, le passage des tourniquets les mains encombrées est un sport à soi seul. Si vous arrivez à Paris gare de l’Est, vous connaîtrez les mêmes embarras. Alors que les avenues devant la gare étaient larges et sans embouteillages, la Maire de Paris a réussi à faire un nouveau plan de circulation qui provoque des congestions automobiles où se coincent aussi bien les autobus, les taxis que les VTC.
Pour arriver à la gare et attraper son train, attendez-vous au même combat, et prévoyez du temps. L’accès à la gare de Lyon, par exemple, est devenu quasiment impossible. À tel point que, en off, les associations de handicapés le conseillent: pour aller en province, il vaut mieux prendre l’avion! À la Mairie de Paris, on ne s’émeut pas de ces critiques. Le temps que vous perdez n’est pas le sien. D’ailleurs, on valide ces incohérences avec fierté: le but du jeu n’est pas de faciliter la circulation autour des gares, mais «d’empêcher les véhicules particuliers d’y accéder», comme nous l’a fièrement confié un adjoint d’Anne Hidalgo.
C’est ainsi: entrer dans Paris se mérite, et en sortir relève de la gageure. Pour satisfaire son électorat bobo (celui-là même qui ne veut pas de voitures dans sa rue, mais veut que sa commande faite sur internet soit livrée dans l’heure), Anne Hidalgo a décidé de restreindre l’accès à la capitale. Plus surprenant, elle en a aussi condamné la sortie. Les aménagements récents de la porte de Clignancourt et de la porte de Saint-Ouen en témoignent. Le boulevard Ornano, en direction de la banlieue, est devenu un bouchon permanent qui s’étend sur plusieurs centaines de mètres. Les riverains sont ravis. Cherchez l’erreur!
À Paris, pour vivre intra-muros, il faut désormais être jeune, valide, en bonne santé et avoir de bonnes jambes. Si vous êtes handicapé, âgé, que vous ayez du mal à marcher, que vous soyez un papa ou une maman avec deux enfants en bas âge dans une poussette, que vous soyez un artisan, un livreur, un infirmier libéral… Anne Hidalgo vous le conseille: déménagez! Paris n’est plus pour vous. Vous ne savez pas faire de vélo, vous avez peur du deux-roues? Ou de vous brûler les poumons en pédalant à côté des voitures coincées dans les bouchons? Tant pis pour vous! Jacques Chirac voulait réduire la fracture sociale, Anne Hidalgo a décidé de la réinventer. Curieux, pour une femme si à gauche. Et si vous n’avez pas compris la leçon, c’est au martinet que vous serez rééduqué.
En visite récemment le long du canal Saint-Martin, Madame le maire a réaffirmé sa promesse de campagne: débarrasser les quais des véhicules. En langage électoral, cela s’appelle «une piétonnisation douce». Mais c’est sans douceur que la Mairie a concocté un nouveau plan de circulation, sans concerter ni prévenir les riverains ou les commerçants que les livreurs n’arrivent plus à atteindre. Tout cela, selon l’édile, pour «faire comprendre aux Parisiens les principes de base» qui doivent désormais «intégrer un nouveau mode de fonctionnement».
Le plus étonnant de cette politique reste la guerre faite aux autobus, moyens de transport pourtant économes, de plus en plus écologistes avec les véhicules hybrides, qui peuvent transporter des milliers de personnes par heure, et qui plus est, sont très faciles d’accès… Mais il y a là trop d’avantages pour l’usager. Et la direction de la voirie de la Mairie de Paris ne cache pas son mépris pour les autobus. Pour preuve, en une année seulement, les nouveaux aménagements urbains imaginés pour leur circulation n’ont fait que ralentir leur vitesse commerciale. Les lignes les plus fréquentées, appelées Mobilien, ont vu leur vitesse se réduire de 10,28 km/h à 9,80 km/h. Et pour les autres lignes, de 10,87 km/h à 10,59 km/h. Cela paraît peu mais un seul kilomètre de baisse de vitesse commerciale, ce sont plusieurs minutes de perdues par les passagers sur chaque trajet et des millions d’heures de travail qui partent en fumée sans amélioration du service. Oubliés les 13,7 km/h que connaissaient les autobus il y a seulement quelques années! Ils roulent aujourd’hui à une moyenne de 10,55 km/h et, le soir, à l’heure de pointe, à 9,26 km/h. Le constat est sans appel, même si la RATP se fait tirer l’oreille pour admettre cette décélération.
