Redemptionis Sacramentum. De la difficulté à vouloir comprendre l’enseignement de Rome
Article rédigé par François Gaillard, le 28 avril 2004

Le cardinal Francis Arinze, préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a présenté le 23 avril dernier l’Instruction Redemptionis Sacramentum sur la liturgie eucharistique. Rien de nouveau dans cette Instruction qui “ne fait que rappeler les normes de la liturgie”, mais qui met en évidence la difficulté d’en faire comprendre la nécessité et le cadre de leur interprétation loyale, après la réforme liturgique introduite à la suite du concile Vatican II.

 

" Les abus ont parfois été sources de souffrance pour beaucoup, a expliqué le cardinal. Il faut résister à la tentation de penser que c’est une perte de temps que de s’arrêter aux abus liturgiques, ceux-ci ont toujours existé et ils existeront toujours. Cette objection, partiellement exacte, peut nous induire en erreur. Les abus relatifs à l’eucharistie n’ont pas toujours été de cette gravité et certains conduisent même à l’invalidité du sacrement. D’autres témoignent d’une perte de la foi eucharistique, ou contribuent à la confusion des fidèles et à la désacralisation de la Messe. On ne peut les prendre avec légèreté. "

 

Secrétaire de la Congrégation, Mgr Sarrentino a fait observer que le respect des normes de l’Église " n’empêche pas d’approfondir ou de proposer des initiatives, comme cela s’est produit dans l’histoire du mouvement liturgique, et de nos jours encore naturellement dans le contexte des études théologiques, liturgiques et pastorales. Il faut par contre exclure de faire de la liturgie une zone franche réservée à des expériences personnelles qui ne peuvent se justifier par la seule bonne foi”

 

Témoin de cette difficulté à accueillir le caractère objectif de la liturgie, les commentaires qu’on a pu en lire dans la presse française.

" Dans un document de style disciplinaire, voire répressif ", écrit Henri Tincq dans Le Monde du 27 avril, " le Vatican réglemente toujours plus l'exercice d'un sacrement central et universel, auquel - faute de prêtres et de ministres ordonnés, hommes ou femmes - des milliers de fidèles ne peuvent accéder. " Autrement dit, la " manie du détail " tue la richesse du sacrement. Et comme toujours dans les articles religieux du Monde, le coup de patte dialectique ressert l’antienne connue de l’opposition interne à la voix du Magistère, ici un " tollé dans le clergé " à propos d’une interdiction du service de l’autel aux jeunes filles qui aurait été finalement écartée, sous la pression de la vox populi. Bel exercice de manipulation, quand le texte dit justement le contraire, le souci de ne blesser personne tenant lieu d’aveu des faiblesse sans doute !

Il est vrai que l’AFP avait diffusé le 24 avril une dépêche, reprise aussitôt par La Croix dans son édition du samedi 24 avril, titrée : “Les filles ou les femmes peuvent être admises au service de l’autel.” Or que dit l’Instruction (n. 47) ? “Les filles ou les femmes peuvent être admises à ce service de l’autel, au jugement de l’évêque diocésain ; dans ce cas, il faut suivre les normes établies à ce sujet (note 122).” Et que disent les normes en question ?

Cette affaire mérite qu’on s’y arrête, tant elle illustre la nullité de l’information religieuse en France, où sa déloyauté manifeste chez ceux qui sont supposés, ès qualité, de faire connaître la voix de l’Église et d’éclairer le jugement des baptisés. Voici ce que disent ces normes, auxquelles fait référence la note 122 du document :

1/ Après avoir entendu l’avis de la Conférence des évêques, il revient à chaque évêque de prendre une décision, s’il le juge bon, sur la base d’un jugement prudentiel sur ce qu’il convient de faire pour un développement harmonieux de la vie religieuse dans son propre diocèse.

2/ Chaque évêque est appelé à prendre une décision personnelle, s’il l’estime nécessaire. L’autorisation donnée à ce sujet par quelques évêques ne peut nullement être invoquée comme imposant une obligation aux autres évêques.

3/ Les fonctions liturgiques, dont le service de l’autel, sont exercées en vertu d’une députation temporaire, selon le jugement de l’évêque, sans qu’il s’agisse d’un droit à les exercer de la part des laïcs, qu’ils soient hommes ou femmes.

4/ Lorsque l’évêque, pour des raisons particulières, autorise l’accès des femmes au service de l’autel, cela devra être clairement expliqué aux fidèles, en faisant référence au canon 230- 2, qui trouve déjà une large application dans le fait que les femmes remplissent souvent la fonction de lecteur dans la liturgie, et peuvent être appelées à distribuer la sainte communion, comme ministres extraordinaires de l’Eucharistie, ainsi qu’à exercer d’autres fonctions, comme il est prévu au canon 230- 3.

5/ Tout en respectant la décision que, pour des raisons déterminées selon les conditions locales, certains évêques ont adoptée, le Saint-Siège rappelle qu’il sera toujours très opportun de suivre la noble tradition du service de l’autel confié à de jeunes garçons, qui a eu pour effet depuis un temps immémorial le développement des futures vocations sacerdotales. Ainsi, l’autorisation de l’évêque ne peut, en aucun cas, exclure du service de l’autel les hommes, ou, en particulier les jeunes garçons. L’obligation de continuer à favoriser l’existence de ces groupes d’enfants de chœur demeurera donc toujours.

6/ L’autorisation éventuelle de l’évêque ne peut pas obliger les prêtres du diocèse à faire appel aux femmes ou aux filles pour le service de l’autel.

Manifestement, ces précisions apportées par l’Instruction ne sont pas claires pour tout le monde. Elle signifie pourtant deux choses : 1/ si l’évêque ne dit rien ou estime qu’il n’a rien à dire à ce sujet, les filles ou les femmes ne sont pas autorisées à servir à l’autel dans son diocèse ; 2/ une éventuelle autorisation de l’évêque doit toujours laisser aux prêtres la liberté de ne pas faire appel à des femmes ou des filles pour le service de l’autel.

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