Relisons la Marseillaise. Un pasteur évangélique demande à Jacques Chirac de pacifier l'hymne national
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 24 mai 2002

Le président de la République Jacques Chirac s'est indigné des sifflets qui ont accueilli la Marseillaise lors de la finale de Coupe de France opposant le FC Lorient au SC Bastia à Saint-Denis.

Le chef de l'État a quitté un instant la tribune officielle, attendant les excuses publiques du président de la Fédération française de football, Claude Simonet. Ce coup de sang présidentiel, prémédité pour les uns (les RG avaient prévenu les autorités des risques de manifestations hostiles), a été bien reçu par les Français. Il nous donne cependant une occasion de relire ce chant révolutionnaire, dont les paroles, qui appartiennent à l'histoire, sont tout de même singulièrement " incorrectes ". On se souvient que l'abbé Pierre avait demandé qu'elles soient sensiblement arrondies. Un vœu repris par le pasteur Gérard Fruhinsholz qui a adressé la lettre suivante au Président.

Monsieur le Président de la République,

Nous avons compris, au travers des événements politiques graves que la France vient de vivre, qu'il existe de graves disfonctionnements dans notre société. Je voudrais attirer votre attention sur un sujet qui est d'actualité : il s'agit de notre hymne national, la Marseillaise.

Ma question est celle-ci : en ces jours où la violence devient un problème majeur dans notre société, violence liée à la délinquance, au chômage, à l'extrémisme religieux..., ne serait-il pas judicieux de saisir l'occasion d'un changement que vous-mêmes souhaitez opérer avec votre gouvernement, pour remplacer les paroles de la Marseillaise — paroles que je qualifierais de sanglantes et tendancieuses — par des paroles de paix ?

Notre siècle n'est plus celui de 1789, celui de la Révolution Française, laquelle est loin d'avoir été un événement pacifique. N'y a-t-il pas un paradoxe entre l'idée de participer à une Communauté européenne et de l'autre côté stigmatiser un sentiment patriotique, nationaliste ?

En tant que chrétien, permettez-moi de vous dire que je ne peux pas chanter cet hymne guerrier et sanguinaire. Pourtant, j'aime mon pays, la France.

" Qu'un sang impur abreuve nos sillons... ", sont des paroles qui contredisent un désir de paix et d'humanité, celui d'une tolérance religieuse ou autre, dont nous voulons être les champions. Un Juif peut-il chanter la Marseillaise, alors que 60 ans auparavant, le peuple juif était condamné sous la désignation de " race impure " ? Une personne d'origine étrangère peut-elle prononcer ces paroles, quand une certaine partie de la France veut mettre dehors les " étrangers ", les trouvant indignes de bénéficier du statut de citoyen français ?

Le drapeau français ne peut plus être le symbole d'un " étendard sanglant " !

Monsieur le Président, vous avez une occasion unique d'apporter un souffle nouveau dans notre pays, si bien sûr les urnes vous sont favorables lors des prochaines législatives. Vous pouvez lui donner une autre image. Cette image est bien écornée aujourd'hui, pour bien des raisons, 1/ la violence, qui est le fait de plus en plus de jeunes – travaillant au Centre de Jeunes Détenus de Fleury-Mérogis, je ne peux que le constater – 2/ la désintégration de la famille occasionnant la délinquance, 3/ le libéralisme moral à outrance, 4/ des actes antisémites pernicieux et grandissants, 5/ la montée de l'intégrisme islamiste, etc. La liste est longue. Modifier les paroles guerrières et tendancieuses de la Marseillaise et les remplacer par des paroles de paix est un acte symbolique ; c'est un symbole fort et il en vaut la peine.

Vous remerciant de votre attention, recevez, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les plus sincères,

Respectueusement,

Pasteur Gérald Fruhinsholz,

VoxDei, 15 mai 2002

La Marseillaise, paroles et musique de Rouget de Lisle (1760-1836)

(De nos jours, on ne chante que le premier couplet, ou bien les couplets 1, 6 et 7, les autres étant jugés obsolètes. Mais le " sang impur " reste de mise.)

1

Allons enfants de la Patrie,

Le jour de gloire est arrivé !

Contre nous de la tyrannie,

L'étendard sanglant est levé, (bis)

Entendez-vous dans les campagnes

Mugir ces féroces soldats ?

Ils viennent jusque dans vos bras

Egorger vos fils et vos compagnes !

Refrain

Aux armes, citoyens,

Formez vos bataillons,

Marchons, marchons !

Qu'un sang impur

Abreuve nos sillons !

2

Que veut cette horde d'esclaves,

De traîtres, de rois conjurés ?

Pour qui ces ignobles entraves,

Ces fers dès longtemps préparés ? (bis)

Français, pour nous, ah ! quel outrage

Quels transports il doit exciter !

C'est nous qu'on ose méditer

De rendre à l'antique esclavage !

3

Quoi ! des cohortes étrangères

Feraient la loi dans nos foyers !

Quoi ! ces phalanges mercenaires

Terrasseraient nos fiers guerriers ! (bis)

Grand Dieu ! par des mains enchaînées

Nos fronts sous le joug se ploieraient

De vils despotes deviendraient

Les maîtres de nos destinées !

4

Tremblez, tyrans et vous perfides

L'opprobre de tous les partis,

Tremblez ! vos projets parricides

Vont enfin recevoir leurs prix ! (bis)

Tout est soldat pour vous combattre,

S'ils tombent, nos jeunes héros,

La terre en produit de nouveaux,

Contre vous tout prêts à se battre !

5

Français, en guerriers magnanimes,

Portez ou retenez vos coups !

Épargnez ces tristes victimes,

À regret s'armant contre nous. (bis)

Mais ces despotes sanguinaires,

Mais ces complices de Bouillé,

Tous ces tigres qui, sans pitié,

Déchirent le sein de leur mère !

6

Amour sacré de la Patrie,

Conduis, soutiens nos bras vengeurs

Liberté, Liberté chérie,

Combats avec tes défenseurs ! (bis)

Sous nos drapeaux que la victoire

Accoure à tes mâles accents,

Que tes ennemis expirants

Voient ton triomphe et notre gloire !

7

Nous entrerons dans la carrière

Quand nos aînés n'y seront plus,

Nous y trouverons leur poussière

Et la trace de leurs vertus (bis)

Bien moins jaloux de leur survivre

Que de partager leur cercueil,

Nous aurons le sublime orgueil

De les venger ou de les suivre