Rachida Dati : après le déni de paternité, le déni de maternité
Article rédigé par Guillaume de Lacoste Lareymondie, le 14 janvier 2009

Liberté Politique a souligné à juste titre ce que le refus du père avait de choquant de la part d'un garde des Sceaux (Décryptage, 5 janvier). Hélas, le contre-exemple ne s'arrête pas là. Cinq jours après la naissance de sa fille Zohra, le ministre quitte la clinique.

Elle dépose sa fille chez elle et rejoint le conseil des ministres, avant d'enchaîner sur l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation où le Président annonce la suppression des juges d'instruction. Aussitôt sur pieds, Rachida Dati s'est remise à la tâche.
Sens des responsabilités ou amour immodéré du pouvoir ? Il faut reprendre la situation d'un autre point de vue, celui de sa fille. Après avoir été privée de père, sera-t-elle aussi privée de mère ?
La loi française prévoit des congés de maternité pour que les mères restent auprès de leurs tout jeunes enfants pendant dix semaines après leur naissance. Logiquement, les crèches ne font aucun accueil avant deux mois et demi. Ce temps est reconnu par les professionnels de l'enfance comme le minimum nécessaire pour que le lien entre le nouveau-né et sa mère, qui a commencé de se nouer dès avant la naissance, s'établisse sainement, et ce pour le bien de l'enfant.
Faut-il le rappeler ? nul n'a un enfant pour soi, comme une chose, mais pour l'enfant lui-même, parce qu'il est une personne ! Aujourd'hui et pour quelques semaines encore, quelles que soient ses responsabilités par ailleurs, Rachida Dati doit sa présence à sa fille. D'autres, aussi qualifiés qu'elle, pourraient assurer l'intérim du ministère de la justice. N'est-ce pas là une nouvelle manifestation de ce vice si répandu parmi les dirigeants politiques et économiques, que saint Augustin ne sait pas nommer autrement que la convoitise de dominer (La Cité de Dieu, XIV, 15) ?
Ce n'est malheureusement pas tout. De par sa position, Rachida Dati donne un certain exemple, et probablement pas le bon. De plus en plus, les employeurs font pression pour que les cadres femmes n'aient pas d'enfant, et, si elles en ont, pour qu'elles travaillent comme si elles n'en avaient pas, voire exigent qu'elles en fassent plus pour prouver leur motivation – leur allégeance en fait. Un enfant, une famille sont presque des infidélités à l'entreprise.
À l'heure donc où nombre de managers refusent de reconnaître à leurs cadres hommes et femmes le droit de mener une vraie vie familiale en leur laissant le temps et la disponibilité d'esprit nécessaires, ce que vient de faire Rachida Dati renforce de son autorité cette triste tendance à survaloriser le travail au détriment de la famille. Elle cautionne ainsi l'hubris professionnelle qui mine les personnes en les détachant de leurs solidarités naturelles et en les asservissant à leur emploi.

 

 

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