Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 janvier 2003
L'éthique du vivant est réglementée par les lois de bioéthiques de 1994 qui prévoyaient une révision dans un délai de cinq ans. Ces lois interdisent la recherche sur l'embryon, la brevetabilité du génome humain ainsi que tout clonage reproductif ou thérapeutique.
En outre cette loi affirme le principe selon lequel " la loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de sa vie ".
La révision de ces lois de bioéthique a commencé en janvier 2002, à l'Assemblée nationale. En première lecture, la majorité des députés s'est déclarée favorable à la recherche sur les embryons surnuméraires, à la création d'embryons pour évaluer de nouvelles techniques de procréation médicalement assistée et enfin à l'interdiction du clonage humain, sans que le clonage thérapeutique soit expressément cité.
En effet, que faire des embryons-orphelins ? Des embryons, qui, créés puis congelés à l'occasion d'une fécondation in vitro, ont été abandonnés par leurs parents ? N'ayant pas été implantés dans l'utérus de la mère, ils n'ont pas non plus été détruits. On ne connaît pas leur nombre exact : peut-être 100 000 ou 200 000 en France. Ils ne font l'objet d'aucun " projet parental " et sont à ce titre dépourvus, dans la pensée dominante contemporaine, de toute reconnaissance et de dignité.
C'est ainsi que le 22 janvier 2002, les députés français, dans un vote solennel, ont accepté l'autorisation de la recherche sur ces embryons dits surnuméraires, sous réserve de l'accord écrit des parents. Vous avez bien lu " parents " ! Qui dit " parents " dit " enfant " ! L'embryon surnuméraire est donc qualifié d' " enfant ". Rien d'étonnant à cela : un homme et une femme deviennent parents dès que l'enfant est conçu. Voilà une raison suffisante de protéger et respecter ce " petit d'homme " ! Et pourtant, cet argument de bon sens n'a pas été retenu. Personne ne l'a relevé ! Est-ce que la dignité de l'embryon dépend de la volonté et de la décision des parents ? L'abandon d'un de ses enfants justifie-t-il la destruction de cet enfant ? Mais alors, pour être cohérent, que faire des enfants abandonnés à l'âge de 10 ans ? Je n'ose imaginer leur réponse !
Abandonnés dans les laboratoires de " médecine reproductive ", ils ne seraient plus rien, puisque promis à rien.
Ce qui est surprenant, c'est le rejet par ces mêmes députés, du clonage thérapeutique, alors que la recherche sur l'embryon conduit au clonage.
Or depuis ce vote, nous avons changé de majorité et de ministre de la Santé. Le professeur Mattei, nouveau ministre, s'était abstenu en janvier dernier et avait même prononcé une exception d'irrecevabilité, précisément pour exprimer son opposition à la recherche sur les embryons et son encouragement à la recherche sur les cellules-souches adultes. Et pourtant, c'est le texte voté à l'Assemblée nationale qui est désormais soumis à l'examen des sénateurs.
On note un net fléchissement dans le discours du ministre. Bien qu'il ne souhaite pas revenir sur le principe des lois de 1994 — " Garantir le respect de l'être humain dès sa conception " — il a admis que des recherches sur les embryons pourraient être autorisées dans un cadre juridique très strict, le temps de mettre au point l'utilisation des cellules souches adultes. " Je ne peux aller que dans le sens d'une transgression, au regard des enjeux médicaux " a-t-il déclaré dans l'hebdomadaire La Vie, précisant : " Sur l'embryon, je fais le choix d'une avancée. "
Derrière l'effet d'annonce d'un coup de frein aux fécondations in vitro et la condamnation très ferme du clonage reproductif qualifié de " crime contre l'espèce humaine ", le ministre cultive la même ambiguïté. Il n'autorise pas le clonage thérapeutique, mais il ne l'interdit pas pour autant, alors même que dans le principe et la technique, clonage " thérapeutique " et clonage " reproductif " sont une seule et même chose.
Une remarque s'impose. Depuis le vote de la loi Veil, le processus de décision est toujours le même : affirmation du principe, exception dans un cadre très précis, puis autorisation. Toutes les lois qui touchent à la dignité humaine sont décidées selon ce triptyque. Verrons-nous dans quelques mois cette même logique pour l'euthanasie ?
Élisabeth Montfort est député au Parlement européen, membre de la Commission temporaire de génétique humaine.
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