C’est d’ailleurs le silence de la RATP sur la question qui nous a poussés à vouloir entrer dans le détail. Nous avons étudié l’exemple de la ligne 95, très fréquentée, qui va de la Porte de Montmartre à la Porte de Vanves en passant par la gare Saint-Lazare et par la gare Montparnasse. Son trajet a été dévié du jour au lendemain pour éviter la rue d’Amsterdam. C’est que cette artère a été dévolue aux vélos. Bien évidemment, la RATP a oublié d’en informer les usagers. Le site internet continue d’afficher les mêmes arrêts. Les protestations des riverains, des commerçants et des entreprises résidant à cette adresse, et surtout celles d’un très important centre médical, n’ont eu aucun effet. De toute façon, il est dans la psychologie d’Anne Hidalgo de ne jamais faire marche arrière, même, et surtout, si elle a tort. Cette simple déviation a ajouté quatre minutes de temps de transport au bus 95. Deux minutes par ci, quatre minutes par là, en bout de ligne cela fait du temps, au point que les feuilles de service des chauffeurs ont dû être modifiées. Entre 2016 et 2020, pour aller de la Porte Montmartre à la gare Montparnasse, le 95 a besoin de 18 minutes supplémentaires. Quand il lui fallait une heure douze, il a désormais besoin d’une heure trente pour parvenir à destination. Et que dire du 54 qui a besoin de trente-huit minutes de plus pour aller d’un bout à l’autre de sa ligne?
Anne Hidalgo s’en moque, au prétexte que la gestion des autobus ne dépend pas d’elle. C’est la Région qui est l’autorité organisatrice du réseau, avec à sa tête sa grande rivale, Valérie Pécresse
Par ailleurs, pour créer ses nombreuses pistes cyclables, la Mairie a sacrifié des couloirs de bus. Résultat: les temps de transport se sont allongés avec la queue des bouchons. Mais qu’importe! Anne Hidalgo s’en moque, au prétexte que la gestion des autobus ne dépend pas d’elle. C’est la Région qui est l’autorité organisatrice du réseau, avec à sa tête sa grande rivale, Valérie Pécresse. Enfin, et surtout, elle considère que les passagers des autobus ne représentent pas son électorat, son «cœur de cible». Pas assez jeune, pas assez geek, pas assez connecté, pas assez fashion, pas assez dans le vent.
La Mairie fait des gorges chaudes du compteur à vélo, placé en grande pompe devant l’hôtel de ville, et qui affiche le nombre de passages par jour. Pourquoi n’affiche-t-elle pas aussi les chiffres de la ligne de métro, placée sous cette même rue de Rivoli? Soit, en temps normal, 500.000 personnes par jour? Ou ceux des lignes de bus qui transitent ici? Soit 120.000 personnes par jour? Hélas, ces mêmes autobus sont désormais coincés dans l’unique file de circulation qui existe encore, et engouffre pêle-mêle livreurs, taxis, voitures particulières des riverains et professionnelles. Le reste de la chaussée, soit 7,2 m de large, est exclusivement réservé aux vélos. Et lorsque la rue de Rivoli longe les jardins des Tuileries, la piste cyclable a été agrandie jusqu’à… 11 mètres de large! Et tandis que les cyclistes s’amusent à tirer des bords, les véhicules motorisés, thermiques ou électriques, font du surplace.
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