Article rédigé par Yves Meaudre, le 22 avril 2005
Notre pape, notre immense pape ! Celui qui a forgé et déterminé toute notre vie d'adulte, l'essentiel de notre existence. Celui qui a éduqué complètement nos enfants - génération de Jean Paul II -, qui les a protégés de la désespérance, leur a rendu la joie, cette joie bernanosienne, héroïque et confiante.
La joie de se savoir aimé infiniment, fidèlement. La joie, rempart et base d'assaut contre des forces follement agressives et haineuses de notre XXe siècle. La mort a été toujours en échec devant Jean Paul II, toujours.
Est-ce un hasard si le siècle que nous venons de quitter a vu s'effondrer dans un grand fracas de bête blessée à mort, les deux athéismes universels qui ont terrorisé la planète et commis plus de meurtres que tous les siècles précédents réunis ?
On se souvient du premier cri de délivrance du cavalier blanc à nos troupes timides et passablement fatalistes : "N'ayez pas peur !" Suivi de "l'implosion" de la plus puissante des armadas, transformée en quelques jours en amas de tôle rouillée et de soldats clochards vendant à l'encan leurs uniformes et leur matériel de campagne ! Pour ma génération qui s'est consacrée à lutter contre le marxisme, comme la génération de nos pères s'est battu contre le nazisme, on ne dira jamais assez la dette que nous avons pour notre pape Jean-Paul.
"Rien ne résiste aux forces de la prière" disait Jean-Paul II. On l'a vu sous nos yeux, notre génération en est le témoin. Et nous sommes au début d'un instant de grâce, d'une pluie de bénédictions car il est face à son Dieu, face à face.
Il a maintenant toutes les libertés pour plaider avec vigueur pour le salut du monde. Notre deuil joyeux doit dire et redire à ceux qui craignent pour la tâche de son successeur : "Ne pleure pas, il t'écoute, il te regarde, il est plus présent qu'il ne l'était, limité alors par la maladie et les capacités imparfaites de notre nature corporelle, il est tout à toi, attentif à la moindre de tes prières, de tes souffrances, Joyeux parfaitement de ta joie imparfaite, tel que Dieu l'a voulu dans sa perfection... " Je reprends ainsi l'esprit de la magnifique lettre de Charles de Foucauld à sa sœur, Madame de Blic, venant de perdre son fils chéri.
Non, il ne faut pas pleurer lorsqu'un saint et un saint aussi considérable que Jean Paul II vient d'arriver au Ciel. Car son travail entamé dans la foi, va se démultiplier dans la réalité où il est. On imagine la fête considérable, "la teuf !" comme le disent trivialement mes enfants -ses enfants - que cela a dû être...
Les anges et les archanges, Notre-Dame et ses parents, sa maman dont la séparation laissa en son cœur une blessure qu'il évoquera jusqu'au dernier jour, son père qui lui a montré les chemins de la prière, son frère médecin et sa sœur inconnue.
Et le cardinal Wyszynski qui lui a dit ce matin d'octobre 78 : "Karol si ton nom vient, dis oui !" Ce oui comme le Oui de l'Annonciation. Ce oui qui a permis de faire rentrer le monde "dans l'Espérance".
Tous l'ont emmené au milieu des trompettes et des tambours vers son Seigneur qu'il a si intégralement servi, si parfaitement suivi. Le cardinal Ratzinger ponctuera son homélie du 8 avril de cinq exhortations, cinq fois la même : "Suis moi." Avec courage et détermination, avec une confiance absolue, Jean Paul II a suivi. Il a ramassé toute son existence, heure par heure pour l'offrir hic et nunc à la volonté de son maître. C'est impressionnant. Avec un courage déterminé, il a terrassé les têtes de la bête qui sifflaient la haine, le meurtre et le mensonge.
Il a donné une signification magistrale lors des dernières heures à la souffrance, à la fécondité de la souffrance lorsqu'elle est offerte en oblation, à la signification mystique de la mort. Tous les systèmes qui encombrent le fonctionnement du monde ont été évacués par son témoignage. Le culte du corps, l'hédonisme, le culte de la réussite et de l'argent, le pouvoir, la santé comme finalité ont été rencardés publiquement pour magnifier la dignité intrinsèque de l'Homme. Il a exposé ses limites, sa "déchéance" comme une réalité incontournable de la nature humaine en la transfigurant par l'oblation publique, offrant comme le Christ la nudité de sa souffrance, en vérité, à la vision de la terre entière. Tous les malades, tous les mourants ont senti combien leur état, loin de les réduire à la chosification, obligeaient l'humanité à un sursaut d'amour et de tendresse. Les souffrants : nos docteurs en Évangile. Je suis subjugué par une telle identification à la passion du Christ, une telle obéissance au plan de Dieu.
Sa vie est au sens exact, un martyre. Dès l'enfance, à peine à sept ans - et Dieu sait si à cet âge on est conscient de l'amour reçu - il perd sa mère. Adolescent, son frère, jeune médecin meurt subitement après avoir soigné des malades contagieux ; tout jeune homme, il perd un père admiré, éducateur parfait. Le voilà seul, confronté aux athéismes planétaires qui semblent invincibles.
On a la vision du " sportif de Dieu ". Pourtant, ces années seront courtes : trois ans et demi ! pour un pontificat qui durera plus d'un quart de siècle ! Il ne cessera pas de souffrir. Et cela, de plus en plus durement. À chacune des étapes limitant encore plus les possibilités de son corps à servir son apostolat, il utilisera cette faiblesse pour rappeler à un monde hédoniste et morbide l'infinie dignité de l'homme de la conception à la fin naturelle. Son corps offert enseignant ce que la parole ne pouvait exprimer.
Il s'est "enciellé" à la vigile de la fête qu'il avait instituée. Celle de la Miséricorde, car c'est la miséricorde qui ressuscite l'humanité. Et nous sommes en pleine résurrection.
Chacun des mystères du rosaire, y compris les mystères qu'il a proposés, les lumineux, a été vécu en esprit, avec son âme et dans son corps.
Oui bien sûr ! même si les témoignages de miracle comme ceux du petit Heron Badillo au Mexique ou du cardinal Marchisano, affluent, la vox populi a cent fois raison en réclamant : Santo subito !
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