Source [Info Catho] Le sujet est encore peu abordé. Mais il est probable qu’il le soit un jour.
En effet, certaines célébrations liturgiques chez les catholiques orientaux présentent un aspect « occidental » accentué : usage de l’autel face au peuple, communion sous une seule espèce, simplification des prières, utilisation de musiques profanes, etc. Certes, cette situation n’est pas totalement répandue et les doses de « sécularisation » sont variables. Les ajouts profanes n’empêchent pas toujours le maintien d’une sacralité propre aux liturgies orientales. Dans certaines communautés, on a mis un point d’honneur à garder une liturgie conforme à sa tradition, qu’il s’agisse des melkites ou des arméniens catholiques. Mais dans d’autres communautés, l’impression qui est ressort est celle d’avoir assisté à la célébration d’une messe Paul VI avec un côté exotique prononcé. Le fidèle occidental croyait rencontrer des célébrations ayant une forte sacralité : il retrouve une trivialité vécue dans bien des églises latines.
Les causes sont évidemment complexes. Il y a bien sûr le rôle des latinisations préconciliaires. Elles ont paradoxalement continué après le concile Vatican II (1962-1965). Ainsi, un usage comme l’agenouillement lors de la consécration, qui n’existait que dans quelques communautés gréco-catholiques ukrainiennes, s’est introduit dans certaines liturgies orientales. Dans d’autres cas, au lieu d’emprunter certains éléments et pratiques propres à la forme extraordinaire du rite romain, les célébrations orientales reprennent certaines mondanités constatées dans les célébrations européennes. L’oriental conserverait-il malgré tout le complexe du minoritaire ? La question reste posée.
Il y a aussi la volonté de simplifier les célébrations pour les rendre accessibles. C’est un souci légitime, mais qui peut traduire une impasse sur la dimension spirituelle de la liturgie en mettant trop facilement l’accent sur ce qui est encore perçu comme une obligation sociale. Ce souci a pu augmenter avec la présence plus nombreuse de fidèles de rite latin qui communient parfois dans la main. Il faut aussi compter avec une catéchèse déficiente, due parfois aux déplacements et à la disparition des « cadres » ecclésiaux. Il y a ensuite un certain effondrement de la vie doctrinale et spirituelle : les simplifications liturgiques s’inscrivent alors dans un relâchement constaté dans certaines Églises (mais pas dans toutes, heureusement). On notera qu’un parallèle peut être fait entre la liturgie et le maintien d’une vie monastique : l’effondrement de cette dernière va de pair avec une plus faible attention pour la liturgie. Inversement, là où cette vie reste importante, on note que l’identité liturgique et spirituelle est assez préservée. Bien sûr, des exceptions peuvent être notées (cas des maronites).
Enfin, il faut noter des influences occidentales croissantes : les évêques et les prêtres des Églises orientales croisent souvent leurs homologues d’Europe ou des États-Unis et ils ont parfois étudié dans ces pays. Ils peuvent alors être plus sensibles à certaines pratiques pastorales. Enfin, un dernier vecteur de sécularisation du rite reste assez peu souligné : la volonté de plaire aux occidentaux à cause des récentes souffrances subies en Orient. Malgré leur affaiblissement, les Églises européennes disposent encore de moyens financiers et matériels. Autrement dit, une dictature feutrée et subtile du carnet de chèques…
Ces dénaturations posent de sérieux problèmes, y compris du point de vue ecclésiologique. Elles contredisent explicitement Vatican II, qui avait été particulièrement ferme sur la préservation des rites orientaux : « Que tous les Orientaux sachent en toute certitude qu’ils peuvent et doivent toujours garder leurs rites liturgiques légitimes et leur discipline, et que des changements ne doivent y être apportés qu’en raison de leur progrès propre et organique. Les Orientaux eux-mêmes doivent donc observer toutes ces choses avec la plus grande fidélité ; ils doivent donc en acquérir une connaissance toujours meilleure et une pratique plus parfaite. Et s’ils s’en sont écartés indûment du fait des circonstances de temps ou de personnes, qu’ils s’efforcent de revenir à leurs traditions ancestrales » (décret Orientalium Ecclesiarum du 21 novembre 1964, numéro 6). Or il faut bien reconnaître que certaines évolutions sont difficilement compatibles avec ce « progrès propre et organique » qui peut être nécessaire. Pourtant, si l’Église veut respirer par ses deux poumons, elle ne saurait vivre que par un seul de ces poumons. Daech et l’islamisme ne sont pas les seuls ennemis des Églises orientales. Alors que certaines persécutions ralentissent, il serait dommage que nos frères d’Orient perdent leur identité.
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